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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURPermis de conduire Dans l'équipe de «Carrefour», nous savions la fréquence des vols d'automobiles. La machine judiciaire broie lentement ces «petits» délinquants (constituant la majorité des populations pénitentiaires du monde occidental). On passe des mesures éducatives au sursis, du sursis redonné à l'inévitable emprisonnement pour «celui qui n'a pas voulu comprendre». Le solennel et archaïque engrenage de la justice conduit le jeune candidat à l'école du crime. L'un des nôtres s'est avisé de ce problème. Nous avons décidé d'organiser des leçons en créant un club d'auto-école ouvert aux marginaux. Une fondation privée mit à notre disposition une voiture à double commande, au bénéfice d'une assurance couvrant la totalité des risques possibles. Plusieurs s'inscrivirent avec une visible satisfaction… presque tous manquèrent leurs premiers rendez-vous. L'école primaire les avait marqués, les mauvais élèves étaient encore poursuivis par le relent de leurs échecs scolaires. Une sourde angoisse, peut-être aussi, les retenait loin du monde des adultes, monde convoité et redouté. Finalement, ils ont surmonté leurs hésitations et ont réussi l'examen. L'initiative de «Carrefour» vise à lever deux obstacles. D'abord l'obstacle financier, car on se doute bien qu'aucun de ces jeunes n'aurait les moyens de payer les frais considérables entraînés par des leçons ordinaires. Nous leur demandons une petite participation aux frais (essence, entretien de la voiture); en évitant ainsi d'en faire des «assistés», «Carrefour» cherche à les aider, ici comme ailleurs, à se sentir responsables de leur formation dans les différents domaines de leur vie. Le second obstacle à surmonter, c'est cette peur étrange qui paralyse l'intense désir de conduire qu'ils éprouvent comme tous les jeunes de cet âge. Leur fierté spontanée à la suite de leur succès nous a révélé l'importance de cette formation: ils ont acquis, hors de toutes les normes classiques - intellectuelles et morales - un véritable certificat de bonne conduite. Il y a plus ici qu'un jeu de mots. Ils ont acquis bien davantage que le droit de circuler avec une auto: le droit d'exister dans la société. En outre, ils sont devenus potentiellement les possesseurs légitimes d'un engin dont le prestige social n'est plus à prouver. Lors des vols d'autos entrepris par des jeunes n'ayant pas de permis, la peur - très réelle - de se mettre au volant est surmontée par le passage à l'acte qui surgit comme un survoltage momentané auquel s'ajoute une valorisation indiscutable: on devient quelqu'un au volant d'une auto. Mais on se réveille vite de cette brève euphorie: l'accident, la fuite inquiète ou l'arrestation. Signalons, en passant, la proportion considérable d'accidents provoqués par des conducteurs au volant d'une voiture volée et les frais très importants qu'ils entraînent. Soulignons que ces dépenses non constructives s'inscrivent comme un facteur parfaitement évitable du gonflement de l'inflation. Lorsque le permis de conduire vient sanctionner et la victoire sur une sourde peur et les efforts patiemment poursuivis, on se découvre admis dans le monde des adultes. Ainsi, quelles que soient les blessures dont il peut rendre responsable la société, quelles que soient les critiques qu'il lui adresse, le possesseur du permis de conduire ne se sent plus un marginal rejeté: il a reçu un nouveau statut. Un effort d'imagination et un peu d'attention fraternelle nous ont fait faire une découverte importante: effaçant les échecs scolaires, professionnels ou personnels, l'accession au permis de conduire est vécue comme un véritable rite de passage. C'est une consécration et le début d'une confiance en soi décisive. On devine que ces leçons offrent une exceptionnelle occasion d'échanges personnels, une sorte de support éducatif invisible. Bien des chemins peuvent conduire à cette confiance en soi. Une des conséquences les plus remarquables de cette expérience est d'échapper au contexte habituel: maître-élève, professionnel-ignorant, juste-injuste, riche-pauvre. La méfiance viscérale à l'égard des autorités s'efface au profit d'une autorité personnelle, née dans une activité commune, par des échanges entre des êtres semblables en leur fond. Si bien que par la suite quelquesuns deviennent tout naturellement les «accompagnateurs» de leurs camarades en difficulté. |
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