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L'éducateur éduqué
Sous ce titre, Denyse Sergy a bien voulu nous donner son avis sur le problème de la discipline en réponse à la question de Mme Ursula Reich (numéro de janvier):
«La discipline, si rare actuellement, peut-elle être inculquée? Ou doit-elle venir de l'intérieur? Ou jamais? N'est-elle pas liée au sens du devoir, qui aide tout de même au fonctionnement d'une société à tâches multiples.»
Denyse Sergy sait de quoi elle parle. Elle a élevé avec son mari trente-sept enfants abandonnés, recueillis dans la grande maison où ils assumaient à eux deux, avec de petits moyens, toutes les tâches.
Peut-être avez-vous aussi une idée à nous suggérer sur ce problème jamais définitivement résolu.
Tout comme l'arroseur arrosé, l'éducateur doit se laisser éduquer. Après de nombreuses années passées auprès d'enfants de tous âges, j'ai découvert, grâce à eux, que la discipline se situe entre la liberté, dont ils ont besoin pour se développer, et la sécurité nécessaire à leur équilibre. Ainsi la discipline doit-elle tendre à s'exercer «à la carte».
Il y a des enfants à qui l'on peut laisser tout faire, ou presque; très jeunes, ils utilisent sans se blesser les outils des adultes, vont se laver automatiquement les mains lorsqu'ils ont joué dans la terre et montent se coucher sans rechigner, parce qu'ils aiment lire au lit. Bonnes habitudes adoptées dès la petite enfance, quasi à leur insu et qui vont de soi.
Il est nécessaire, par contre, de modérer avec souplesse, les enfants casse-cou et turbulents et de disposer à leur égard d'un don de double vue, afin de prévenir les bêtises susceptibles de tourner en drames.
L'avantage d'une grande maison, d'un grand jardin, fait que la discipline se réduit à fort peu de chose: quelques règles fondamentales qui permettent la vie en commun et que les adultes doivent observer eux-mêmes. C'est davantage une manière de vivre qu'une discipline. On peut la résumer en trois mots: bonjour, merci, pardon!
Au début, j'avais nombre de principes éducatifs impératifs, parce que je craignais qu'on ne respecte pas mon autorité parentale; puis j'ai découvert que moins j'exigeais de choses pour moi-même ou pour donner bonne impression autour de moi, plus les enfants m'accordaient facilement ce que je leur demandais, par exemple, bonne tenue à table, politesse sans servilité, égards mutuels.
Nos chères petites têtes ne se trompent guère sur nos motivations réelles. Elles ont du flair pour débusquer ce qui ne les concerne pas: l'auto-satisfaction des parents! Dès l'instant où l'amour a été plus fort que l'amour-propre, nos enfants ont été bien plus «sages», disant bonjour-à-la-dame sans se faire prier, mettant le couvert rapidement, faisant leurs leçons dès le retour de l'école, rangeant leur chambre dès que leur confort était en jeu (la liberté) et non pour se soumettre à mon autorité.
Les enfants m'ont aussi appris à prendre mes distances avec ce que je croyais capital, en raison des idées reçues et de ma propre éducation, pour accorder une importance préférentielle à leur épanouissement. Pour cela, il m'a fallu jeter par-dessus bord quelques principes qui ont la vie dure, mais je me réjouis fort d'y être parvenue sans culpabilité et sans perdre ma propre estime, ce qui est au moins aussi important que de réussir l'éducation de ses enfants.
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