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Préparer un enfant à une visite d'adieu à un mourant aimé

La mort n'est jamais facile à expliquer aux enfants. La préparation d'un enfant à une visite d'adieu à un mourant aimé est un aspect de la mort qui a sans doute reçu le moins d'attention. Aux Etats-Unis, il est inhabituel d'emmener un enfant à une telle visite. Cette exclusion est bien exprimée dans «Autant en emporte le vent»: lorsque Mélanie est mourante, toutes les personnes les plus importantes dans sa vie viennent lui dire adieu, à l'exception de ses enfants.
Lorsque mon beau-père était en train de mourir d'un cancer, mon mari et moi avons décidé d'emmener nos deux aînés de 6 et 4 ans pour une visite d'adieu à leur grand-père. Pour les préparer à cette visite, nous leur avons parlé quelques jours à l'avance en essayant de prévoir ce qu'ils verraient et ressentiraient. Les paroles et les phrases que nous avons utilisées nous ont satisfaits. Peut-être pourraient-elles aider d'autres gens en pareille situation. Voici donc celle que nous avons vécue et ce que nous avons dit.

La situation

Il n'y avait pas à cacher que Grand-papa était mourant. Les enfants avaient eu une relation tendre avec lui, grâce aux sympathiques visites que leurs grands-parents nous rendaient de Chicago à Boston plusieurs fois par année. A cause de cette bonne relation, nous sentions que nos aînés avaient le droit de lui dire adieu. Nous décidâmes que je prendrais notre fille de 6 ans en un premier voyage à Chicago, et que mon mari en ferait un séparé avec notre fils de 4 ans.
Beaucoup de gens objectèrent vivement. «Nous n'avons jamais vu pareille chose», disaient-ils. «Laissez leur un souvenir intact». «Il s'est beaucoup détérioré et son nouvel aspect les effrayera». Nous avons rejeté ces conseils bien intentionnés. Nous étions persuadés que les enfants doivent apprendre ceci: aussi triste cela soit-il, la maladie terminant une vie fait partie de celle-ci; les humains ont besoin de se dire adieu lorsqu'il est temps de se séparer à l'issue d'une courte visite ou de la vie-même.

Nos paroles

Mon mari et moi ensemble avons parlé à chaque enfant séparément. Nous avons choisi le moment après le petit déjeuner, car nos enfants sont au mieux de leur forme à cette heure du jour. D'autre part, ils auraient le reste de la journée pour réfléchir et poser des questions. (Parler d'un sujet aussi chargé d'émotion le soir n'aurait fait que bouleverser le sommeil.) Notre exposé à chaque enfant ne prit que 5 ou 10 minutes, y compris leurs questions et nos redites. Nous commençâmes à peu près ainsi: «Nous avons quelque chose d'important à te dire. Viens t'asseoir sur mes genoux. Je vais aller dans quelques jours à Chicago voir ton Grand-papa. J'aimerais que tu m'accompagnes si tu le désires. Avant de te décider, écoute ce que j'ai à te dire».
Les enfants désiraient venir. Notre exposé ne fut pas un simple monologue, les enfants réagissaient, nous expliquions et répétions. Voici à peu près les mots que nous avons prononcés:

«Tu sais que ton Grand-papa est très malade».
«Il va bientôt mourir».
«Ce sera probablement la dernière fois que tu le verras».
«Il a beaucoup changé depuis la dernière fois que tu l'as vu».
«Il a très mauvaise mine».
«Il est très maigre».
«Il est extrêmement pâle».
«Il est très faible».
«Il ne parlera probablement pas beaucoup».
«Il se pourrait qu'il pleure».
«Mais tu n'as pas à avoir peur».
«Il est toujours ton Grand-papa».
«Il est malheureux parce qu'il sait qu'il va bientôt mourir et qu'il ne
veut pas nous quitter».
«Tu pourrais le serrer dans tes bras et l'embrasser».
«Il se sentira mieux».
«Tu ne dois pas avoir peur de l'embrasser».
«Tu ne peux pas attraper sa maladie. Ce n'est pas une sorte de
maladie qui s'attrape».
«Tu aimes ton Grand-papa et il t'aime».
«Si tu veux, tu pourrais lui dire que tu l'aimes».
«Cela pourrait aussi lui faire du bien».

Après ces explications, chaque enfant posa encore des questions. Les deux enfants voulaient être assurés qu'ils n'attraperaient pas les microbes de leur grand-père et nous le leur avons répété. Ensuite, la conversation tourna aux détails du voyage en avion, qui d'autre nous verrions à Chicago. Puis, avant que questions et répétitions ne se multiplient trop et que la tension émotionnelle ne soit trop haute, nous terminâmes ainsi: «Nous avons assez parlé pour le moment. Si tu as des questions ou si tu veux que nous en reparlions, tu peux me le demander plus tard. Tu peux aller jouer maintenant».
Durant cette journée et les suivantes, les enfants posèrent des questions de temps en temps pendant que je préparais le repas. Nous avons rediscuté le tout, mais d'une manière plus détendue.

La visite

Quelques jours plus tard, lorsque ma fille de 6 ans et moi rendîmes visite à mon beau-père, il était en pyjama dans une chaise roulante dans la salle d'attente de l'hôpital. Un médecin compréhensif et une politique hospitalière humaine rendait cela possible. Ma fille s'approcha de lui avec pondération, assurance et affection, sans peur, tristesse ou fausse joie. Elle dit: «Salut, Grand-papa». Elle se haussa sur la pointe des pieds, lui mit ses bras autour du cou et l'embrassa sur la joue. Elle fit un sourire timide en lui tendant un papier sur lequel elle avait fait un dessin et écrit «Je t'aime».
Grand-père et petite fille s'étreignirent et se sourirent. Le vieillard se mit à pleurer et la petite fille redescendit et s'assit sur une chaise. Les adultes parlèrent encore un moment, puis nous partîmes. Alors que j'ouvrais les lourdes portes vitrées, ma fille se retourna et fit un signe de la main à son grand-père, puis me suivit en gambadant et souriant. La semaine suivante, mon mari me raconta qu'il avait vécu une expérience similaire avec notre fils de 4 ans.
Pendant les années qui suivirent la mort de mon beau-père, nos enfants mentionnèrent de temps en temps cette dernière visite. Ils en parlent avec un plaisir nostalgique, ce qui nous prouve que nous avons bien fait de ne pas l'escamoter.









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