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Père et mère interchangeables?

Dans le numéro de décembre 1981 des Entretiens, Denyse Sergy affirmait que «le père et la mère sont réellement interchangeables». Je viens de lire l'opinion de Bruno Bettelheim (1) sur cette question - et vous la livre:

«Pour ce qui est des soins aux enfants, dans de nombreuses familles, le père n'est que «le petit assistant» de la mère. Elle lui demande: «Pourquoi ne changes-tu pas le bébé? - Peux-tu lui donner le biberon pendant que j'irai au marché? - Habille-le, je suis très occupée». Nombre de conseillers familiaux justifient cette manière d'agir. Ils conseillent au père moderne d'être une nurse à temps partiel afin que soit enrichie sa vie affective, comme l'est celle de la mère.
Quel conseil insensé! La physiologie et le psychisme de l'homme ne le destinent pas à cela. Il n'y a certes rien de mal à ce qu'un père donne occasionnellement le biberon au bébé, si les circonstances l'exigent ou si cela lui fait plaisir. Ce qui est faux, c'est de croire que sa qualité de père s'en trouvera enrichie. Celui qui essaie de devenir un meilleur père en jouant le rôle de la mère s'en trouve diminué en tant que père et aussi en tant qu'homme. Les relations d'un père avec ses enfants ne peuvent être fondées essentiellement sur ses expériences de «nurse». S'il en est ainsi, il est le substitut de la mère, et non plus le père. (…)
La confusion des tâches est susceptible d'avoir sur les enfants des effets regrettables. De nos jours, beaucoup de pères font la vaisselle, baignent bébé et accomplissent d'autres besognes relevant traditionnellement de la mère; alors leurs fils ne comprennent plus très bien ce que signifie «être un homme». Si le père et la mère ont les mêmes activités, l'enfant ne peut se faire une image précise du rôle de chacun. Il n'est pas étonnant que tant de garçons et de filles soient dans le désarroi quant à la place qu'ils auront à tenir plus tard dans la vie.» (2)

S. C.

Bruno Bettelheim est un grand bonhomme et sa science est digne de respect. Mais s'il fallait qu'un père «se trouve diminué parce qu'il a joué le rôle de la mère», alors pauvre homme, réduit à ses seules vertus dites «viriles» et, une fois de plus, pauvre femme, reléguée à nouveau dans la nursery ou la cuisine.
Je ne pense pas qu'un fils, même bercé, nourri, consolé par son père, puisse se faire la moindre illusion sur le «rôle de l'homme» quand il le voit manier la tronçonneuse, fendre du bois, démonter le moteur de la voiture, vider les latrines et prendre ensuite sa place au bout de la table, chef de famille incontesté dont l'autorité est respectée de tous, y compris de son épouse.
L'union de l'homme et de la femme n'a rien d'un stéréotype. Elle repose sur des tempéraments différents et des besoins profonds des personnes qui doivent s'exprimer et s'épanouir pour le bien de tous.
C'est le grand mérite de la génération actuelle de l'avoir compris et de remettre en question justement «ces besognes relevant traditionnellement de la femme».
Quand un de nos petits, fortement traumatisé en arrivant ici à 16 mois, n'a pas supporté de s'endormir sans qu'on reste à ses côtés et a réclamé à son chevet le «père» et non la «mère», j'ai été reconnaissante à mon mari de faire la carpette pendant des mois dans l'obscurité.
Son «psychisme et sa physiologie d'homme» n'en ont pas été atteints, me semble-t-il. Il serait peut-être temps que je l'interroge!


(1) Bruno Bettelheim est un psychologue, psychiatre et psychanalyste américain, spécialisé dans les thérapies d'enfants autistiques, auteur notamment de Dialogue avec les mères, Paris, Robert Laffont, collection «Réponses», 1973, 312 p.
(2) Cité par Larry Christenson, La famille chrétienne. Le Mont-sur-Lausanne, Editions foi et victoire, 1977, p. 50 et 51.









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