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Les deux mi-temps d'Anne-Claire

- Tu as fait des études de médecine suivies de quatre ans de stages dans différentes unités de psychiatrie. Avant d'avoir des enfants, comment avais-tu imaginé l'avenir?
- Sans problème important. Je désirais des enfants, mais je ne suis
pas le genre de femme qui fond dès qu' elle voit un bébé. J'étais sûre
que je pourrais mener de front une vie professionnelle à mi-temps et
un mi-temps de mère au foyer. Il suffisait de savoir s'organiser.
- A la suite de quoi ton optique a-t-elle changé?
- Eh bien, c'est la confrontation avec la réalité concrète. J'ai assez vite
découvert que ma sacrée organisation ne pouvait pas tout. Les êtres
vivants (et particulièrement les enfants) ne se laissent pas ranger sur des rayons comme des objets. Ils ont des sentiments, ils pleurent, ils appellent, ils ont faim, ils ont besoin de contact.
J'avais beau courir, je n'arriverais pas à tout faire. J'étais chroniquement essoufflée, en train de rattraper des retards qui s'accumulaient.Il ne me restait aucun temps pour moi (à part mon travail professionnel, mais ce n'était guère reposant).
Je dois quand même ajouter que c'est grâce à mon «organisation» que j ai réussi à sauver l'allaitement au sein. J'y tenais beaucoup, j y suis arrivée, mais à quel prix!
- Avant la naissance de ton second enfant, tu as quitté ton travail professionnel. Tu ne supportais plus la contradiction entre soigner tes malades et négliger les tiens. En quoi ta situation s'est-elle améliorée?
- Plus besoin de me lever à cinq heures trente. Enfin un peu de temps! Plus de course épuisante. Ma santé et celle de notre fils se sont nettement améliorée (pendant des mois, il avait toussé sans arrêt).
- Qu'est-ce qui n'était pas satisfaisant?
- Je dois tout d'abord préciser qu' entre temps, notre fille est née, quelle a commencé par une forte jaunisse et continué par une coqueluche (transmise progressivement à tout l'entourage). Elle pleurait beaucoup plus que l'aîné. Des pleurs qui me sont restés longtemps incompréhensibles. J'avais l'impression de donner, donner sans arrêt.
Bien que convaincue de l'utilité de ma présence à la maison, je souffrais d'un manque. Me «consacrer» totalement aux enfants ne réussissait pas à me combler.
Dès que j'ai pu tenir les yeux ouverts après huit heures du soir et que j'ai pu recommencer à réfléchir, je me suis sentie renaître. Avant, je tâchais de survivre. Quand j'ai réussi à pouvoir un peu lire (des choses faciles, au début) et à penser (au sens de la vie par exemple) j'ai retrouvé un meilleur équilibre.
- Ta conclusion provisoire?
- J'avais beau être convaincue au moment où j'ai choisi de lâcher mon activité professionnelle pour être plus disponible à la maison, j ai dû m'apercevoir que la vie de la mère au foyer comporte aussi des problèmes.
J'ai eu pourtant beaucoup de chance: un mari tout à fait compréhensif, une mère, une belle-mère et une grand-mère d'accord de me dépanner. Je n'ose imaginer comment font les femmes qui ne peuvent compter sur aucune aide, et je les admire!







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