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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Quand il faut choisir une langue

- Je suis vaudoise, mon mari est lucernois. Quelle langue parlerons-nous à notre enfant?
- Nous rentrons d'un engagement professionnel de cinq ans en Angleterre, puis en Hollande. Nos enfants ont l'âge du jardin d'enfants et de l'école primaire. Comment cela va-t-il se passer?
- Quand un enfant a toujours entendu deux ou même trois langues au cours de déménagements successifs, est-ce surtout un enrichissement pour lui? Ou bien certains inconvénients sont-ils à envisager?
C'est dans l'espoir de répondre à ce type de questions que notre équipe s'est intéressée au bilinguisme.
Notre bibliothécaire est d'abord partie, avec son bébé sur le bras gauche, à la recherche d'ouvrages bien documentés. Elle est entrée dans plusieurs librairies. Elle a feuilleté différents catalogues. Mais ce qu'elle a entrevu lui a paru trop intellectuel et trop théorique pour des parents qui espèrent une réponse concrète.
Nous sommes alors partis sur une autre piste. Nous avons interrogé des personnes qui ont vécu elles-mêmes des transplantations et des adaptations avec leurs enfants. Elles nous ont fait part de leurs observations, de leurs sentiments, de leurs réflexions.
Voici le résultat de cette modeste enquête, dont vous trouverez la suite dans notre numéro de février:


Des Romands déménagent à Zurich

Depuis que nous vivons à Zurich, bien des personnes nous posent des questions: «Vos enfants n'ont-ils pas trop de peine avec la langue?» «Est-ce un avantage d'être bilingue?»
Sans aucun doute, c'est un grand avantage de savoir deux langues, mais la scolarité peut poser des problèmes. Tous les enfants ne sont, heureusement, pas faits sur le même modèle. Les uns sont auditifs, ils savent imiter des sons, ils seront doués pour les langues. D'autres garderont toujours un accent étranger et ne parviendront pas à enregistrer les finesses d'une langue. Les plus scolaires apprendront rapidement la grammaire, alors que d'autres auront des difficultés de lecture ou d'orthographe, qu'ils auraient eues aussi dans leur langue maternelle. Selon un directeur d'école, un enfant normalement doué met 3 mois à s'adapter à une nouvelle langue. Après ce laps de temps, on ne fait plus de différence pour les notes.
Lors d'un changement de milieu et de culture, l'attitude des parents est capitale. Ils doivent présenter cette nouvelle situation de façon positive. Quand nous avons décidé de vivre à Zurich, nous avons tout de suite acheté un disque en allemand (il s'agissait du «Roi des aulnes» de Goethe) pour faire entendre à nos enfants du bel allemand. Puis nous les avons lancés à l'eau… Ils étaient âgés de 5, 8 et 11 ans. Le premier jour d'école, notre aîné est rentré en disant qu'il avait besoin d'une gomme. «Vas et achètes-en une!» fut la réponse de mon mari. «Tu dis Gummi.» Le garçon y alla, non sans crainte, et revint avec sa gomme; le premier obstacle était passé. Quant à notre second; il donna un conseil plein de bon sens à son cadet: «Il y a un mot que tu dois savoir: c'est Grüezi.» Le petit partit donc joyeusement en disant «Grüezi» à tout le monde, ce qui lui valut beaucoup d'amitiés en retour.
Par contre, l'attitude des instituteurs varia. Les uns furent compréhensifs. L'une des maîtresses fut très sévère et rigide dès le début. Jamais elle ne prononça un mot de français, même pas le tout premier jour qui était celui de la course d'école. Notre fils fut très malheureux et se sentit terriblement perdu car il ne savait pas du tout ce qui allait se passer. Je conseillerai donc vivement aux institutrices qui ont dans leur classe des enfants étrangers de leur tendre la perche, par une petite traduction résumant la leçon ou par un simple «bonjour» dans leur langue. Ce n'est pas cela qui empêchera l'enfant de s'adapter; bien au contraire, il se sentira mis en confiance et plus à l'aise. Ce serait aussi un conseil à donner à nos enfants vis-à-vis de leurs camarades étrangers: un mot dans leur langue pourrait créer des liens et faciliter leur adaptation.
Il faut veiller à ne pas mélanger les langues et bien faire la distinction en refusant de parler une sorte de «petit nègre» familial issu d'une mixture des deux langues.
Etre élevé dans une autre contrée linguistique a un avantage majeur: cela élargit l'horizon et provoque une ouverture d'esprit. L'enfant apprend à connaître une autre mentalité, il acquiert une certaine souplesse mentale et morale. Plus tard, il apprendra beaucoup plus facilement une 3e ou 4e langue, ayant déjà l'habitude de passer de l'une à l'autre et pouvant faire des comparaisons.
Oui certainement, être bilingue est un grand avantage si cela est pris de façon positive.

