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Lettre à ma fille qui va partir
Ma toute Belle,
ll est minuit passé… Je me suis relevée pour t'écrire… Je n'arrivais pas à dormir… Tu es là, devant moi comme hier soir; tu m es apparue telle que tu es devenue: ton corps est celui d'une femme et ton visage est beau.
Tu as dit avec un grand naturel mais un brin de tension dans la voix: «On va partir avec des copains, on a loué un studio… On sera deux filles dont une avec son copain et cinq étudiants, ils ont au moins vingt-trois ans… Non je ne les connais pas bien… (et tu as ajouté très vite avec une drôle de petite grimace) de toute façon, ils me prennent pour une petite fille!»
ll y a un certain temps que je voulais te parler. .. mais le temps a passé je ne sais comment; il me semblait que tout cela ne te concernait pas encore; je crois que je restais sur l'idée que «les jeunes en savent bien plus que nous». Je ne crois pas que ce soit vrai, peut-être que je me trompe, je ne sais pas vraiment.
Alors voilà, ma grande chérie, ne m'en veux pas pour la gravité du ton
de mon message… Le rôle des parents n'est-il pas de parler «juste et vrai»? Nous sommes en situation d'urgence. ll s'agit de ta vie aussi bien que celle de tes enfants à venir. Je veux te parler du SIDA. Je te demande de lire cette lettre jusqu'au bout.
Ton souci de ne pas être différente te pousse à adopter certains comportements des jeunes de ton environnement. Les circonstances ont fait que tu jouis de beaucoup d'indépendance en ne vivant plus chez tes parents. Ton besoin de suivre les modes découle d'une tendance au conformisme et pas seulement d'un goût de l'esthétisme. Ta quête d'un «look» toujours plus exigeant ne serait-elle pas comme un appel ou une forme de langage? Ne saurais-tu pas encore combien tu es plaisante puisque tu cherches si fort à plaire?
Cette crainte de paraître différente se présentera sans aucun doute au moment où la pression exercée parle groupe deviendra irréstible. Or il faut beaucoup de courage pour oser agir selon son inclination naturelle et parfois refuser de suivre la majorité et de s'y conformer. Tu sais aussi que le désir sexuel (pas toujours amoureux) est exalté par la culture de notre époque parallèlement au mouvement de rejet des «valeurs» des parents.
Tu as pu apprécier la convivialité créée par le groupe autour d'un bon repas encore plus chaleureuse quand s'ajoute l'alcool, puisque tu m'as dit te sentir moins timide après un verre de bière…
Ecoute-moi bien mon aimée, car il s'agit d'ESPÉRANCE.
Tu dois être informée afin d'être en mesure de prendre en charge ta propre protection de même que celle des autres.
ll s'agit d'espérance. Dans quatre ou cinq ans il y aura un vaccin pour prévenir cette maladie; la population la plus menacée est celle des quinze à vingt-cinq ans, car il faut savoir qu'aujourd'hui il n'y a plus de populations dites «à risques» comme les homosexuels, les toxicomanes, les hémophiles, les transfusés; tout partenaire sexuel d'occasion (on dirait un objet) infecté sans le savoir peut contaminer au cours d'un seul rapport une jeune femme qui ainsi peut contaminer l'enfant qu'un jour elle portera…
Ecoute encore un peu, j'en viens au coeur de mon message: ta génération est appelée et destinée à jouer le rôle que l'humanité lui demande: STOPPER l'épidémie, la circonscrire.., et ceci par la seule mesure de prévention efficace aujourd'hui et disponible partout: le préservatif masculin ou condom. Aujourd'hui, il est recommandé à toute jeune fille responsable se voulant conforme aux normes d'une des «modernités» de sa génération, d'équiper sa trousse de toilette d'un préservatif dans l'éventualité où son copain n'y aurait pas été attentif… marquant ainsi le prix quelle donne à la vie.
Je t'embrasse comme je t'aime.
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