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Le départ
L'épée de Damoclès qui était suspendue au-dessus de ma tête est tombée
La date de notre déménagement a été fixée. C'est notre dernier printemps ici.
Plus le temps approche, plus je m'attache à mon appartement; j'admire la vue depuis mes fenêtres et réalise combien elle est belle, irremplaçable. Je me promène dans la ville, dans ma Vieille Ville, et regarde tout d'un nouvel oeil, presque comme une étrangère, la boulangerie, la boucherie, les boutiques
Tout ça, mon univers, c'est fini.
Je traînasse exprès, je passe d'un bistrot à l'autre pour voir si je trouve quelqu'un, une amie avec qui boire un café. Aujourd'hui, personne. D'ailleurs heureusement, car je risquerais de verser une larme ou deux aux sempiternelles phrases:
- Alors, c'est vrai, vous nous quittez? Et patati, patata, les conseils, les regrets. Il semblerait qu'il n'y ait plus qu'un sujet de conversation, à savoir mon départ. Et moi, chaque fois, je ravale mon chagrin pour faire bonne figure à mauvais jeu. Je cherche les côtés négatifs de ma vie ici, les parkings, les énervements, les gens toujours pressés et stressés
, mais il n'y a rien à faire, j'aime ma vie ici, je n'ai pas du tout, mais pas du tout envie de partir
C'eût été plus facile de rester ici
Tout au fond de moi-même, il me manque un «petit Courage» pour recommencer ailleurs.
Je rentre à la maison, et décide de faire de l'ordre dans mes tiroirs. J'ai tant de choses qui me rapellent tant de choses
Je devrais tout jeter, tout donner, pour repartir à zéro.
Tous les bricolages, les souvenirs des enfants, les vieilles lettres et vieilles photos. «A ma maman chérie, que j'aime tant» cousu sur un ruban, «Bonne Fête, Mami» pyrogravé sur une cuillère en bois, des cendriers de toutes formes, un petit tablier, brodé aux points de croix, les carnets scolaires.
Bref, mes 18 ans de vie ici.
Je fourre tout dans des sacs noirs en plastic, en fermant les yeux: - Ouf! c'est déjà oublié!
Puis tout d'un coup, un sursaut:
- Je suis folle, s'il venait la guerre je n'aurais plus rien de chaud, et je retire le vieux manteau en mouton du sac en plastic. On ne sait jamais.
Puis les jours s'accélèrent. Les sacs et les cartons emplissent l'appartement. Il y a de la poussière partout, tout s'effrite autour de nous.
Le jour «J» arrive enfin et je me retrouve dans un appartement vide, mais tellement vide que je ne trouve même plus un verre pour donner de l'eau à l'enfant qui pleure. Qui pleure parce qu'il a soif, qu'on lui a enlevé son lit et ses affaires, qu'il quitte ses amis et tout et tout.
La déménageuse est partie. On descend les escaliers pour la dernière fois, je n'ose pas regarder mon mari, je suis des yeux ma rue, je sers la main de mes enfants, je bois vite un petit café chez la voisine, qui nous a tous invités, je regarde mes fils qui engouffrent une pizza entière.
- Mais, ils crèvent de faim! C'est vrai, ce n'est pas un enterrement, la vie continue.
C'est le début de l'après-midi, il nous faut partir, la déménageuse nous attend là-bas. Il faut se dépêcher.
Devrai-je toujours me dépêcher, même là-bas dans la campagne qui m'attend ?
Qui m'attend pour lui redonner vie
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