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Sois parfaite, sois ridicule
Née en 1959, j’ai été élevée selon la recette « sois parfaite » dans le but de devenir une petite fille modèle. Peut-être un peu moins parfaite que les filles de la génération précédente mais quand même. Ce souhait de perfection, bien qu’il n’ait pas été exprimé tel quel, je l’ai ressenti par tous les pores de la peau. Depuis, il me semble naturel et évident de donner toujours et tous les jours le meilleur de moi-même et de n’en être jamais tout à fait satisfaite, puisque la perfection est difficile à atteindre. Ce qui m’oblige à me comporter de manière très prudente de peur de faillir ou d’avoir l’air ridicule.
En retour, cette peur du ridicule durcit le regard envers les autres. Si on agit dans la crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas se conformer aux critères sociaux en vigueur, pourquoi accepterait-on que d’autres soient différents de la norme sans qu’ils soient jugés ou qu’ils en subissent des conséquences ? Cela voudrait-il dire qu’apprivoiser, ressentir, vivre l’imperfection, la différen ce ou le ridicule favoriserait la tolérance envers autrui et du même coup envers soi-même ?
J’ai peu à peu remarqué que des personnes prises en flagrant délit de « situation ridicule » n’en mourraient pas. Même qu’elles s’en relevaient. Pire encore, que le ridicule était inévitable dès que l’on s’exprimait, que l’on participait, que l’on vivait.
Le cinéaste Claude Chabrol m’a apporté une piste de réaction. Lors d’un entretien radiophonique, il racontait que le matin, au moment de choisir ses habits, il s’arrangeait toujours pour qu’un détail dissone avec le reste. J’ai tout de suite tenté cet exercice. Cela m’a forcé à me détacher de mon image et du coup je me sentais plus détendue.
Depuis je persévère. Je m’habille souvent avec soin, mais certains jours, tant pis, j’enfile ce qui me tombe sous la main, sans plus.
Je m’entraîne dans d’autres situations. Avant de recevoir des amis, je réussis à ne plus ranger chaque fois à fond mon appartement; les invitations en deviennent plus légères. Je me sens d’ailleurs plus à l’aise dans des intérieurs où tout n’est pas ordré jusqu’au moindre détail. Cela laisse de l’espace pour les « étrangers ».
Dans les discussions de groupe, je participe davantage. Mes interventions peuvent être pertinentes et drôles, d’autres fois bêtes et plates. Tant pis, je suis ainsi et les autres aussi.
Il m’arrive encore de ne pas résister aux regards des autres. Lancer des projets et ne pas arriver à atteindre les objectifs ou tenir les délais est pour moi une souffrance, donc parfois un frein à la création. Cette exigence envers soi, comme je l’ai dit plus haut, est souvent reportée sur les autres et crée des conflits qui seraient évitables si j’étais juste un peu plus réaliste, détendue et détachée…
Quant à mes enfants, j’essaie, tant bien que mal, de ne pas trop leur transmettre le « sois parfaite » encore inscrit dans mes gènes. Je les encourage sur cette voie du lâcher-prise et tente de ne pas sauter au plafond dès que leur comportement dévie de la route habituelle.
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