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Se préparer à devenir parents

En guise d'introduction, j'aimerais d'abord dire quelque chose qui peut sembler évident mais qui mérite d'être souligné: on ne devient parent qu'une fois. Ce changement radical, cette révolution intérieure, ce n'est qu'avec la naissance d'un premier bébé qu'on en fait l'expérience. Une deuxième ou une troixième naissance ne représente plus jamais un bouleversement aussi grand, mis à part quelques situations exceptionnelles.
Nous allons donc nous pencher sur ce moment particulier de la naissance d'un premier enfant et essayer d'imaginer dans quelle mesure il est possible de s'y préparer afin que cette expérience soit vécue avec un maximum d'enrichissement et de joie sans nier pour autant qu'elle comporte souvent des aspects frustrants, douloureux, voire traumatisants.
Pour être le plus claire possible, je ferai une division un peu artificielle de trois aspects de cette préparation, qui sont dans la réalité très interdépendants:

1. Se préparer à être un autre soi-même.
2. Se préparer à une nouvelle relation avec un être inconnu.
3. Se préparer à une tâche pratique nouvelle.

On ne peut pas nier que ce que l'on organise actuellement sous l'étiquette de «préparation à l'accouchement» ou «soins à donner aux nouveaux-nés» est très centré sur le troisième point et que les deux autres, bien que mentionnés, sont rarement pris autant en considération. En ce qui me concerne, j'aurais tendance à dire qu'ils sont pourtant infiniment plus importants et c'est à cela que je pense d'abord dans mes relations avec de futurs parents.

Un autre soi-même…

Les changements qui nous attendent avec la naissance d'un premier enfant sont énormes en ce qui concerne le vécu que nous avons de notre corps, de notre vie intérieure, de nos relations à autrui, de nos dons et possibilités professionnelles, de notre vie sexuelle, de l'image même que nous avons de nous, de l'image sociale que nous représentons.
Une femme enceinte pressent cela très fort, quoique confusément. Bien souvent on voit d'ailleurs de futures mères qui organisent tout à l'avance afin de lutter au maximum contre l'angoisse qu'éveille chez elles l'imminence de cette mutation de leur personnalité: elles vont prévoir exactement l'emploi de leur temps, les activités professionnelles à conserver, des loisirs et des vacances vont être projetés longtemps à l'avance, on en parle beaucoup, tout cela pour faire «comme si» rien n'allait changer. Je pense à cette amie qui pendant sa grossesse s'était inscrite à un cours de rock and roll qui devait commencer six semaines après l'accouchement: «Tu comprends, je ne veux pas devenir une mamma centrée sur son gosse, je reste une femme quoi!». Angoisse de ne plus être une femme libre, désirable, désirée; de ne plus pouvoir tenir le rôle social tenu jusqu'à présent.
A l'inverse, on voit d'autres femmes qui, n'ayant jamais vraiment joui d'être une femme libre, indépendante, socialement active, attendent avec impatience le moment d'être mère dans l'idée d'acquérir enfin un poids, un rôle, une fonction affective et sociale reconnue.
La vérité est que, alors même que nous devenons autres, nous restons aussi nous-mêmes et il est légitime de le faire. La grande difficulté sera donc d'intégrer les nouveaux aspects de notre personne à ce que nous sommes déjà, et vice versa. Ceci paraît un peu abstrait? Prenons un exemple: c'est presque faire de la corde raide que de garder une vie sexuelle libre et agréable tout en tendant l'oreille pour savoir si l'enfant n'a pas pleuré ou toussé! Lors de la maladie d'un enfant, toutes les mères ont vécu ces situations on ne peut plus frustrantes. Et ce n'est pas un simple problème d'organisation pratique, c'est vraiment la profonde difficulté d'être deux personnes à la fois, et de vivre quelque chose sans renier ni l'une ni l'autre. Il y a des moments où l'on réussit et l'on se sent extraordinairement forte et puissante et des moments où l'on échoue: où l'on a l'impression soit de ne pouvoir jouer qu'un rôle au détriment de l'autre, soit d'en avoir définitivement perdu un et d'être incapable de jouer l'autre. C'est cette dernière situation qui est le plus souvent exprimée par les mères qui font ce que l'on appelle une dépression post-partum. Les femmes qui désirent ou qui doivent reprendre une activité professionnelle peu de temps après l'accouchement vivent ce problème avec une acuité toute particulière.
La naissance d'un premier enfant est aussi souvent vécue comme contraignante sur le plan conjugal: en effet, une union qui pouvait être jusque là vécue comme librement rechoisie de jour en jour prend tout à coup une toute autre couleur et ceci peut être angoissant même si on l'a profondément désiré; c'est pourquoi il n'est pas rare de voir l'un ou l'autre des parents (souvent plutôt le père) faire brusquement un écart de fidélité ou un acte antisocial tout à fait inattendu à ce moment-là, cherchant peut-être inconsciemment à se prouver qu'il est encore libre de ses actes, qu'il n'est pas définitivement englouti dans la situation familiale. Il me paraît essentiel que déjà en cours de grossesse, toute cette problématique soit envisagée et discutée, non pas dans le but de tout prévoir et de tout planifier, mais surtout afin de savoir que tout le monde ou presque connaît ces difficultés, qu'elles font partie de la normalité, qu'il n'y a pas lieu de paniquer ou de se croire au bord de la psychose si cela nous arrive!
Il est important également de souligner que cette réorganisation de la personnalité va prendre du temps et que la compréhension et la tolérance du conjoint jouera un rôle déterminant dans ce processus. Il est naturel que la compréhension sera d'autant plus grande que ces problèmes auront été envisagés ensemble déjà avant la naissance.

