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Tout dépend de quel point de vue on se place
Mon grand-oncle a fêté ses 87 printemps l’automne dernier. Il paraît porteur de dix saisons de moins, au moins ! Sa silhouette et son énergie sont dignes du livre des records. S’il manie humour et philosophie avec générosité, c’est sûrement grâce à son existence longue et mouvementée, pleine d’enseignements et traversée avec courage. D’un certain art de vivre transmis par ses parents et datant des années folles, il a su conserver un esprit gai luron qui en épate plus d’un.
Pourtant un jour en lui rendant visite, je sentis planer chez lui une humeur morose, tout à fait inhabituelle. Il me confia alors :
- Parfois les journées sont longues, s’il pleut et qu’il n’y a pas de match de foot à la télévision, je reste à tourner en rond dans cet appartement, au lieu de faire mon tour quotidien d’environ une heure dans le parc.
Sachant l’amour qu’il porte aux animaux de compagnie, je lui ai fait part d’un avis de naissance :
- La jolie demoiselle basset du deuxième a mis bas six petits chiots, adorables.
Chiche, on va leur rendre visite, ils sont si mignons.
Quelques minutes plus tard, nos regards fascinés observaient la nichée.
L’heureuse co-maman, voisine de mon grand-oncle, lui demanda alors à brûle pourpoint :
- Et si je vous en réservais un ? Ce petit bout de chou remplira à coup sûr vos journées !
Songeant à l’âge avancé de mon grand-oncle, je jugeai la proposition, certes sympathique, mais complètement absurde.
A mon grand étonnement, mon vénérable parent hésitait. Il souriait… caressait ému l’un des nouveaux-nés, semblait soupeser le pour et le contre quand, au bout d’une longue minute de réflexion, il reposa la petite créature en dodelinant de la tête :
- Il faut être raisonnable mesdames, expliqua-t-il solennellement, un chien, ça ne vit en moyenne que douze à treize ans, et moi franchement, je ne supporterais pas la perte d’un compagnon auquel je me serais tellement attaché.
Vous savez quoi ? Mon grand-oncle, il n’y a pas à dire : je l’adore !
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