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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Pas facile d'être père

«Mon mari ne se sent pas concerné par l'éducation de nos enfants et je me sens doublement responsable de leur donner une bonne préparation et de solides racines pour affronter les difficultés de la vie. C'est parfois lourd à porter.»
«Que puis-je faire ? Comment agissent les autres pères…»

Nous avons si souvent reçu des lettres allant dans ce sens, que nous
avons décidé de consacrer ce numéro des Entretiens à ce sujet, en
publiant une série de témoignages sollicités dans notre entourage.


Comment ILS le vivent…

Après cinq ans sans enfant et une vie à deux bien remplie, nous avons d'abord eu Juliette. Quel changement, mais ô combien désiré! Nous avions, durant ces cinq ans, établi des principes sur la conduite du couple face aux enfants: les tâches, aussi bien que les privilèges, seraient partagés et les rôles de chacun resteraient interchangeables. Nous nous étions même laissés aller à porter certains jugements sur le rôle respectif du père et de la mère chez quelques amis… Mais la réalité dépasse la fiction! Cependant, avec Juliette, à la satisfaction de nous trois, nous avons pu tant bien que mal essayer de mettre nos idées en pratique.
Puis Diane arrive; la famille et les responsabilités s'agrandissent, et les principes disparaissent presque complètement!
Je découvre que je ne suis pas seulement un père. J'ai une profession qui me passionne et qui absorbe bien plus de temps que ce n'était prévu au programme. Je me sens souvent écartelé: «Ne suis-je pas en train de négliger mes filles? Et si je garde du temps pour les enfants, ma carrière n'en souffre-t-elle pas automatiquement?»
Pas facile de rester un père attentif et de s'intéresser en même temps à son travail!
En plus de ça, je suis le mari d'une femme que j'aime, avec laquelle j'ai besoin de me retrouver sans avoir à consulter ma montre ou mon emploi du temps. Quand nous ne nous voyons plus qu'en vitesse, entre deux préoccupations sérieuses, les malentendus prospèrent au point de menacer notre entente.
Et puis, il y a moi, l'homme que je suis, ma constitution, mes rêves, mes espoirs…
Comment réussir à garder l'équilibre entre ces quatre pôles qui semblent souvent prendre un malin plaisir à me tirailler dans des directions divergentes?
Dans l'idéal, j'aurais souhaité offrir en tout premier lieu à nos enfants une image de bonheur de vivre. C'est si important d'être heureux ensemble! En réalité, j'ai l'impression d'être périodiquement menacé d'un déséquilibre, soit parce que je penche trop d'un côté, soit parce que je suis tiré de deux ou trois autres côtés…
Peut-être est-ce cela l'existence d'un père de famille qui «réussit»: parvenir à garder le goût de vivre en cheminant d'un porte-à-faux à l'autre !

David, 34 ans, 2 enfants.


Mon enfance et ma jeunesse se sont passé à la campagne à aider mon père dans tous ses travaux, à le seconder, le soulager. Et à lui obéir sans avoir l'autorisation de poser une seule question.
Mon fils est élevé en ville. Il a pu suivre toutes les écoles qu'il a voulu. Nous ne lui avons demandé de l'aide que le samedi et pendant une partie des vacances pour ne pas nuire à ses études. Le résultat, c'est qu'il nous trouve ignorants, «vieux jeu», complètement dépassés. Il ne s'occupe que de ses aises, se plaint de recevoir trop peu d'argent pour ses loisirs. S'il offre de rendre un service, c'est parce qu'il a dans l'idée de nous soutirer une faveur. Autrement, il n'a que des critiques à nous faire.
On me dit de ne pas me frapper, que c'est un temps qui passera. Quand je pense que je n'ai jamais pu ouvrir la bouche contre mes parents!

Carlos, 46 ans, 1 enfant.