Une nouvelle relation avec un être inconnu

On a beaucoup écrit sur la relation mère-enfant et l'importance déterminante des tous premiers mois de la vie sur son déroulement ultérieur. On a même tellement écrit que beaucoup de mères, surdocumentées sur le sujet, se sentent d'autant plus angoissées lorsque les choses leur paraissent aller de travers et qu'il est à se demander si ce ne sont pas des lectures qui font plus de mal que de bien.
Se préparer à avoir une bonne relation avec son enfant, c'est avant tout s'exercer à la souplesse, à l'écoute, à l'adaptation. C'est renoncer progressivement à toute une série de notions préconçues, apprises ou entendues. Se préparer même avec confiance à ce que rien ne se passe comme on l'avait prévu ! Par exemple, on s'attend souvent à être follement heureux après l'accouchement, cela paraît être la réaction normale, donc «bonne» pour l'enfant. Dans beaucoup de cas, il y aura des moments de bonheur intense et il y aura aussi la déprime, l'anxiété, voir la déception. L'enfant ne sera pas toujours comme nous l'avions imaginé (poids, sexe, vivacité, pleurs, handicap éventuel), il est tout à fait normal que les parents se sentent déconcertés ou même agressifs et il serait souhaitable qu'à ce moment, ils puissent s'exprimer à ce sujet, être entendus et acceptés avec ces sentiments négatifs. Par contre, si leur seule référence sont les ouvrages insistant sur l'importance vitale de l'amour dans la relation mère-enfant, ils risquent de se sentir non seulement déçus et anxieux mais en plus coupables et susceptibles de perturber à jamais le développement de leur enfant.
Il serait donc important d'essayer de donner une définition de l'amour, de cet amour en effet vital pour le nouveau-né. L'amour n'est pas à mes yeux une addition de sentiments uniquement positifs, un état de bonheur et de satisfaction permanent. Aimer me paraît plutôt se définir comme: se laisser aller à une relation très proche, avec ses sentiments négatifs comme avec ses sentiments positifs, et sentir suffisamment de confiance réciproque pour ne pas vivre les mouvements négatifs comme destructeurs, mais comme faisant partie au contraire de la structuration même de la relation. Aimer, c'est aussi vivre tout cela avec plaisir, sentir profondément que l'on ne veut pas y renoncer.
On ne peut pas parler de bonne relation sans parler de confiance. La meilleure des mères sera celle qui saura avoir confiance. Confiance en elle-même, c'est-à-dire faire ce qu'elle sent être juste plutôt que ce qu'elle sait. Confiance en l'enfant, c'est-à-dire admettre que l'enfant sait et peut nous faire savoir ce qu'il désire et quand il le désire, ce dont il a besoin, ce dont il peut se passer. Avoir confiance dans la qualité de la relation qu'ils sont en train de nouer. Avoir confiance dans ce mouvement vers le progrès, la structuration, la vie, qui fait partie de l'enfant, mouvement qui ne dépend pas de nous, auquel nous ne pouvons que répondre.

Se préparer à une tâche pratique nouvelle

Il me paraît essentiel de relier ce dernier point à ce que je viens de dire sur la confiance. Apprendre à de futurs parents à donner les soins quotidiens à leur enfant devrait avant tout servir à affermir leur confiance en eux, à leur montrer, déjà avant la naissance, qu'au fond ces soins sont à la portée de chacun et sans complexité excessive.
Il me paraît donc qu'on aurait tort d'insister trop sur les problèmes d'hygiène, de microbes, de composition de l'alimentation. Il est évident que les risques d'infection existent, mais il me semble par exemple plus rassurant d'en parler en insistant sur la différence entre les germes hospitaliers et les germes familiers, qu'en faisant un cours trop poussé sur la stérilisation. Il me paraît également important, toujours pour restaurer cette confiance en soi qui manque à tant de jeunes mères, de pousser le plus grand nombre de femmes à allaiter elles-mêmes leur bébé plutôt que de faire un cours sur les vitamines, les sucres, les graisses, les protéines et les sels minéraux.
Il me paraît surtout important de ne pas insister, comme on le fait trop souvent, sur les horaires. Chaque mère et chaque enfant vont devoir trouver leur propre rythme. Certains n'arriveront jamais à un horaire vraiment régulier et cela n'a pas grande importance. Le seul avantage des horaires fixes est qu'ils permettent de tout prévoir ou presque. Mais chaque fois que cela ne marchera pas comme prévu, la mère aura le sentiment d'avoir échoué quelque part. Alors que si elle adopte des horaires souples, adaptés chaque jour à une réalité légèrement différente, les imprévus et les changements auxquels elle aura su s'adapter seront vécus comme des réussites et cela me paraît de nouveau fondamantal si on vise à ce qu'elle ait une bonne image d'elle-même dans ce nouveau rôle.
Tout ce mouvement qui visait à faire des soins à un bébé un acte scientifique, relevant de «spécialistes» est fort heureusement en train de perdre du terrain en faveur d'une revalorisation des aspects instinctifs naturels et simples de la chose, mais nous voyons encore trop de mères tomber dans des états de dépendance inquiétants par rapport à leur pédiatre ou à une infirmière visiteuse, comme si elles luttaient contre leur anxiété en délégant tous leurs pouvoirs à des professionnels au lieu de faire un travail sur elles-mêmes visant à reprendre conscience de leur propre savoir.
Je crois qu'en tant que professionnels, c'est justement à faire ce travail sur elles-mêmes que nous devons aider les jeunes mères, plutôt que d'essayer de leur transmettre un savoir qui reste très aléatoire.









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