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Noir et Blanc
Lorsque la maîtresse a su qu'un jeune noir viendrait s'ajouter à sa classe, elle en a conçu quelque inquiétude. Comment ce petit serait-il accueilli? Faudrait-il lutter contre l'appellation de nègre qui vient si naturellement à la bouche des enfants mais qui blesse celui qu'elle désigne? Voudrait-on jouer avec lui, lui donner la main, lui faire sa place? Comment agir pour que cet enfant soit facilement adopté et ne soit surtout pas malheureux?
Il y a dans la classe une place réservée au jeu du ménage et de la maman: une armoire qui contient tout un assortiment d'ustensiles et de la vaisselle, un moïse avec ses accessoires et naturellement un bébé. La maîtresse a eu une idée; elle a acheté un second bébé, un bébé noir et l'a placé à côté du blanc. Les enfants l'ont découvert et l'on tout de suite adopté.
«Vous voyez, a dit la maîtresse, nous avons deux bébés maintenant, un noir et un blanc. Bientôt aussi, nous aurons un vrai petit garçon noir. Je pense que vous serez contents.»
Et elle a eu le sentiment qu'elle avait bien préparé le terrain.
Mais quand Sogbe a été introduit dans la classe, il s'est révélé tout autre que la maîtresse l'avait imaginé. Vigoureux, d'un genre très assuré, il faisait nettement plus âgé que ses nouveaux camarades. Il a promené un regard sur l'assistance qu'il a certainement trouvée «petits gosses» et a pris la place qu'on lui désignait. Ne comprenant ni ne parlant le français, il s'est mis en devoir de tuer le temps sous les yeux très intéressés de son entourage. C'est à la récréation que Sogbe a pu donner pleinement sa mesure. Si les garçons terribles de la classe voisine (des enfants plus âgés) s'étaient promis quelques bons moments avec le petit noir annoncé, ils ont été mis d'emblée au pas. Avec un flair remarquable, Sogbe les a tout de suite repérés. Il s'est jeté sur eux et leur a démontré qu'il était capable de leur tordre les bras, de leur retourner les doigts avec une telle vigueur que chacun a été nettement renseigné. Il a fallu intervenir à plusieurs reprises, ce que Sobge n'a pas accepté très facilement.
Et c'est ainsi que la maîtresse s'est aperçue qu'il ne suffit pas de tout prévoir.
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