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Il y a éducation et éducation
Geoffrey Moorhouse raconte, dans un livre intitulé «Jusqu'au bout de la peur», comment il a traversé à pied, seul ou avec un guide, le désert africain d'ouest en est.
Il se trouve à la fin d'une journée pénible, au haut d'une dune, devant une descente à pic dans laquelle lui et son guide ne s'engagent qu'après une longue hésitation :
«Après avoir défait les liens qui unissaient les bêtes, Ibrahim se lança dans l'abrupte descente avec le premier chameau chargé. Je le suivis avec le second. Nous prenions un risque terrible, car les bêtes épuisées pouvaient basculer, ou simplement tomber, et dans l'un et l'autre cas elles se briseraient sûrement les pattes. Nous devions appuyer vigoureusement, en nous renversant, sur leurs têtes pour freiner l'allure. Au bout d'une demie heure elles étaient toutes en bas sans accident.
Le ciel commençait à s'obscurcir et nous avions déjà installé notre camp au pied des arbres lorsqu'une petite caravane, composée de huit chameaux lourdement chargés et d'un troupeau de chèvres, tous sous la garde d'un homme, d'un adolescent et d'un garçonnet, descendit du plateau sur nos traces. L'homme et l'adolescent conduisirent les chameaux, à tour de rôle dans la descente en se tenant chacun d'un côté de leur tête. Le garçonnet, lui, descendit jusqu'au bas de la côte avec les chèvres. Il ne pouvait avoir plus de 5 ou 6 ans et, dans la société d'où je venais, il aurait été protégé et cajolé par des parents inquiets. J'avais moi-même un fils un peu plus âgé, un garçon robuste qui jouait impétueusement avec ses camarades, mais qui, d'un instant à l'autre, pouvait se muer en un petit enfant en sanglots dont le gros chagrin ne se dissipait que dans les bras d'un de ses parents. On exigeait de cet enfant de nomades de vivre comme un homme dans des conditions qui m'auraient moi-même découragé. J'avais vu cela à plusieurs reprises auparavant. On l'aurait puni pour des larmes d'enfant ou on les aurait ignorées comme n'étant pas dignes d'un homme, et, quelles que fussent ses angoisses, il devait les surmonter tout seul. A dix ans il serait admis dans le cercle des hommes, paressant autour de la théière, alors que filles et femmes se tiendraient à distance respectueuse et traditionnelle. J'avais été souvent émerveillé, et aussi souvent irrité, d'entendre un de ces enfants-hommes exprimer, sous le soleil du désert, des opinions de poids sur tous les sujets, devant ses paires à barbe grise qui l'écoutaient attentivement avant de lui donner raison ou non, avec autant de considération que s'il eût été un homme d'âge mûr.»
On peut difficilement s'empêcher de tirer un parallèle entre l'apprentissage de la vie de ce petit nomade et l'enfance choyée de Fritz Zorn dont nous avons parlé l'an dernier. Lequel faut-il plaindre? L'enfant soumis dès son jeune âge à la plus rude des disciplines mais qui par la suite remplira son rôle d'homme ou l'enfant bénéficiant de tous les avantages de notre civilisation et sombrant dans la névrose et le cancer? Entre ces deux cas extrêmes n'y a-t-il pas place pour une éducation qui, sans empêcher l'enfant de s'épanouir dans la joie et les rires de son âge, l'obligerait à fournir des efforts? Car aucun progrès ne se réalise sans efforts, que ce soit dans le domaine physique, intellectuel, artistique, ou même affectif.
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