- Quel est, selon vous, le rôle du père?
- Dans la phase actuelle de mes relations avec ma fille: se retirer sur la pointe des pieds et se faire oublier!
- Expliquez-vous.
- J'en suis, en effet, au stade du père qui doit accepter de s'entendre dire: «Tu as été trop parfait à mes yeux (aïe à ma modestie!), tu m'empêches d'avoir une vision réaliste des hommes. D'autre part, je voudrais pouvoir choisir ou définir mon propre style de vie sans qu'intervienne le modèle que tu as été pour moi.»
- Plutôt flatteur, non? Vous avez essayé d'éduquer par l'exemple: c'est ce que tous les psychologues recommandent à longueur de journée. Et comment s'est-il comporté jusqu'à présent ce père parfait? Et comment se comportera-t-il par la suite?
- Voici, en simplifiant:
Avec le bébé: langer, donner le biberon, bercer, l'admirer pendant les loisirs de la mère.
Avec l'enfant: être disponible, beaucoup jouer, raconter des histoires, bricoler, répondre sans se lasser aux questions, aider à découvrir le monde, rester toujours calme et patient.
Avec l'adolescent: discuter beaucoup, écouter, ô combien! accepter d'être tour à tour le modèle admiré ou rejeté. Une consigne que je me répétais continuellement: de la discrétion, encore de la discrétion, toujours de la discrétion.
Avec le jeune adulte: (ma fille ne se sent pas si mal que ça avec nous puisqu'elle partage toujours notre logis) se faire petit, tout petit. Et l'on s'aperçoit alors que les mères ne sont pas les seules à avoir des problèmes de cordons à couper!
Avec l'adulte responsable: l'équilibre sera sans doute trouvé dans une relation d'égalité et d'amitié.
- Somme toute, pas facile d'être père!
- C'est bien pourquoi je me réjouis d'être grand-père.

Interview de Jacques, 65 ans, 1 enfant.


Lorsque les enfants sont très jeunes, le père et la mère créent l'atmosphère de la famille; s'ils s'aiment, ils apportent de la joie et de la gaîté, car ils sont heureux d'être ensemble. Ils s'ingénient à épanouir les meilleurs éléments des caractères en élevant, c'est-à-dire en mettant à un degré toujours plus haut, les forces naturelles si diverses de chacun. Dans cette période de la vie de famille, le père et la mère sont un peu les chefs d'un orchestre qui essaie de jouer une partition harmonieuse. Dans cette perspective, le père, qui a des contacts avec l'extérieur, doit éviter autant que possible d'évoquer les tracas inhérents à sa vie professionnelle. Par contre, les enfants parlent tout à leur aise de leurs peines, de leurs préoccupations, de leurs plaisirs. Chacun sent qu'il a spontanément libre accès auprès de son père, parce qu'il trouve en lui un conseiller bon et compréhensif, sinon toujours parfait.
Il est bien certain que si le père se plonge dans la lecture de son journal (défense de parler) ou s'il sort de son travail pour aller à ses distractions (sportives ou autres) ou à ses assemblées professionnelles, s'il ne fait que des apparitions furtives au foyer et s'il s'y présente comme un homme fermé à la vie affective et scolaire de ses enfants, c'est la mère, alors, qui se met à diriger, elle est au courant de tout ce qu'ils pensent et vivent. La fonction du père se dévalue et le fossé se creuse entre celui-ci et ses enfants.
C'est pourquoi, si la porte qui donne accès au coeur et à la raison du père de famille s'ouvre largement à chacun de ses enfants durant l'enfance, le contact demeurera pendant l'adolescence, période de contestation, de défi et d'opposition. Les parents ne sont plus des ordonnateurs d'harmonie, mais assistent à une mutation complète de la situation. Le père, comme un navigateur, observe sa flottille familiale. Tous s'éloignent du rivage et se distancent les uns des autres. Le père dirige son esquif vers celui que menace une voie d'eau, ou vers celui qui lutte avec des éléments contraires. Tout se passera bien, finalement, si des relations positives ont été établies et maintenues dès le plus jeune âge.
A l'image du père se substituera celle d'un ami fidèle avec lequel il sera toujours possible d'engager un dialogue fait de confiance et de compréhension réciproque.
Voici ma réponse à la question posée sur le rôle des pères; je précise encore qu'en dépit des apparences, les problèmes n'ont pas manqué chez nous et qu'il en surgit toujours d'autres tout en long de notre vie familiale.

Michel, 63 ans, 4 enfants.


J'ai rencontré l'autre jour mon ami Alphonse (80 ans, 1 enfant) qui est, non seulement père, mais grand-père. J'en ai profité pour lui demander ce qu'il pensait du rôle du père, notamment de la tendance qu'ont aujourd'hui de nombreux jeunes de s'occuper beaucoup plus qu'autrefois de leurs très jeunes enfants.
«Tout ce que je peux faire, m'a-t-il répondu, est de relater ma modeste expérience à ce sujet: A une époque où les pères ne s'intéressaient guère à leurs enfants qu'au moment où ils entraient à l'école et avaient plutôt tendance à jouer les pères fouettards, je me suis trouvé obligé par les circonstances (maladie de la mère) de beaucoup m'occuper de mon petit garçon alors qu'il était encore bébé et jusqu'à 5 ou 6 ans. J'ai donc été un précurseur de la mode actuelle. Je ne le regrette d'ailleurs pas car j'ai trouvé à jouer ce rôle beaucoup de joies et de satisfactions. Mais je ne saurais dire si le fait que j'ai joué un rôle (à l'époque traditionnellement réservé à la mère) a été bénéfique pour l'enfant. L'opinion qui règne dans la jeune génération est que ce contact du père avec ses jeunes enfants permettra de mieux surmonter les difficultés de l'adolescence. Pour ce qui me concerne, je dois dire que cela n'a pas empêché mon fils de faire sa crise d'opposition et, plus tard, au moment de son mariage, de considérer que son père ne comprenait rien, ni au mariage, ni à l'éducation des enfants. Mais son attitude a changé avec les années et maintenant qu'il est devenu père à son tour, nous avons de très bons rapports de confiante amitié. Est-ce dû aux liens affectifs qui se sont tissés entre nous dans sa petite enfance? C'est difficile, ou même impossible à dire, car de nombreux autres éléments entrent en ligne de compte, notamment le fait que l'image du père se transforme au cours des ans.»

Victor



Pas facile d'être père! Avec le sentiment que nous n'avons pas du tout été préparés à ce rôle; alors que les filles dans leur éducation ont été elles préparées (d'une certaine manière) à être mères. Nous devons tout improviser dès le moment où l'enfant est là, que notre femme ou la sage-femme à la maternité le pose dans nos bras. Déjà pendant la grossesse nous pouvons nous sentir de trop; pas tellement vis-à-vis de notre femme, mais vis-à-vis de l'enfant. Nous savons qu'il est là dans le ventre de sa mère, qu'il existe, mais vivement qu'il sorte pour que nous voyions qui est en face de nous, qu'on puisse enfin «discuter» ensemble, père et enfant.
A partir de là, tout est possible pour nous, si nous le voulons bien, si notre femme nous y pousse, si elle nous laisse faire: donner le biberon, langer, bercer, se relever la nuit, serrer contre soi, caresser, lui parler, etc. Pour certains pères, c'est difficile: l'enfant est trop petit, trop fragile; nous avons peur de l'écraser avec nos grosses mains, de le laisser tomber; nous ne savons pas quoi lui dire à ce nourrisson; il ne sourit même pas… alors nous préférons dire: quand il sera plus grand, alors là je serai prêt à m'en occuper davantage.
L'enfant, les enfants grandissent; les attentes face au père se modifient; les enfants aimeraient que nous jouions plus avec eux; ils aimeraient nous avoir chacun d'eux, pour eux tout seul à certains moments; ils voudraient faire des trucs nouveaux avec nous, nous raconter tout plein de choses… Et malgré nous, souvent nous disons: «je n'ai pas le temps» ou «plus tard». Certains pères disent: «Lorsque mes enfants seront adolescents, là je m'intéresserai à eux, je saurai mieux comment être avec eux.» Mais il sera difficile de ne commencer qu'à ce moment-là une relation plus personnelle et plus profonde.
Lorsque dans des classes on fait jouer à des adolescents des situations familiales, le père est très souvent représenté comme celui qui a toujours raison, qui est submergé par son travail, à qui l'adolescent aimerait parler mais qui se réfugie derrière son journal ou devant sa TV. Ce qui veut bien dire: parler du rôle du père dans la famille, c'est en même temps parler du travail du père, de son poids de fatigue et de responsabilités. Si déjà nous rentrions moins fatigués chez nous, d'autres choses seraient possibles.
Si ce rôle du père est rediscuté c'est pour plusieurs raisons: un bon nombre de femmes veulent occuper une place différente dans la société, faire tomber des barrières qui les isolent dans leur vie de famille et trouver (ou retrouver) plus facilement leur place dans le monde du travail ou de la vie sociale; ainsi, si la femme sort du foyer, l'homme doit pouvoir y entrer.
Dans nos sociétés, une importance nouvelle est donnée à l'enfant, à son éducation, aux espoirs que les parents mettent sur cet enfant et son avenir, d'où la nécessité d'une plus grande présence de la mère et du père à ses côtés.
Les rôles de père et mère, selon les classes sociales et selon les personnes sont redistribués dans une certaine mesure, au gré des désirs et des possibilités de chacun: tendresse et autorité sont aussi bien l'apanage du père que de la mère. Le pouvoir de décision est partagé; il est ainsi plus temporisé; le partage supprime le caractère définitif du père tout-puissant. Le père apporte aide et soutiens affectifs; mais être père c'est aussi accepter d'être à son tour sécurisé par sa femme et ses enfants.
Les tâches domestiques, économiques et éducatives sont réparties dans le couple (et dans la famille); le père n'a pas l'exclusivité du travail à l'extérieur ni la mère l'exclusivité de l'éducation; il y a le désir de passer de la spécificité des rôles à une démocratie familiale, les rôles étant considérés comme égaux, les tâches ressenties comme ingrates étant partagées. Cette redistribution des tâches se fait d'ailleurs d'elle-même à certains moments de la vie du couple, lorsque des circonstances l'imposent: chômage, maladie, etc. Mais elle peut aussi être décidée par le couple en vue d'une plus grande richesse de la vie familiale et d'une plus grande liberté personnelle de chacun; mais tout cela ne va pas de soi et demande une adaptation à des comportements nouveaux.
Les valeurs de gratuité sont importantes pour la famille: communication, jeu, amitié, créativité, sexualité, goûts communs; ces valeurs sont souvent pour l'homme en contradiction avec les valeurs de productivité et par là-même sont ressenties par lui comme non viriles.
Alors! Si le père pouvait jouer plus avec l'enfant, l'adolescent… Mais attention, non pas en vue d'un rendement: c'est le piège des jeux «éducatifs» où l'on ne joue pas pour le plaisir seulement, mais encore avec l'idée que l'enfant apprendra quelque chose d'utile pour la suite…
Alors! Si le père pouvait apprendre à parler de lui, de ses sentiments, de ses peurs aussi bien à sa femme qu'à ses enfants…
Alors, d'autres modèles de pères se développeraient et chacun aurait à y gagner; mais cela ne va pas tout seul.

P.-A. Diserens, 37 ans, 3 enfants, collaborateur de Pro Familia, Lausanne.



Ce qu'ELLES en disent…

Mon père

Au sortir de l'école, c'était un bref rendez-vous privilégié sur son terrain professionnel; je pouvais compter sur quelque parole affectueuse, rigolote ou gentiment moqueuse, parfois sur un bonbon, et ceci quoiqu'il se passât dans ses affaires du jour. Au long des vacances d'été (les miennes, lui n'en prenait presque jamais), il y avait aussi une course à sa montagne, connue et reconnue et possédée de lui, dont il aurait voulu nous transmettre son parcours aux mille facettes (en rêve, j'en devenais le guide célèbre!). Les études, la musique, les voyages-découvertes: partage inégal, au second degré, le plus souvent par l'intermédiaire bienvenu de ma mère. Retrouvailles ensuite sur un plan professionnel, le long d'une route qu'on prétend moins sinueuse dès qu'elle est bordée de quelque diplôme! Discussions, heurts, écarts, retours, déceptions, espoirs, enthousiasmes, détachement… Puis, par la grâce de quelques lettres que je voulais profondes, contact jamais rompu: puisqu'il y a l'estime.


Leur père

Des jours, des mois, des années pour se connaître, se reconnaître, savoir, enfin. Lorsque l'enfant paraît, pas question du rôle-du-père: joie béate et nulle question, ou plutôt mille, sans parler du chapitre «adulte» à mettre au point de mon côté. Accident sur le parcours santé du pitchoun, difficultés, soucis, désir profond de s'épauler, de garder ouvert l'horizon des pensées, sinon celui des actes. Recherches ci et là, mises en question, entier partage des soins… A distance, l'événement deviendrait-il point d'ancrage essentiel d'une relation plus harmonieuse?
Pour lui, formation en emploi, orientée par une non-connaissance du sujet dans son enfance, par mes désirs d'évasion (fin d'une formation professionnelle), par les aléas de notre histoire commune. Des recettes? Point! Plutôt quelques images positives d'aujourd'hui: lecture au cadet à son coucher, scrabble, mikado ou piscine couverte avec l'aîné, souper hebdomadaire «entre hommes» à l'heure de mon cours (maintenant je trouve une cuisine rangée), participation au complot du cadeau de Noël, vaisselle du soir essuyée pour que l'aîné, dont c'est d'ordinaire la tâche, termine ses devoirs… Inventaire béat, palmarès? Que non pas. Il y a aussi la relation par mère interposée, en positif et en négatif, toujours dans la franchise (cf. EE, juillet-août 1977), de plus en plus importante à mesure que les enfants grandissent. Il y a aussi des creux aux vagues de notre vie familiale, dans lesquels tous un jour nous chavirons; mais le courant ne nous immerge pas longtemps, il nous soutient pour que nous remontions mieux la pente: puisque c'est le courant de la tendresse.

Isabelle, 39 ans, 2 enfants.



Notre tripotée de garçons, élevés non seulement par une mère au foyer, mais un père à plein temps, comment allaient-ils vivre à leur tour leur rôle de père?
Disons, en préambule, que l'image du «père au foyer», peu commune il y a une vingtaine d'années, les a fortement marqués, et pas seulement d'une façon positive. Quand l'instituteur questionne les enfants sur la profession du père et qu'il faut avouer qu'il n'est ni aviateur, ni conducteur de locomotive, ni menuisier, mais que sa principale occupation est d'élever sa marmaille, cela ne fait pas sérieux!
Aussi, par un mouvement de balancier bien connu, la plupart de nos garçons ont-ils été des mâles classiques, bien décidés à épouser des femmes soumises, à qui l'idée ne viendrait pas de sortir de la cuisine ou de la nursery, afin qu'ils puissent aller en paix à leur boulot, retrouver leurs semblables.
Quelques-uns, par contre, aidés par des femmes intelligentes, ont accepté facilement le partage des travaux dits «ménagers» qui comprend bizarrement «l'élevage» des enfants; l'un d'eux a quasiment élevé ses trois enfants, avec bonheur et d'authentiques qualités de pédagogue.
Un seul n'a pas eu de chance; pourvu de dons innés pour pouponner et materner, c'est sa femme qui n'a pas voulu partager. Elle s'est cramponnée à ses nourrissons comme à une bouée de sauvetage et le pauvre père a été bien frustré. Il y a eu problème, et ce n'est pas fini.
J'en déduis que même mal préparé à son nouveau rôle de père, ce sont les femmes qui peuvent le mieux aider leur mari à découvrir les richesses du gynécée et leur montrer qu'ils sont aptes, autant qu'elles, à s'occuper de leur progéniture, dès le plus jeune âge.
Les enfants sont les principaux bénéficiaires d'un partage effectif des tâches éducatives et qu'il n'y aura jamais trop de caresses et de baisers pour leur faire chaud au coeur.

Denyse Sergy, 62 ans, 37 enfants.

P.-S. - Voir numéro de février 78 où vous trouverez la présentation de cette famille nombreuse!



