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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Punition d’avril

Aujourd’hui c’est le 1er avril et tous les élèves de son collège ont prévu de s’éclater : les choses interdites vont être osées, les limites repoussées et du coup, la patience des professeurs testées. Du moins, c’est ce que nous annonce en quittant la maison, notre adolescent tout guilleret. Mais voilà qu’à 16 h, il appelle. Sa voix est redevenue celle d’un tout petit garçon.
- Maman… j’ai fait une connerie… (j’en reviens pas, il sanglote à l’autre bout du fil), je vais… devoir passer… devant une commission disciplinaire.
Afin d’évaluer la situation, je demande :
- Et quel genre… la connerie ?
- Avec un copain, on a … (re-sanglots), j’pensais pas que ça prendrait de telles proportions…
Mon imagination galope: il a fait comme dans la chanson, le feu aux cahiers et hop, ça s’est propagé. A présent son collège brûle… Entre deux hoquets, il reprend d’une voix saccadée :
- Le doyen est furieux, il m’a convoqué. Tu dois l’appeler, il veut te parler.
- Mais qu’est-ce que tu as fait au juste ?
- Mais rien, enfin, je pensais pas que…
- Bon, ça j’ai compris, mais encore ?
Mon ton monte avec l’angoisse que provoque son effondrement. Va-t-on avoir droit à sa photo en première page avec comme sous-titre : « Le responsable du terrible incendie n’a que 16 ans, sa famille ne comprend pas son geste. » ?
Soudain il s’élance :
- Nous avons jeté des rouleaux de papier W.C. par la fenêtre du quatrième.
Je reste sans voix au téléphone et me retiens de ne pas éclater de rire.
- Ben oui quoi, reprend-il, t’aurais vu ces rubans blancs qui flottaient au vent, c’était vachement beau.
- Non mais… et pour ça tu pleures ?
Un peu rassuré, il précise d’une traite :
- Ben, malheureusement, les copains en bas, ‘z’ont fait les cons, ‘z’ont tout déchiré en petits carrés et ça s’est éparpillé dans toute la cour et avec le vent ‘y en avait même sur les arbres. Je suis convoqué devant une commission et serai de retenue mercredi et le doyen veut…
- … me parler, je sais. Mais bon sang, qu’as-tu donc fait de si dramatique? Ce n’est pas la mort d’un homme ! Tu iras nettoyer la cour et tu apporteras quelques rouleaux en remplacement. Il n’y a vraiment pas de quoi pleurer…
Il renifle et soupire. Il semble soulagé par ma tolérance, mais je dois avouer qu’une sourde colère m’envahit : qu’est-ce qui a pu le mettre dans un tel état ?
Quelles sortes de menaces, de sanctions ou de cris lui ont été pro fé rés? Je ne me souviens pas de l’avoir entendu pleurer depuis quatre ou cinq ans et de ce fait, j’imaginais tellement pire.
- Tu vas l’appeler ? me demande-t-il encore d’une petite voix. Tu sais, je te préviens, il est très fâché…
Justement, ça m’interroge. Sans perdre de temps, j’appelle. La sonnerie résonne.
- Edgar Pineau*, j’écoute !
Le ton est donné : sec, bref et concis. Le mien se veut aussi serein que possible:
- Bonsoir Monsieur, je suis la mère de Jean*…, le « délinquant » !
Par provocation, j’appuie sur le mot délinquant pour mesurer sa réaction.
- Ah, bonsoir Madame, merci de me rappeler. Oui, vous comprenez n’est-ce pas, nous sommes très déçus. Votre fils, un élève si sympathique, si sage habituellement, qui se lance dans des bêtises vraiment indignes de son image.
On respire, on ne s’énerve pas, on reste zen, superbement zen.
- Son image, Monsieur, est avant tout celle d’un adolescent de 16 ans ! S’il ne va pas faire ce genre de sottises maintenant, quand estimez-vous qu’il sera en droit de les faire ?
- Certes, il est vrai. Mais voyez-vous, la … « plaisanterie » dirons-nous, de votre fils est arrivée après une longue série d’autres actes inadmissibles, commis par d’autres que lui bien sûr, mais dont certains ont provoqué des dégradations de matériel et ça, nous ne pouvons plus le tolérer, il faut vous mettre à notre place !
Oui, j’imagine comme peuvent dégénérer les blagues d’un premier avril mais notre enfant n’a franchement rien d’un hooligan, et sa malheureuse initiative, rien d’irréversible. Il faut savoir raison garder et je me dois de le lui rappeler. Le doyen a dû sentir que ma sagesse valait celle qu’il escomptait trouver chez son élève et nous nous sommes quittés bons amis.
Notre « délinquant » et son copain ont fait leur retenue et leur estime de soi a été préservée. Tout est bien qui finit bien.

*Noms fictifs









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