Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Parents, drogue, enfants (suite)

Dr Curtet est psychiatre des hôpitaux de Paris, titulaire CES (centre d'enseignement supérieur) de médecine pénitentiaire. Il a travaillé sept ans avec le docteur Olivenstein sur les toxicomanies. Il est le fondateur et directeur de l'association Trait-d'Union.

Comment faire lorsque l'enfant cache à ses parents qu'il est toxicomane?
Un enfant ne cache pas son problème, au contraire. Il fait tout pour expliquer que ça ne va pas. Bien avant de se droguer, il a lancé des tas d'appels au secours. La drogue arrive comme point final pour dire: «Vous n'avez rien compris, maintenant voilà où j'en suis.»
Si les parents ne sont pas au courant, la plupart du temps, que leurs enfants se droguent, c'est parce qu'ils n'ont pas su entendre. Ce n'est pas les culpabiliser que leur dire ça. C'est simplement leur dire: «Soyez vigilants, soyez attentifs, ne cherchez pas coûte que coûte les fameux signes qui permettent de repérer un toxicomane.»
Repérez bien avant ses appels au secours, ses demandes de dialogue, ses tristesses passagères, ses colères, ses baisses de rendement scolaire, en vous disant: «Il y a quelque chose qui ne va pas.»

Tous les jeunes ne sont pas susceptibles de devenir toxicomanes

Contrairement à une idée reçue, tous les jeunes ne sont pas susceptibles de devenir toxicomanes. Si ça touchait vraiment n'importe qui comme une épidémie, eh bien vous auriez cinquante pour cent d'hommes et cinquante pour cent de femmes toxicomanes. Or, il n'y a que vingt pour cent de femmes.
En effet, la société et je dirais plus précisément les familles, sont moins exigeantes à l'égard des filles. On tolère mieux leur marasme, on tolère mieux qu'elles redoublent, qu'elles glandouillent, comme on dit. Même si l'émancipation de la femme a changé beaucoup de choses, il reste dans l'inconscient collectif cette idée que, de toute façon, elle trouvera bien un mari et elle pourra toujours élever ses enfants. On lui laisse alors le temps de la défaillance qui se produit souvent en période adolescente. On ne laisse pas aux garçons le temps de ce passage à vide.

Adultes, vous avez une part de responsabilité

Où que vous soyez, qui que vous soyez en tant qu'adulte, vous avez une part de responsabilité. Votre façon de réagir va être décisive. Si vous dites: «Ce n'est pas mon problème, le toxico c'est un délinquant, un faible, un minable», votre gosse va aller de plus en plus mal. Il faut parler à votre gosse, rétablir la confiance, ne pas fouiller partout dans sa chambre, ne pas jouer un rôle de flic.
Il faut trouver l'équilibre difficile entre la tendresse et la fermeté. La relation que vous établissez avec votre enfant est unique, différente de celle qu'il établit avec ses copains. Le papa copain, la maman copine, il n'y a pas plus toxique pour un gosse. Des copains et des copines, il en a plein la rue. Il n'a qu'un père et qu'une mère.
Que les parents réfléchissent au modèle qu'ils présentent. Leurs enfants vont construire leur personnalité en fonction de ce modèle. Combien de parents fuient les réalités par d'autres drogues qui s'appellent travail (quatorze heures au bureau par jour, par exemple), vitesse, sport, télévision, fric, pouvoir… Ces modèles de «drogués» sont présentés par trop d'adultes. L'enfant repère bien qu'il y a là une démesure, une aliénation. Je vois beaucoup d'enfants toxico dont les parents sont médecins, PDG, hommes politiques, journalistes… des professions où ils s'investissent complètement. Trop. La démesure est là. Comment s'étonner que l'enfant soit influencé par l'exemple d'une démesure?

Laissons nos enfants avoir une défaillance

Autre modèle très courant, celui du battant, du meilleur à tout prix… Personne ne peut être au «top niveau» en permanence. On a tous droit à nos défaillances. Dans notre société, les défaillances psychologiques ne sont pas admises. Il faut paraître, coûte que coûte, par tous les moyens, y compris par le recours aux médicaments.
Il est important de dire aux adultes: vous avez droit à vos défaillances, n'ayez pas honte de les exprimer et vous donnerez à vos enfants cette habitude. Sinon les enfants n'ont que deux issues: copier les battants, ce qui donne une frange importante de jeunes qui n'a qu'une idée, gagner de l'argent au mépris total de toute notion de solidarité, ou refuser ce modèle en disant: «Si c'est ça être adulte, je n'ai pas envie de grandir.»
Ceux-là sont candidats à la drogue.
Si nous donnions des modèles d'adultes plus responsables, capables de promouvoir des notions importantes comme la solidarité, je crois que ça règlerait beaucoup de problèmes.
Mais quand on parle aujourd'hui de dialogue, de confiance, de solidarité, on se fait traiter de doux rêveur, de gauchiste ou de « babacool ».
Pourtant, on va tous en crever si la confiance ne se rétablit pas et si on ne revalorise pas les notions de solidarité. Ça nous touche tous, tous les jours dans notre relation avec nos enfants, nos copains, nos compagnes. Il y en a marre de considérer que la seule valeur sûre à l'heure actuelle est le cynisme.
Je suis conscient qu'être parent, c'est horriblement difficile. Mais si les parents ont pris l'habitude de montrer à leur gosses que lorsqu'ils ont des problèmes, ils essayent de les résoudre en demandant des conseils, s'ils ont montré qu'eux aussi pouvaient avoir des défaillances, le jour où on proposera de la drogue à leur enfant, il sera peut-être curieux d'en prendre mais ça ne fera pas un drame.

Demander «pourquoi»?

Même si aucune drogue n'est anodine, il ne faut surtout pas raconter que le haschisch et l'héroïne c'est pareil. Si un enfant a fumé une cigarette de haschisch, il n'y a pas lieu de s'affoler. Il faut lui expliquer qu'il ne va rien résoudre avec ça et surtout il faut lui demander pourquoi il fume.
Les parents qui découvrent que leur enfant fume du haschisch ont pour première réaction de lui envoyer deux claques, ou alors ils font un discours moralisateur. Il ne leur vient pas à l'idée de le questionner d'abord. Pourquoi ne demande-t-on jamais pourquoi?

Conclusion

Je dirais schématiquement que la drogue naît d'une angoisse et guérit de la confiance. Je pense que l'information systématique des jeunes est une erreur. On sait que l'attirance pour la drogue est directement proportionnelle à la quantité d'information anti-drogue reçue à l'école. Il est évident que la peur n'est pas dissuasive à l'âge de la curiosité. Encore moins sur une personne désespérée. Le toxico est prêt à jongler avec la mort, la folie, le Sida.
En revanche, il est utile de faire en milieu scolaire une information à la demande. Ne pas centrer sur le produit, mais sur le «pourquoi on se drogue». C'est l'information la plus importante. Les publicitaires ont essayé mais se sont plantés. Dire non à la drogue c'est avoir un état d'esprit tel que vous avez compris que la drogue est une solution de fuite qui ne résout rien. Dire non à la drogue, c'est un réflexe conditionné, c'est un travail long, patient, qui demande évidemment le concours des parents.


Propos recueillis par H. Mathieu, Marie-Claire, déc. 1986









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève