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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURCet enfant à nous… mais pas de nous Yves a 14 ans. A l'âge de quatre mois, il nous fut confié par le service d'adoption. Bébé souriant, calme, aux yeux vifs, il a conquis nos coeurs au premier regard. Nous devenions d'un coup indispensables à ce petit être défavorisé par les circonstances de la vie, il faisait appel d'un jour à l'autre à nos pensées, notre coeur, notre disponibilité; il nous apporta tout ce qui nous manquait, il fut notre joie. Grâce à lui, nous devenions une famille et il nous semblait impossible que ce bonheur tout neuf ne continuât pas… Lui révéler la vérité sur sa naissance dès qu'il serait en âge de comprendre fut pour nous l'évidence même. Nous nous étions documentés, avions écouté les conseils de personnes compétentes: nous étions prêts. Cet âge arriva. Il ne nous crut pas. «Non, moi étais dans ton ventre.» Il refusa tout net cette complication, et était «pas comme les autres». Et ce fut là - nous le constations quelques années plus tard - l'origine de son inadaptation globale et de toutes les difficultés qui en naquirent. Cependant, nous ne regrettons pas de le lui avoir dit: il le fallait à tout prix. Mais à quel prix, nous le sûmes plus tard. Il grandit. Il fut «le nôtre» à tous points de vue. L'événement de la naissance ne comptait pas pour nous; mais pour lui, oui. Il n'acceptait tout simplement pas de ne pas être de nous. Il n'en avait pas conscience, bien sûr, mais son retard de langage, son énurésie, son inadaptation familiale et scolaire étaient là pour nous rappeler: «Je vous en veux de ne pas m'avoir fait.» Pour être rassuré et se sentir en accord avec le monde, il demande l'impossible: que nous l'ayons créé. Notre inquiétude grandit. La patience de notre affection sera-t-elle assez forte, à la longue, pour combler ce néant: nous ne l'avons pas engendré, nous ne lui avons pas donné de racines, c'est notre crime - à son égard - et c'est lui qui paie. Et cependant nous lui donnons la stabilité et le réconfort d'une famille. Notre désarroi est profond. Il a 14 ans aujourd'hui. Ce qu'il doit savoir des origines de la vie, il le sait; mais en général, pas en particulier. Il repousse tout ce qui le concerne en ce domaine; il est fermé, impénétrable, violent pour un rien, mais aussi assoiffé de tendresse. Il a sûrement très mal. A l'école, il a la chance d'avoir un maître compréhensif qu'il respecte et qu'il aime. Par conséquent, il est discipliné, bon travailleur, mais passif. Dans le programme figurent deux leçons d'initiation sexuelle. D'avance, il dit qu'il sait tout, qu'il ne veut pas y aller. Il tremble d'être remis en question. Cependant, il doit y aller. Il y va. Mais il ne peut supporter cette initiation qui s'applique à tous les cas normaux, donc pas à lui. Il se sent rejeté, pas comme les autres, ne peut supporter une tension intérieure trop forte et, pendant les deux cours, perturbe la classe et se fait punir. Nous avons compris, bien sûr. Il apporte à la maison une brochure reçue à ce cours (fort bien faite d'ailleurs pour les cas courants), brochure que nous lisons en essayant de nous mettre dans sa peau. En voici deux extraits: * «Toute jeune fille doit donc se souvenir que si elle laisse un homme la pénétrer, ne serait-ce qu'une seule fois, elle peut devenir une maman non mariée. Son enfant n'aura pas de papa.» «En effet, l'acte par lequel les parents s'unissent pour avoir un enfant est non seulement un acte voulu par l'instinct, mais un acte auquel ils ont réfléchi, qu'ils ont désiré et qui a été accompli par eux dans la tendresse et la joie. Et comme un enfant n'est pas seulement un petit être de chair, mais un être dans lequel une âme va s'épanouir, cet acte est un acte sérieux et lourd de conséquences.» De telles phrases peuvent jeter dans le désarroi le plus profond les enfants dont le départ dans la vie n'a pas été ce qu'il aurait dû être. C'est le cas de Yves. Il est meurtri. Il refuse d'en parler. Pas une seule fois, il n'a formulé la question: «Et alors, l'homme qui m'a engendré?» Il ne veut pas savoir, c'est trop douloureux pour lui. Alors, comme tout enfant malheureux, il se ferme, se «venge» en étant désagréable, presque perpétuellement de mauvaise humeur, jamais d'accord avec son entourage. Et pourtant nous savons, à certaines attitudes de tendresse excessive qu'il a parfois envers nous, qu'il nous aime. Nous, malgré nos perplexités, notre profond désarroi, notre lassitude morale aussi, une seule idée nous habite: la stabilité de notre affection, avec les années, devra être la plus forte… Y a-t-il des parents adoptifs parmi nos lecteurs? Si oui, écrivez-nous l'histoire de votre enfant. Vos expériences aideront d'autres parents. Etes-vous parvenus à résoudre le problème si délicat de l'explication de l'origine de l'enfant? Nous répondrons. Nous essaierons de créer un dialogue, une mise en commun de nos expériences, un réconfort moral. * Cette brochure est ancienne, elle a été retirée. |
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