Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Immobilisme et mouvement

Extrait d'un article paru dans Les Echos de Saint Maurice, février 1986.

«L'auteur nous rapporte quelques éléments de son expérience d'enseignement, une expérience devenue avant tout la réponse sans cesse renouvelée à cette question: comment introduire le mouvement et la vie lorsqu'on enseigne le français à des enfants ayant eu une existence difficile, et paralysés entre le désir de s'affirmer envers et contre le scolaire, et le besoin d'être reconnu à travers lui?»

Il nous est apparu que les «leçons » individuelles de français - dans cette institution qui accueille des garçons, de 14 à 18 ans, dont le circuit a été difficile - ne peuvent être qu'en partie des «leçons», au sens habituel du terme.
En effet, bien qu'elle soit préparée, chacune tente d'être une invention à deux, vers non seulement une amélioration des connaissances, mais aussi une «revitalisation» de l'être. Cela implique d'essayer de sortir figé, du refus, de la stéréotypie, autant que des peurs (aussi bien celle du scolaire que celle d'être soi-même). C'est dire la gageure toujours présente, l'aspect passionnant, les échecs, et la joie des quelques aboutissements. C'est dire aussi une recherche constante, une sorte de mouvement perpétuel.

Partir de là où l'on en est

Le mot de «mouvement» s'est cloué au coeur de mon entreprise. Peu à peu - car il a fallu du temps - ces adolescents, si souvent violents, me sont apparus comme des paralysés, des pêcheurs pris dans leurs filets, des momies dans leurs bandelettes. Il est clair qu'une chose explique l'autre - je veux dire l'immobilisme, la violence. Mais par où introduire la vie? Ou bien sur quoi pouvoir la greffer? Il faut d'abord trouver un point déjà vivant.
«Trouver le chemin», même scolairement, pour chacun d'eux, signifiera toujours pour moi d'abord atteindre l'être, et l'approche passera toujours par ce que j'avais appelé «la restauration du visage». Cette dernière devrait se faire sans donner des illusions, sans naïveté, et sans complicité. Que voilà bien trois mots lourds d'un travail perpétuel sur soi-même, et combien de forces intérieures y passent…
Il y a dans l'immobilisme face au scolaire la peur des échecs répétés (dont les causes très diverses ont été longuement étudiées par nombre de spécialistes), la peur du conformisme, la peur de la dépendance maître-disciple (qui seule peut amener un progrès dans tout apprentissage des connaissances).
Ils ne veulent apparemment pas du scolaire, mais hors de lui ils se sentent des parias. Tous passent par le désir d'être conforme et la peur de l'être (le scolaire s'y rattache). Le conformisme est à la fois leur sécurité et leur frein, leur désir et l'adversaire à abattre, le filet sous l'acrobate et le filet de la toile d'araignée. Ne pas bouger, ne pas s'aventurer.
C'est aussi pour eux se rassurer sur soi-même («je ne suis pas fou», «je suis normal»). C'est ne courir ni le risque de montrer des limites, ni celui de découvrir qui on est vraiment.
A un moment ou à un autre, ils ont ainsi presque tous à traverser cette crise, où ce qui est en jeu, d'une manière ou d'une autre, c'est tout simplement de ne pas être anéanti, annihilé.

Savoir être vrai, c'est-à-dire pauvre

J'ai parlé du mouvement, d'immobilisme, de conformité. Qu'il me soit permis une remarque: il est important de ne pas avoir peur d'être désarçonné. Si on a réponse à tout, on est un puits de science et on accentue la différence.
Je me rappelle un garçon abandonnique, limité en plus, traversé de tous côtés par tout et tous, sans enveloppe dirais-je, qui me dit, au début, sidéré, ses immenses yeux encore plus grands: «Mais alors, vous savez toutes les règles?» Il avait besoin de s'accrocher à un savoir tout-puissant, de trouver un modèle fort de conformisme absolu; mais il eût été catastrophique (et mensonger en plus) de le lui laisser croire; creusant ainsi à jamais un abîme là où il fallait à tout prix et en toute priorité créer une relation, une communication. Le mouvement d'acquisition ne peut en effet partir que de l'être lui-même, de son désir. J'éclatai de rire, introduisant une brusque césure, puis je répondis gravement: «Personne au monde ne connaît toutes les règles, et celui qui les connaîtrait toutes serait si empêtré que jamais il n'arriverait à écrire».
Il reste l'essentiel à dire. Le cadeau le plus grand qu'on puisse faire à un être c'est de croire en lui. (Pour Gabriel Marcel, c'était d'ailleurs la définition de l'amour). Le prendre au sérieux dans ce qu'il est, dans ce qu'il vit, dans ce qu'il souffre. Et, dans la mesure où on a foi en lui, on exige. Bien calibrer l'exigence est chose difficile. De même que, parfois, résister à la tentation d'«être gentil».
Mais se cramponner mains nues à la racine, qui est de croire en sa possibilité de croître, est la seule façon de collaborer à sa libération.









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève