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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Utopie ou réalité?

Pourquoi la vie familiale est-elle parfois si difficile? Pourquoi comporte-t-elle tant de tensions? et quelquefois des déceptions? Pourquoi les parents s'énervent-ils? Pourquoi les enfants se disputent-ils? Bien sûr, il y a les sautes d'humeur de chacun ou, plus importante, l'évolution individuelle de chaque personne, qui demande des adaptations. Il y a aussi l'urbanisation pas toujours bien conçue, l'instabilité économique, l'émigration, le fossé des générations.
J'aimerais cependant mettre en évidence deux causes majeures de notre difficulté à vivre ensemble qui, si elles ne s'appliquent pas nécessairement à chacun de nous, me semblent néanmoins être typiques de notre civilisation occidentale en 1980:

1) notre mauvaise préparation à vivre ensemble (ou le mythe de l'amour) ;
2) la crise du XXe siècle (ou la lutte pour la survie psychologique).

(Puisque je m'inspire beaucoup de ce maître-livre qu'est L'Amour et l'Occident, de Denis de Rougemont (1), je prends le parti de le citer, même longuement, plutôt que de le paraphraser.)

Le mythe de l'amour

Nous sommes assurément très mal préparés à la vie de couple. Qui nous informe et comment? Les parents sont la plupart du temps muets sur ce sujet (reste leur exemple, positif ou négatif). L'école l'ignore (sa tâche est ailleurs). L'Eglise (dont c'était une des missions) a beaucoup perdu de son influence. La littérature, l'opéra, le théâtre, le cinéma parlent d'amour, mais pas de la vie ensemble.
Restent les mass media, omniprésents, envahissants, dont la plus grande partie est axée sur l'idée que la vie à deux, puis la vie de famille, est en soi source de bonheur. «Ils se marièrent et vécurent heureux», c'est ainsi que se terminent les contes de fées, et les deux idées sont encore souvent associées dans notre esprit. «Votre bonheur, répètent les prêches des magazines, dépend de ceci, exige cela - et ceci ou cela, c'est toujours quelque chose qu'il faut acquérir, par de l'argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l'idée d'un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu'on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait s'établir, tant que l'homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice: on l'a perdu dès qu'on veut le saisir. Il ne peut vivre que dans l'acceptation, et meurt dans la revendication. C'est qu'il dépend de l'être et non de l'avoir: les moralistes de tous les temps l'ont répété, et notre temps n'apporte rien qui doive nous faire changer d'avis. Tout bonheur que l'on veut sentir, que l'on veut tenir à sa merci - au lieu d'y être comme par grâce - se transforme instantanément en une absence insupportable.»(2)
Autour de nous, tout nous prépare à tomber amoureux, bien peu de choses nous prépare à vivre ensemble. Et c'est là que le bât blesse: nous confondons être amoureux et aimer, nous confondons l'amour-passion et l'amour-action. La mise à jour de cette confusion est la thèse de L'Amour et l'Occident:
«De la poésie à l'anecdote piquante, la passion c'est toujours l'aventure. C'est ce qui va changer ma vie, l'enrichir d'imprévus, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteuses. C'est tout le possible qui s'ouvre, un destin qui acquiesce au désir! Je vais y entrer, je vais y monter, je vais y être «transporté»! La sempiternelle illusion (…). Illusion de liberté. Et illusion de plénitude.
Je nommerai libre un homme qui se possède. Mais l'homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors de soi, dans l'extase.» (3)
«Mais l'amour du mariage est la fin de l'angoisse, l'acceptation de l'être limité, aimé parce qu'il m'appelle à le créer, et qu'il se tourne avec moi vers le jour afin d'attester notre alliance. (…) Alors l'amour de charité, l'amour chrétien (…) paraît enfin, dans sa pleine stature: il est l'affirmation de l'être en acte.» (4)

La lutte pour la survie psychologique

Une raison importante qui rend la vie de famille difficile en cette deuxième partie du XXe siècle, et qui concerne aussi bien la relation du couple que les relations parents-enfants, me semble être la recherche du bien-être psychique.
Cela est neuf. La préoccupation principale de nos ancêtres était la survie physique; leur existence était une lutte continuelle pour ne pas mourir de faim. Dans nos pays développés, pour le plus grand nombre, ce problème ne se pose plus dans les mêmes termes - et cela a radicalement transformé nos comportements. Puisque notre vie matérielle est assurée, nous pouvons tenter d'améliorer notre vie mentale. D'où une prolifération de littérature, dont les mots d'ordre sont «être bien dans sa peau», «réaliser son potentiel humain», «suivre son propre chemin». Un psychiatre américain, spécialiste des problèmes familiaux, note: «Il y a des aspects sains dans cette tendance, mais beaucoup utilisent la notion de «s'accomplir» au service de leur propre égoïsme.» (5)
L'attention accrue portée au bien-être psychique entraîne une modification des relations parents-enfants. Les parents ne peuvent plus élever leurs enfants comme ils l'ont été eux-mêmes. On ne réprime plus ni la spontanéité ni le mécontentement d'un enfant. Mais jusqu'où peut-on laisser faire? Les principes traditionnels sont-ils encore valables? Faut-il les adapter? Les rejeter? Livres et articles foisonnent, mais il n'existe pas de solution type à tel ou tel problème. Les parents doivent interpréter avis et conseils de la façon qui leur semble le mieux convenir à leur enfant. Il leur faut souvent inventer, expérimenter. Cela rend la vie plus intéressante, mais aussi plus compliquée, et les relations familiales parfois tendues.
Les tensions au sein d'une communauté sont toutefois inévitables. Elles sont inhérentes à la vie. Il y en avait aussi autrefois, mais on y accordait moins d'attention. Le propre de notre génération est de chercher un nouvel équilibre de la famille. «Equilibre tendu entre les exigences toujours simultanées, contraires et légitimes, de la stabilité et de l'évolution, de l'espèce et de l'individu, enfin de l'accomplissement de la personne et de l'Absolu qui seul la juge et la suscite.» (6)


(1) Paris, 10/18, 1962; première édition : Paris, Plon, 1939.
(2) Denis de Rougemont, op. cit., pp. 235-236.
(3) Ibid., p. 237.
(4) Ibid., pp. 262-263.
(5) Richard A. Gardner, Les enfants et le divorce, Paris, Ramsay «image», 1980, p. 8.
(6) Denis de Rougemont, L'Amour et l'Occident, 10/18, p. 250









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