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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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DE LEUR CÔTÉ. L'enfance. Peurs

J'avais oublié le noir, les bêtes, les fantômes

Fabien, quatre ans, du genre déluré «qui n'a peur de rien» est laissé seul un soir pendant que nous sommes chez les voisins. Il reçoit les recommandations d'usage et a pantoufles et robe de chambre à disposition pour nous rejoindre si nécessaire. Nous nous en allons le laissant qui chantonne dans son lit, corridor éclairé afin de guider une éventuelle expédition.
Quand nous rentrons quelques heures plus tard, tout est calme. Pourtant, mon inquiétude grandit à mesure que je m'approche de la chambre à coucher. Je trouve, en effet, un pyjama mouillé dans le corridor, une moquette largement auréolée, l'armoire béante qui vomit son contenu et, heureusement… Fabien qui dort paisiblement dans un pyjama propre.

Les explications viennent le lendemain:
- Je devais aller aux toilettes
- Et alors? Pourquoi n'y es-tu pas allé?
- Je ne pouvais pas!
- Et pourquoi donc?
- J'avais peur qu'il y ait un loup qui «viendrait»!
Et voilà… Mon esprit rationnel d'adulte avait imaginé un programme logique. J'avais oublié le noir, les bêtes, les fantômes, tous ces supports qui servent à exprimer une angoisse diffuse.
Si, au lieu d'en rire, nous prenions au sérieux le bestiaire fantastique, les appareils ménagers qui prennent des allures de monstres fabuleux, le noir qui étouffe, et j'en passe, nous aiderions ainsi nos enfants à exprimer leurs peurs, à les apprivoiser, et peut-être à les extirper.
Du reste, n'y a-t-il pas dans chacun d'entre nous une peur inavouée, ridicule et irraisonnée? En parler avec nos enfants leur donnerait le sentiment d'être compris, et qui sait si le partage de nos expériences ne permettrait pas d'atténuer ensemble nos angoisses respectives.


Apprivoiser la nuit

Sophie, cinq ans, doit aller au lit; elle a prolongé autant que possible jeux et cabrioles, afin de repousser ce moment qu'elle appréhende chaque soir. «Tu laisseras la porte ouverte et la lumière dans le couloir…» «C'est bientôt là demain?…»
Rires moqueurs de ses cousins adolescents qui ont oublié la lampe veilleuse fixée dans une prise électrique, près de la porte, qui les rassurait quand ils avaient cinq ans.

- «Ce n'est pas le noir qui me faisait peur, explique Bruno, mais tout ce qu'il peut cacher!»

Suggérons à nos jeunes enfants d'apprivoiser la nuit qui les entoure en leur faisant décrire leur environnement, qui est le même lumières éteintes. «La fenêtre est là, ici le fauteuil et les poupées, à droite la commode, et sous le lit, le tapis, un ballon, tes pantoufles… » Rassurés, nos enfants se laisseront volontiers glisser vers cet inconnu qu'est le sommeil.
Certains enfants ont peur de s'endormir craignant les cauchemars qui surgissent souvent quand la journée a été agitée et le coucher bousculé.
Si l'enfant peut dire ses craintes, ou mieux les jouer ou les dessiner, il forgera petit à petit ses propres défenses et sera fier ainsi d'avoir grandi!


Panique dans les toilettes

- Moi, je vais faire caca, clame Joël sur un ton triomphant!

- Moi, je vais tout seul aux toilettes, tient-il à préciser tout en manoeuvrant la fermeture éclair de son pantalon.

Chaque fois que l'opération se renouvelle, il arbore l'air conquérant de celui qui ne craint pas les difficultés de la vie.
Chaque fois avant. Mais après, ça se gâte. Car il redoute le moment où il faudra qu'il tire la chaîne de la chasse d'eau.
On lui a expliqué qu'il ne risque rien, que ce grand bruit n'est rien d'autre que l'eau qui se déverse brusquement du haut du réservoir. On lui a aussi rappelé qu'il est grand maintenant et qu'il est tout à fait capable de se comporter comme son frère aîné. Rien n'y fait. C'est la panique assurée à chaque expérience.
Joël serait-il particulièrement peureux? Comment peut-il se mettre dans des états pareils pour un simple bruit d'eau dans la tuyauterie? Ne joue-t-il pas un peu la comédie quand il prétend qu'il n'ose même pas poser sa main sur la chaîne?
Un enfant si intelligent, si raisonnable ordinairement. C'est à n'y rien comprendre.
Ne serait-ce pas précisément parce qu'il se comporte habituellement d'une manière satisfaisante qu'il réagit bizarrement sur ce point particulier?
Un enfant, ça ne peut pas toujours et partout, 365 jours par an, et jusqu'à sa majorité, se conduire comme un phénomène de sagesse, de pondération, de contrôle de soi. Il faut bien qu'il se réserve un domaine où il puisse exprimer ses peurs. Toutes ces peurs, grandes ou petites, qui font normalement partie de la vie d'un être jeune qui découvre le monde.
Ne vous moquez pas. N'augmentez pas davantage son angoisse. Dites-lui plutôt que vous aussi, vous avez eu peur quand vous aviez son âge: des chiens, de la nuit, de la sirène des pompiers, de la profondeur de la piscine.
Si vous lui offrez votre soutien, il finira par se familiariser avec les bruits qui le terrorisent. Il ne les considérera plus comme une horde d'ennemis prêts à se précipiter sur un enfant sans défense.









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