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Témoignage d'un directeur d'une petite école de campagne depuis plus de vingt ans
Il fut un temps où l'on disait ici, en Alsace: «Dieu sait tout, et le maître d'école sait tout mieux!» L'exagération du dicton n'échappe à personne. Mais il souligne une réalité qui entre-temps a disparu: le savoir, l'instruction, la culture passaient par l'école. Pour peu que le maître ait eu à coeur de faire passer plus qu'un bagage intellectuel, l'élève le plus récalcitrant pouvait trouver de temps à autre une réponse à sa curiosité; il y avait moyen d'apprendre quelque chose de neuf, et de découvrir, moyennant effort, l'apport incomparable de la page imprimée. Savoir lire, écrire et calculer ouvrait les portes sur l'avenir. Même si le petit écolier n'y croyait pas trop, le maître d'école, par contre, en était convaincu!
Les enfants que nous accueillons aujourd'hui dans nos écoles, ne viennent plus avec cette fraîcheur, et la conviction de l'enseignant n'est plus aussi évidente.
La télévision ouvre plus largement l'horizon sur le monde que ne saurait le faire un livre de géographie, d'histoire ou de sciences, même accompagné du savoir-faire d'un pédagogue. La technique d'enregistrement et de reproduction de la parole jette le discrédit sur le travail pénible d'écrire et de lire, et la calculatrice relègue à la mode rétro l'apprentissage des techniques opératoires. A se demander si l'invasion du progrès dans notre vie quotidienne n'a pas pris de vitesse le système scolaire
Le progrès technique ne se soucie pas des valeurs anciennes. Il va de l'avant, alors que nous ne sommes pas du tout en mesure de dire si, oui ou non, il peut remplacer, dans notre système éducatif, la nécessité de savoir lire, écrire et calculer pour avoir accès à la connaissance ou/et préparer nos jeunes au monde de demain!
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On se plaît à souligner que ceux qui nous ont précédés, en vivant plus près de la nature, avaient les sens beaucoup plus en éveil que les générations actuelles. Nous vivons en un temps où le bruit est maître. J'ai vu mes fils, l'un après l'autre, faire leurs travaux scolaires sur fond musical (pour ne pas dire à force de décibels!). Il m'arrive d'exiger pendant quelques moments le silence absolu dans ma classe. Il ne faut pas beaucoup de temps pour que les premiers signes d'inquiétude se manifestent: le silence pèse, il faut un signe de «vie»; le silence n'est guère rassurant. En temps normal, l'attention des enfants est sollicitée partant de bruits divers que cela devient un aspect indispensable de leur milieu de vie. Dans le déferlement de toute cette pollution sonore, la parole même n'est plus écoutée. Il n'y a plus que l'image qui accroche (et encore, il faut qu'elle bouge!). Et nous avons tellement l'habitude de parler à l'école! Le problème de l'attention soutenue me semble primordial. Le contenu de notre enseignement est certes important. Mais le «comment solliciter l'attention» devient la grande préoccupation pédagogique.
Des remèdes? Face à cette constante invitation à la dispersion, il faudrait peut-être apprendre aux adultes d'abord à maîtriser le progrès, pour ne pas en devenir esclaves.
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En un temps où l'on parle beaucoup de liberté et de libération, on voit curieusement revenir les notions de valeurs et d'exigences. Les parents aimeraient que l'école insiste à nouveau davantage sur les valeurs morales, que les enseignants soient plus exigeants avec leurs élèves. Mais l'incohérence de ces propos se révèle le plus souvent par cette tendance au laxisme dans la vie familiale ou/et professionnelle. Alors on parle de nouveau du maître d'école, qui est (doit être) un modèle pour ses élèves. Il n'y a pas d'éducation sans cela.
Mais ce modèle, l'enfant ne le rencontrera-t-il qu'à l'école? Notre société ne lui en apporte-t-elle pas bien d'autres, peu recommandables? Sommes-nous, parents et instituteurs, ces modèles dont l'enfant a besoin?
Si nous voulons être cohérents, il est évident que nous ne pouvons pas exiger des enfants ce que nous ne sommes pas prêts à exiger de nous-mêmes (parents et enseignants). Le laxisme dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle n'est pas fait pour encourager le sérieux du travail scolaire. Les réformes valables remettent en question tous les partenaires de l'école.
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