Voici un petit souvenir datant de l'époque où les laitiers jouaient encore un rôle dans notre vie quotidienne.
Par une matinée d'été, mes enfants jouaient au jardin et je n'entendais pas leur tapage habituel. Ce calme ne me disait rien qui vaille. Un coup d'oeil me renseigna bien vite: de petits ruisseaux de lait coulaient tranquillement le long du sentier qui menait au portail. Les enfants s'étaient chamaillés en voulant apporter à la maison le bidon que le laitier venait de remplir. Ils l'avaient laissé tomber et le résultat était sous mes yeux. Que vous dire sinon que j'étais fâchée et que l'algarade qui suivit n'était pas volée… Peu de temps après mon mari rentra. J'étais prête à lui faire part de cet «exploit» et de mon indignation. Avant que j'aie pu prononcer un mot, il nous dit: «Que je suis content d'arriver dans une maison où coule le lait (et le miel), comme dans une terre promise!» Cette façon humoristique d'envisager la situation déclencha un fou-rire général et nous remit tous de bonne humeur.
L'arrivée du père avait totalement transformé le climat familial.

Liliane, 55 ans, 4 enfants.



Ce que c'est qu'un père? Je suis là en terrain absolument non connu, n'en ayant expérimenté que l'aspect «pouvoir à 100 % destructeur» (mon père) et l'aspect «non-exigence à 99 %» (mon mari). Je n'en ai aucune idée, pas plus qu'un homme de la préhistoire ne saurait se représenter l'intérieur d'une machine à calculer.

Clara, 46 ans, 1 enfant.



Pour ceux qui l'auraient oublié nous vous rappelons le livre présenté par S. Guye en octobre 1975, Le père et son enfant, de Fitzhugh Dodson, Ed. Laffont, 407 pages, 25 francs environ.

Tous les livres consacrés à l'éducation s'adressent aux mères… comme si les pères n'existaient pas, ne s'intéressaient ni au développement de leur enfant ni au rôle qu'ils sont appelés à jouer. Cet ouvrage comble cette lacune.
Le Dr Dodson, père lui-même de trois enfants, se penche sur le problème de la paternité de la toute petite enfance, stade auquel un lien étroit doit se nouer entre le père et son enfant, jusqu'à l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte.
L'auteur fait une place à part au père divorcé ou remarié, qui ne sait pas toujours trouver avec ses enfants ou ses beaux-enfants un juste équilibre, et ses conseils leur seront d'un réel secours.
En annexes, des indications pour des jouets à construire et des lectures utiles.


Un extrait:

… J'ai insisté pour que vous appreniez à considérer la révolte de l'adolescent comme une étape positive de son développement. Mais même si intellectuellement nous pouvons la considérer comme telle, cela nous blesse dans nos sentiments. Les parents devraient s'entraîner à la tolérer et à la maîtriser. Il pourra vous être utile de parler à d'autres parents d'adolescents et de voir qu'ils agissent de la même façon. J'ai remarqué que les pères, plus que les mères, refoulent ces sentiments et se bloquent.
Ils ont généralement conscience d'être furieux mais ils comprennent très rarement que derrière leur colère se cache l'amertume. Il est important qu'un père puisse l'exprimer et en parler à sa femme ou à un ami. Tant qu'il les refoulera et les gardera au niveau de l'inconscient, il ne pourra les maîtriser.
Une fois de plus, je ne peux que dire aux pères: Vous avez l'impression de perdre votre fils ou votre fille et que vous ne comptez plus autant que lorsqu'ils étaient enfants.
Pourtant, vous comptez. Vous comptez d'une façon nouvelle et quelque peu difficile: vous avez en face de vous, non plus un enfant, mais un semi-adulte. Reprenez courage. Quand votre enfant sortira de l'adolescence, vous aurez un autre rôle auprès de lui, celui d'un adulte plus âgé en face d'un jeune fils, d'une jeune fille adultes.
Les ouvrages insistent sur les bouleversements de la vie d'adolescent et les difficultés que ce dernier éprouve pour atteindre la maturité psychologique. J'essaye de faire remarquer qu'il en est exactement de même pour les parents. On leur demande un effort psychologique difficile pendant qu'ils s'adaptent à l'évolution radicale de leurs enfants…









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