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Y a-t-il une bonne violence?

Sous le titre Violence et Puissance (1), le Dr Tournier vient de publier un ouvrage d'une extrême actualité. Mais ce texte, malgré des vues souvent clairvoyantes, m'a laissée insatisfaite. La première partie manque de rigueur; on n'y trouve pas de définition précise de la violence. Sous ce terme, le Dr Tournier comprend aussi bien la brutalité, l'agressivité que l'élan vital qui porte chaque être à lutter, à faire sa place au soleil. D'où l'idée constamment énoncée que s'il y a une mauvaise violence, il y en a aussi une bonne et même une «sainte», celle de Jésus chassant les marchands du Temple. Comment les différencier, où se situe la limite qui fait qu'on tombe d'une bonne à une mauvaise violence? Voilà la question clé du livre.
Dans la seconde partie, l'auteur montre que la volonté de puissance, le désir de domination sur autrui, accompagne le plus souvent la violence. Voilà découvert le signe distinctif: la mauvaise violence vise à la puissance et le plus souvent à une puissance personnelle, tandis qu'une violence «désintéressée» et à plus forte raison inspirée par Dieu est juste. Dans la dernière partie de son livre, le Dr Tournier montre combien notre civilisation exalte la puissance de l'homme (grâce à la science et à la technique), et il nous exhorte à revenir à plus de modestie, de sagesse, à nous débarrasser de ce funeste esprit de domination.
Ce bref résumé ne tient pas compte de la richesse du texte, de l'abondance des citations et des références, mais il me permet de cerner les points de désaccord. J'en relèverai trois.

Un sens trop vague

Il me semble plus fécond, au lieu de tout embrasser sous le terme de violence, de s'en tenir à une conception étroite, la première du dictionnaire. La violence, c'est l'abus de la force, c'est la contrainte exercée sur autrui pour le faire agir contre sa volonté. La violence n'est donc pas un sentiment, une impulsion, c'est un acte, toujours lié à une inégalité de force, à un pouvoir exercé par une personne ou un groupe sur un autre. Cette domination peut être très éphémère (le pirate détournant l'avion est en général rapidement neutralisé), mais dans l'instant de la violence elle est toujours présente. La violence paraît de plus liée à un certain mépris de l'autre, de sa vie, de sa santé, de son intégrité corporelle ou psychique. On ne le respecte pas, on ne l'écoute pas, on le contraint, y compris Jésus chassant les marchands à coups de fouet; ce n'était certainement pas ce qu'ils souhaitaient!

Est-elle justifiée?

Elle l'est, dit le Dr Tournier, si elle ne s'exerce pas au profit de celui qui l'emploie (guerre de libération, renversement d'un système dictatorial). C'est dire, en d'autres termes, que la fin justifie les moyens. Vous poursuivez un idéal élevé, vous êtes désintéressé, votre violence devient bonne, même si elle blesse autrui. Et que dire du petit soldat qui obéit à des ordres? Il ne tue certainement pas pour y gagner quelque chose, personnellement.
La violence, par le mépris de l'autre qu'elle implique, n'est-elle pas, quels que soient les buts poursuivis, une mauvaise chose en soi?

Un point de vue masculin

On peut empoigner le problème d'une tout autre façon. Si l'on admet l'idée - à mon avis très féconde - que l'être humain (homme et femme) est mû par deux tendances se dirigeant en sens inverse, l'une dite masculine, méprisant les êtres humains pour leur préférer les abstractions, l'autre, féminine, donnant la prépondérance aux êtres vivants, on s'aperçoit que la violence («bonne» ou mauvaise) est entièrement du côté masculin. Faire violence, c'est toujours sacrifier un être à une idée. Le Dr Tournier établit une distinction entre ces idées: serait bonne la violence pour plus de justice, de liberté; serait mauvaise celle pour la puissance, le profit. Mais, dans leur essence, ces deux violences sont pareilles: elles sacrifient toujours les vivants. Si nous sommes encore sous le règne de la violence, c'est parce que nous vivons dans une civilisation masculine. Le livre du Dr Tournier est lui-même d'une inspiration foncièrement masculine puisque la violence et l'esprit de domination se confondent pour lui avec la nature humaine !

Un espoir

A ce livre, on peut opposer le dernier et remarquable ouvrage de Denis de Rougemont, L'Avenir est notre Affaire. Voilà un livre, écrit par un homme, qui est d'inspiration typiquement féminine, puisque c'est la personne pour lui qui doit être la finalité et la mesure de toutes nos entreprises, puisque le bien-vivre de l'homme doit l'emporter sur toutes les «exigences» des abstractions: qu'elles se nomment économie, technique, nation. Et si les idées de Denis de Rougemont (qu'il défend depuis quarante ans) ont eu tellement de peine à se faire entendre, c'est sûrement parce qu'elles étaient contraires à la conception masculine régnante. Mais maintenant c'est le tournant, on le voit bien au succès de son livre et aux discussions passionnées sur l'énergie nucléaire.
La solution du problème de la violence ne serait donc pas hors de la portée humaine. Si la partie féminine de nos personnes est atrophiée, elle peut être développée et encouragée. C'est la tâche de notre génération.
Terminons par une notion très frappante du Dr Tournier; il remarque que les êtres qui ont le plus marqué l'humanité ne sont pas ceux qui ont réussi dans leurs entreprises, mais plutôt ceux qui, aux yeux des hommes, ont échoué. Ils portaient une idée, ils ne l'ont pas fait triompher, mais l'idée leur a survécu et a porté des fruits. Chose surprenante, tous les précurseurs cités ont mis l'homme au centre de leur attention (Socrate, Pestalozzi, etc.). Ils étaient donc de tendance féminine! Voilà qui est encourageant pour ceux qui servent, de toutes leurs forces, la paix.


(1) Editions Delachaux et Niestlé.









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