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Les copains d'abord
Quand nos enfants entrèrent l'un après l'autre à l'école primaire, leur marraine, une ancienne institutrice, leur posa la question rituelle:
- Calcul, dictée, que préférez-vous?
La réponse fusa, toujours la même au cours des années: - Les copains d'abord!
Les carnets scolaires, qui auraient dû nous éclairer sur les capacités de nos garçons, faisaient rarement état de notes supérieures à la moyenne. Les commentaires qui les accompagnaient nous rassuraient cependant: «Bon camarade, aime divertir la classe, dessine sur son buvard, esprit créatif, dommage qu'il n'applique pas son imagination aux matières enseignées, etc.»
Dans leurs jeunes années, les voyant rentrer de l'école les poches pleines de billes et le sourire aux lèvres, nous en déduisions qu'ils ne s'ennuyaient pas trop et que le moral tenait bon. Comme il était davantage question de Paul, Pierre ou Jacques que de l'instituteur, puis de Sylvie, Nathalie et Claire que des professeurs, malgré des résultats souvent médiocres, nous nous consolions en pensant que «tisser des relations», c'est important et que ces échanges à tous les niveaux avec les copains, que ces matches de foot impératifs à gagner, que ces pièces de théâtre géniales à préparer, tout ce travail de groupe, amitié, passions, était aussi vital que l'orthographe et les maths.
L'un n'empêche pas l'autre, me direz-vous avec raison, mais comme nos gars ne sont pas des surdoués et que l'enseignement, par force, ne peut tenir compte des différences et des mentalités, il faut bien qu'ils trouvent un intérêt à être rassemblés six heures par jour et
jours par an.
L'importance des copains dans la formation de la jeunesse n'est plus à démontrer, l'intégration au groupe, qui a son langage, ses mots de passe, ses jeux et ses amours - plus tard ses musiques et ses fringues - est une composante de la société aussi nécessaire à la croissance et à l'épanouissement que la famille. Si cette dernière est défaillante, la bande se substitue alors à elle, représente un milieu de vie où l'on est accepté, parfois soutenu et aimé.
J'ai fait récemment une drôle d'expérience. Invitée à une réunion de volée - après combien d'années, j'ose à peine le dire- ce fut une soirée mémorable. Pas question non plus de maths ou d'orthographe, mais uniquement de souvenirs.
Raconter Verdun n'est pas mon propos, mais dire sans honte que j'ai tout oublié des sciences acquises à grand'peine: histoire-géo: nul; anglais, allemand: plus trace; orthographe: très approximative (surtout dans les accords des participes); calcul: juste suffisant pour équilibrer un budget familial. Mais retrouver les copines: champion! Reconnaître au premier coup d'oeil Nicole, à la chevelure sombre comme une forêt équatoriale, dans la dame à cheveux blancs assise en face de moi, savoir sans l'ombre d'un doute qu'à travers l'empâtement de l'âge, c'est Nelly, la sylphide d'autrefois qui approche, hésiter à peine pour nommer les unes et les autres et retrouver au quart de tour l'ambiance survoltée d'une classe de filles de 13 ans, qui ne pêchaient pas autrefois par ennui, m'a paru un plaisir rare. Les souvenirs des unes et des autres ont enrichi les miens éparpillés sur les routes de l'étranger, et tout à coup, après 50 ans - mais oui, disons-le - cette école primaire des
Eaux-Vives, avec son odeur de craie, sa somnolence de l'été, les romans lus sous la table, me fut aussi présente que l'école plus sophistiquée où vont nos garçons.
Comme eux, je ne sais toujours pas où doubler le r entre charrette et chariot, et la joyeuse pagaille dans laquelle vivent nos écoliers ressemble fort à celle qui fut la mienne, il y a de cela très, très longtemps.
L'école, entre rires et larmes, travail et jeux, un lieu irremplaçable.
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