Simone Chaix


Quelle langue maternelle?

Entretiens sur l'Education: Marisa Farina, vous êtes devenue en quelque sorte la spécialiste du bilinguisme à l'Ecole des Parents de Genève. Vous êtes vous-même bilingue et vous avez animé de nombreux groupes de parents qui se demandent: «Quelle langue parler à notre enfant?»
Votre expérience personnelle, doublée des témoignages recueillis auprès des étrangers que vous rencontrez, vous ont sans doute permis d'acquérir un certain nombre de certitudes. Pouvez-vous nous en énumérer quelques-unes?

Marisa Farina: Eh bien, justement pas. Avant d'animer ces groupes, je croyais savoir. Mais ma belle assurance a fondu peu à peu. Après avoir entendu tant de parents parler d'expériences si diverses, après avoir moi-même évolué et changé au cours des années, je ne peux plus affirmer: «Ça, c'est juste. C'est la bonne attitude. Ça, c'est dangereux. Attention!»
Par exemple, autrefois, je disais: «Il faut parler à l'enfant la langue maternelle de la mère.» Ça paraît simple et naturel. Mais j'ai découvert que bien des femmes n'aiment pas leur propre langue, parce qu'elle leur rappelle trop leur pays d'origine où elles ont connu la misère, l'ignorance.
Et puis, maintenant que les pères assument davantage de responsabilités dans l'éducation, ils estiment que leur langue maternelle est aussi importante. Alors, comment trancher?

E. E. Oui, comment? Et faut-il absolument prendre une décision unilatérale?

M. F. En regardant les choses de près, on s'aperçoit que la question fondamentale, ce n'est pas tellement de parler l'italien, le français ou l'anglais, le hongrois ou le portugais.
Il est nécessaire de prendre conscience du fait que la langue adoptée peut soit renforcer les liens familiaux, soit au contraire les perturber profondément.
Par exemple, si la mère parle à son enfant une langue que le père ne comprend pas, une distance se crée entre les époux. Le mari peut se sentir exclu, même si ce n'est que pendant une période transitoire.
Et puis, quand on parle une langue qu'on connaît bien (et qu'on aime), on n'utilise pas seulement un assortiment de mots et de phrases. On transmet toute une culture d'où est issue la langue. Cela se fait sans qu'on y prenne garde, sans qu'on le veuille.
E. E. Pour éviter ce genre d'exclusion de l'un des deux partenaires et mettre fin aux rivalités entre deux cultures, certains parents renoncent à leur langue et décident d'adopter la langue du pays où ils vivent actuellement.

M. F. C'est en effet ce qu'ont imaginé un Suisse allemand et une Japonaise habitant Lausanne. Mais il faut constater que c'est une décision dictée par la tête, pas par le coeur. Qu'est-ce qu'on transmet à son enfant, sur le plan affectif, quand on parle une langue qu'on connaît seulement intellectuellement?
J'ai fait moi-même cette expérience. Pendant plusieurs années, je ne voulais plus rien savoir de l'Italie où j'étais née. Mes enfants non plus, entre 9 et 14 ans. Ils désiraient supprimer tout ce qui les rendait différents de leurs camarades. Pour moi, l'italien était synonyme d'infériorité, de sous-développement. Je considérais la Suisse comme un pays «supérieur» dans tous les domaines. Ce qui fait que je m'obligeais à parler le français en famille. Le résultat, c'est que plus j'allais de l'avant et plus je souffrais de cette situation artificielle. En refusant mes racines italiennes, je n'étais plus rien. Et je ne transmettais que du vide à mes enfants.

E. E. Est-ce que tous les étrangers qui vivent chez nous connaissent ce type de difficultés?

M. F. Non! pas ceux qui sont satisfaits de leur pays d'origine. J'ai observé souvent que les Anglais, les Allemands et les Américains, en particulier, sont fiers de leur nationalité. Ils n'ont pas tendance à se croire inférieurs. Plutôt le contraire. Ce qui crée un climat tout différent pour l'adoption et l'apprentissage d'une langue de base.

E. E. Quand vous parlez de «langue de base», voulez-vous dire qu'il ne doit y en avoir qu'une au départ?

M. F. On l'a pensé pendant longtemps. Maintenant, à la suite de multiples expériences au cours desquelles des enfants ont été soumis simultanément à l'influence de deux ou trois langues, on est obligé d'admettre qu'il n'y a pas forcément danger. L'essentiel, c'est de ne pas mélanger. Que la mère parle toujours la même langue quand elle s'adresse à son enfant encore jeune. De même pour la langue utilisée par le père. Idem pour les différents grands-parents.
Il semble qu'un enfant en bonne santé psychique est capable d'assimiler les particularités de plusieurs langues. Pourvu qu'on ne le fasse pas vivre dans la confusion et qu'on ne cherche pas à en faire un prodige.
Et, par-dessus tout, que ce soit le coeur qui choisisse la ou les langues! Qu'il ne s'agisse pas de performances purement cérébrales.

Marguerite Loutan


Etats-Unis, Allemagne, puis Genève

Nous avons connu plusieurs transplantations. Nous sommes tous les deux américains, mais nous sommes nés en Allemagne.
Les années de la naissance et de la petite enfance de nos enfants, nous les avons vécues aux Etats-Unis. La langue de famille était l'anglais.
Puis, nous avons passé deux ans en Allemagne. Notre parenté souhaitant que nos enfants adoptent l'allemand pour pouvoir communiquer davantage, ils l'apprirent à l'école et avec les copains. Mais ils continuaient de considérer l'anglais comme la langue de la famille.
De nouveau les USA, pour une année, puis Genève, donc le français.

Notre fille

Notre fille entra à l'école secondaire. Elle ne comprit pour ainsi dire rien pendant des mois. Elle revenait à la maison complètement paumée, malgré les six heures hebdomadaires de français pour enfants non-francophones. Elle ressentait très fort le besoin de s'intégrer dans le milieu scolaire. Au cours de l'été elle passa trois semaines dans un camp Caritas avec un groupe de genevoises ne parlant que le français. Le déclic se fit. Elle termina sa scolarité par une maturité moderne (en supplément elle apprit l'italien). Plus elle avançait en français, plus elle perdait l'aisance en anglais, du fait qu'elle vivait dans un milieu francophone.

Notre fils

Notre garçon fit sa 6e primaire à l'école du village, en face de chez nous. Pour lui, le problème se situa différemment que pour sa soeur. Il commença vite à apprendre le français, mais il avait des problèmes d'adaptation sociale à l'école. Les autres enfants le taquinaient beaucoup et il en a souffert. C'était le pire moment de la politique américaine au Vietnam, et les enfants de sa classe le nommaient «compatriote de Johnson», ce qui le blessait.
Promu en 7e, il alla au Cycle d'Orientation en ville, mais il rentra tous les jours à midi pendant cinq ans. Ces trajets lui permirent de faire la connaissance d'un bon nombre de conducteurs et techniciens des CFF, ce qui lui donna l'occasion d'apprendre un français différent de celui de l'école.
De façon générale, les activités extra-scolaires furent bénéfiques à l'apprentissage du français et à l'intégration dans la vie quotidienne.

