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Un grand malade à la maison

Il y a quelque temps a paru dans le «Journal of the American Medical Association» un article dont nous avons pensé qu'il pourrait être utile à certaines de nos familles. Il s'agissait de la nécessité pour une femme, mariée, mère de famille de trois enfants (parmi lesquels une fille aînée récemment mariée vivant chez elle), de soigner chez elle son père de 75 ans, atteint de cancer, complètement immobilisé, condamné, et que les médecins lui avaient dit de reprendre du jour au lendemain. Cela a duré 5 ans.
L'article explique toutes les solutions matérielles qu'il fallut trouver - innombrables, difficiles -: de la place d'abord, un aménagement très spécial du lit pour changer constamment les alèzes, pour laver le patient, pour le nourrir, puis de l'aide extérieure de plusieurs sortes, etc. Cette femme a dû tout apprendre, trouver, inventer, improviser, et elle écrit cette expérience dans l'intention d'aider autrui par les données pratiques les plus concrètes.

Pas de solutions toutes faites

A ce point de vue déjà, elle nous apprend qu'il n'y a pas de solutions toutes faites, même techniquement, et que seule l'expérience tenace et patiente peut faire trouver peu à peu les meilleures solutions, les plus remarquablement utiles, les plus adaptées à chaque cas. Cette leçon mérite peut-être d'être soulignée pour ceux d'entre nous qui trop souvent pensent: un autre à ma place aurait su se débrouiller plus vite et mieux. Par exemple, il a fallu 10 mois à cette femme, pourtant très capable, pour trouver la meilleure façon d'organiser l'aide extérieure, et presque 5 ans pour améliorer toutes les données concernant le lit du malade.
Nous ne nous arrêterons pourtant pas aux données matérielles - ce n'est pas notre but ici - mais aux autres aspects de la situation.
Le choc d'abord. «Nous ne pouvons plus rien» disent les médecins «autant reprendre le malade à la maison». «Quand?» dites-vous. «Oh! si vous voulez, dès aujourd'hui; nous avons besoin de place». Comment encaisser cela, qui est à la fois l'irrémédiable moralement, et une montagne qui vous tombe physiquement dessus. Eh bien, nous dit cette femme, Rome n'a pas été construite en un jour. Et si on la construisait en plusieurs jours? Donnons-nous donc quelques jours pour nous retourner.

Comment s'organiser?

Après ce laps de temps - celui d'absorber le fait - comment s'organiser? Comment se serrer, comment accepter de réduire la surface de vie? Dans le cas de cette famille, il y avait déjà à la maison: cette femme, son mari, deux jeunes enfants de 11 et 12 ans, et une fille aînée avec son mari. Avec le malade, trois générations. Pensons au sacrifice très lourd que c'est pour beaucoup d'entre nous dès qu'il est question de donner de la place. Ne donnerions-nous pas plus facilement n'importe quoi plutôt que quelques mètres carrés? Et pas n'importe quelle place: si le malade est immobilisé il faut une fenêtre, le plus de vie extérieure possible. Où trouver cette générosité, et que tous y participent? Cette femme semble avoir réussi cela tranquillement, posément. Mari et enfants ne l'aidaient pas directement, mais parfois tenaient compagnie au malade, et de cela elle était reconnaissante, de ces petits bouts de temps libre.
Accepter toutes les aides qui s'offrent, toutes les bonnes volontés, n'avoir aucun scrupule, car sans de l'aide, sans beaucoup d'aide, c'est une entreprise impossible. Avoir la simplicité de se laisser aider, et de se faire aider à d'autres moments en payant un professionnel. Naturellement cela présuppose de savoir comment utiliser au mieux ce que peut chacun.

«Soyez gentil avec vous-même»

Mais surtout, dit cette femme dont l'équilibre est remarquable, «prenez soin de vous-même». Et voilà à notre avis le point sur lequel il est essentiel de savoir s'arrêter. On ne peut traverser de telles situations sans avoir, dirais-je, beaucoup de gentillesse envers soi-même… Je ne dis pas de l'égoïsme, je dis de la gentillesse. Cette femme l'exprime dans un style américain tout simple: «Habillez-vous très bien, dit-elle. Allez chez le coiffeur régulièrement, surveillez votre poids (être vissé à la maison fait grossir), si vous faites partie d'un club pour maigrir, cela vous amènera en même temps à voir du monde». Jouissez à fond - nous dirions: sans culpabilité - de tout le temps que vous passerez hors de la maison. Et quand les gens vous interrogeront sur votre malade, répondez brièvement, médicalement, remerciez-les, et passez à des sujets plus aérés… Choisissez très soigneusement vos distractions, ne pratiquez que celles qui vous rendent vraiment heureux; par exemple choisissez les programmes de télévision qui vraiment vous attirent ou vous enchantent. Surveillez bien tout ce qui pourrait vous déprimer et bannissez-le.
Voyez aussi ce que vous pouvez tirer de la situation. «Soigner mon père» continue cette femme «est inestimable comme alibi: cela me sauve de toute sorte de choses embêtantes que je peux ainsi refuser. Cela peut aussi me donner de la liberté vis-à-vis de ma famille; par exemple, je donne à manger à mon père pendant les spectacles télévisés que je préfère, et ainsi ma famille, qui a d'autres goûts que moi en télévision, me laisse les voir…»
«Regardez-vous comme un être humain qui a de la classe et de la personnalité». Ne sombrez ni dans la tristesse ni dans l'apitoiement sur vous-même. Ne vous considérez jamais comme un martyr. Et, pour finir, cette injonction apparemment toute simple: «Ne souffrez pas à la place de votre patient, continuez simplement à faire votre travail pour lui».
Quel programme, dirons-nous! Oui, on en est abasourdi. Nous avons à dessein laissé le style un peu américain et l'absence de sentiments, qui n'est qu'apparente (car pour soigner un être comme cette femme l'a soigné il faut un immense respect et un dévouement sans limite). Il y a ainsi une netteté, un non-sentimentalisme, qui montrent mieux que de grands mots toute la générosité et tout l'équilibre qu'il faudrait savoir trouver en soi dans ces cas-là. Cas extrêmes, bien sûr, mais attitude intérieure applicable, je crois, à nombre de situations moins aiguës et souvent quotidiennes que nous pouvons ressentir comme entravantes et où nous sommes pris entre la générosité nécessaire et la tout aussi nécessaire défense de soi.
On se demande si, en fin de compte, ce qu'il faudrait retenir d'une telle expérience n'est pas ceci: on ne parvient à donner - suffisamment et bien - que si on s'aime - suffisamment et bien - soi-même… Mais comment estimer ce «suffisamment et bien» et le réussir? Là, évidemment, il n'y a de réponse qu'individuelle.









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