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Opération en vue: Comment s'y préparer

Notre fils aîné est un garçon comme les autres, de taille moyenne, sa scolarité est normale, sa santé est très bonne. Il était plutôt agressif à l'égard de son petit frère, mais maintenant qu'il a franchi le cap des 12 ans, cette agressivité tourne à l'ironie et de pénibles, les situations sont devenues faciles à dénouer, voire comiques. Pourquoi donc parler de cet enfant? Parce que comme pour beaucoup d'autres enfants, ce tableau est trop simple pour être complet, et pourtant il est si proche de la vérité!

Claude devait subir en juin dernier une opération chirurgicale destinée à corriger un hypospadias. C'est une opération des voies urinaires extérieures qui consiste à faire un canal qui n'existe pas, le méat étant situé au bas de la verge, ce qui oblige l'enfant à uriner assis ou très cambré pour éviter de se mouiller. Opération relativement bénigne qui se fait en deux temps espacés de quelques semaines.

Cette opération ou plutôt ces opérations étaient attendues depuis toujours, des examens avaient lieu régulièrement, et c'est d'après l'avis du pédiatre et du chirurgien que nous avions jugé que le moment était venu d'intervenir avant le cap de la puberté.

Claude a derrière lui un passé chirurgical et hospitalier important puisqu'il a subi une opération à coeur ouvert et que les examens de contrôle supposent des séjours à l'hôpital, brefs mais réguliers.

Nous n'avons jamais fait un mystère de cette intervention, mais n'en avons pas non plus fait un sujet fréquent de conversation, peut-être a tort, probablement même. Il va sans dire que la perspective de deux hospitalisations, l'une en juin, l'autre en septembre, nous inquiétait, surtout parce que nous ne savions pas très bien comment présenter les choses à Claude. Pourquoi nous en être fait une montagne? Parce que nous avions toujours cherché à démontrer à cet enfant qu'il était tout à fait comme les autres, et qu'il était solide comme un roc, afin qu'il ne se sente pas «un faible». Nous étions pris au piège puisque cette superbe santé devait passer par l'hôpital, encore une fois, et pour quelque chose de beaucoup plus ennuyeux.

Comme toujours, lorsqu'il s'agit de choses difficiles, nous avions soigneusement choisi le jour et le moment pour lui en parler. Bien entendu nous avions prévu des difficultés, et de ce fait, nous nous y étions pris assez tôt. Il fallait nous donner le temps de le convaincre de la nécessité de cette opération. Première réaction, brutale et franche: «Non, je n'irai pas à l'hôpital, ça ne sert à rien, je peux très bien rester comme je suis, ça ne me gêne pas.» Impossible de bouger de cette opposition pendant des semaines, car bien entendu nous revenions souvent à la charge, en expliquant chaque fois que pour sa vie d'adulte cette correction était indispensable, en ajoutant un petit cours d'éducation sexuelle qui n'avait rien de nouveau, et chaque fois la même réponse: «Ça ne m'intéresse pas, pourquoi le faire maintenant, ça ne me gêne pas, je ne veux plus en parler.» Faire comprendre à un garçon qui est encore un enfant que la puberté va faire de lui un adulte et qu'il faut que son corps soit prêt, alors que son corps ne le tracasse pas, n'est pas chose facile. Et pourtant, il n'était pas question de reculer, il n'était pas question non plus de traîner cet enfant de force à l'hôpital. Il refusait même d'entendre ce que le chirurgien aurait bien pu lui dire, refusant jusqu'à la seule idée du rendez-vous. Le temps ne pressait pas encore, mais tous les arguments semblaient épuisés. Nous étions sur le point de faire intervenir le pédiatre.

Un jour, me trouvant seule avec Claude, nous avons décidé d'aller faire du ski pour la journée, et dans la voiture j'ai repris le sujet pour recevoir la même réponse. Puis, je lui ai demandé s'il avait peur de quelque chose.
«Non, les piqûres, j'ai l'habitude, et avec une anesthésie, on ne sent rien du tout.
- Alors, qu'est-ce que tu redoutes?
- Ce qui m'emm… c'est vos parlottes avec le docteur, c'est toujours à vous qu'on s'adresse et moi j'en ai vite marre.»

Et voilà. Ce n'était rien d'autre que ça. Ces paroles m'ont instantanément ramenée dans le cabinet de consultation du cardiologue qui le suit depuis sa naissance et qui nous explique toujours l'examen auquel il vient de procéder, un peu long mais parfaitement indolore. La conversation a lieu pendant que l'enfant se rhabille. Un pli est pris, et l'enfant qui grandit s'est toujours entendu interpréter les paroles du spécialiste. Ces visites ont été notre affaire, jamais la sienne. Tout à coup c'était l'évidence.

A partir de là, tout devenait facile, on pouvait se mettre à promettre des choses possibles. Par exemple, que l'examen du chirurgien serait court. J'avais même garanti qu'il ne dépasserait pas un quart d'heure et que le chirurgien s'adresserait à lui puisque c'était de lui qu'il s'agissait.

Dès le lendemain, nous prenions un premier rendez-vous avec le chirurgien pour lui expliquer ces difficultés. Nous nous sentions si soulagés d'avoir décroché la solution que nous n'avions plus peur de le faire sourire, il paraissait plus important de ne pas contredire nos promesses. Un deuxième rendez-vous était pris sur le champ pour Claude qui s'y est rendu, les dents serrées, mais consentant. Naturellement au cours de la visite, le chirurgien ne s'est adressé qu'à Claude pour lui expliquer ce qu'il devrait faire et pourquoi, ajoutant incidemment que cette opération n'était pas urgente et qu'il pouvait décider de la faire soit en juin, soit un an plus tard. Nous avons eu un petit moment d'effroi en entendant cette offre, nous qui croyions avoir tout prévu en fonction de l'entrée en secondaire. Juin et septembre pour les opérations, ce qui permettait de ne pas couper l'année scolaire que nous croyions cruciale. Mais enfin, il fallait jouer le jeu jusqu'au bout et laisser Claude maître de la décision. Durant l'entretien, il vérifiait que nous ne dépassions pas le quart d'heure prévu et en quittant le chirurgien, il lui a dit: «J'avais parié avec ma mère 5 francs par minute si la visite durait plus d'un quart d'heure.- Eh bien, Madame, vous avez perdu 20 francs.» Et dans le couloir, d'un air sans doute très naturel, j'ai demandé s'il avait une idée de la meilleure date. Réponse: «En juin, pardi, et si tu continues, tu vas encore perdre de l'argent!»

Ça nous apprendra à croire trop longtemps que nous pouvons tout assumer pour nos enfants et que nous sommes les grands dispensateurs de leur bien-être!

En réalité, l'opération du mois de juin a bien eu lieu, mais il a fallu faire une première correction indispensable dans le cas de Claude, mais la nécessité n'en est apparue que sur la table d'opération, tout reste donc à faire en 1977. Ce contretemps est très bien accepté, les vacances ont été radieuses, l'année scolaire se déroule comme si de rien n'était, et le schéma juin-septembre n'est plus la sombre perspective de l'année dernière. Claude est un enfant détendu, joyeux et somme toute courageux.









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