Inconvénients

Comme inconvénients de cette expérience de plusieurs langues, je peux citer le fait que notre fille n'est jamais rentrée à la maison à midi: habitant en dehors de la ville, nous avons pensé qu'elle apprendrait le français plus vite si elle restait en ville avec ses copines. Mais cela me coupa dans une certaine mesure de sa maturation affective. Elle n'avait que 14 ans…
Peut-être faut-il ajouter que mon mari et moi avions des notions préalables de français quand nous sommes venus à Genève. Mais nous fumes très vite dépassés par nos enfants. Au début, j'essayais d'aider notre fille avec ses dictées; cela dura quelques semaines, puis elle me dit: «C'est inutile, ton accent me dérange!» Elle enregistra ses dictées elle-même sur des cassettes…
Un certain temps, notre fils ne voulait en aucun cas être vu avec nous quand les copains de l'école étaient présents. Si je prenais le même train que lui pour rentrer de ville, il faisait mine de ne pas me voir quand nous sortions de la gare. S'il lui arrivait de ne pas pouvoir s'empêcher de marcher avec moi, il me disait soit: «Ne parle pas anglais avec moi!», soit: «Boucle-la, ton français est horrible!» Au fil des années, cela a passé. Maintenant, il nous dit souvent, sur un ton posé: «Mais vous êtes dans un pays francophone, il faut parler français.» En effet, depuis que je fais de la musique moi-même (lui étant musicien), nous parlons français quand il s'agit de discuter de ce que je fais avec mes petits élèves du Centre de loisirs. Il m'a beaucoup aidée pendant mes débuts dans cette nouvelle entreprise. Il se lance aussi dans la poésie, mais uniquement en français.
Les changements si nombreux de demeure ont provoqué en lui un désintéressement total pour les déplacements et les voyages. Il estime qu'il veut rester à Genève à tout jamais. Et il est très attiré par tout ce qui est italien…
Actuellement, notre langue familiale à 4, c'est l'anglais. Les enfants entre eux parlent le français. Mon mari et moi, l'allemand.

Marianne Gunther


Faire ce qu'on sent «juste»

Dès la naissance de notre enfant, je lui ai parlé la langue que m'avait parlé ma mère. Sans l'avoir prémédité. C'était instinctif. A cette époque, nous vivions en Suisse romande. Le français était devenu totalement comme une langue maternelle pour moi. Mais le catalan de ma mère est revenu tout naturellement, sans que j'y prenne garde. Pour moi, c'était la langue de la douceur, de la maternité. Mon mari m'encourageait, bien que ne comprenant cette langue que peu. Il était d'autant plus heureux que son propre père avait brusquement interdit à sa mère de continuer à lui parler russe comme elle l'avait fait jusqu'à quatre ans. (Le père se sentait exclu. Il refusait de ne pas tout comprendre.)
Une psychologue ayant été consultée à propos de tout autre chose, elle nous déclara qu'il ne faut jamais parler à l'enfant une langue que le père ne comprend pas. Un membre de la famille à qui nous demandions son avis approuva la psychologue, sans hésitation.
Avec souffrance et violence intérieure, je me suis mise à parler français à ma fille. Elle avait cinq mois à l'époque. Plus tard, elle me l'a souvent reproché.
Actuellement, je suis convaincue que ce ne sont pas les motifs intellectuels ni les raisons théoriques qui doivent intervenir, mais qu'il faut faire ce qu'on sent «juste» au fond de soi.

Interview par M. L.









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