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Mère devant un paysage scolaire
Le «prof » pose un regard songeur sur les parents et déclare sentencieusement que cette classe est vraiment très faible. Heureusement que Petite Dernière boucle le cycle scolaire familial, car au rythme où se dégrade le niveau des volées, l'école va bientôt sombrer sous le poids de ses cancres. Normal, avec votre façon de pourrir vos enfants. Assumez maintenant.
«Il y a bien sûr quelques bons éléments», lance-t-il pour décrisper l'atmosphère. Là, vous tendez l'oreille: même si vous n'êtes pas une «accro» des performances haut de gamme, vous voudriez que Petite Dernière en fasse partie, de ces bons éléments. Pas pour satisfaire votre orgueil maternel, ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Mais pour mettre un peu de sérénité dans votre quotidien. Car vous avez mal à l'école. Une douleur diffuse, latente. Qui ne vous empêche pas de vous lever le matin, non, mais qui vous étreint sournoisement et vous empoisonne l'existence.
A croire que vous nourrissez d'inavouables ambitions carriéristes pour votre fille. Ce n'est pas vraiment ça. Mais vous savez que son avenir professionnel dépend en grande partie de sa réussite scolaire. Vous voudriez donc qu'elle s'en sorte honorablement pour choisir librement sa voie. Et c'est aujourd'hui, tout de suite, que cela se joue. Ses échecs vous font d'autant plus mal que pour vous, le degré de satisfaction d'un destin de femme est directement proportionnel à sa capacité d'assurer son indépendance économique. C'est pourquoi vous vous feriez hâcher menu plutôt que de permettre à Petite Dernière d'attendre le prince charmant en baillant aux corneilles.
Tiens, les parents autour de vous semblent soudain très intéressés par les propos du «prof». Peut-être que leur enfant, justement? Vous observez Monsieur Père d'Affaires à la dérobée
Il est pourtant plus souvent au Texas ou à Vancouver qu'en train de faire réciter les verbes irréguliers à sa progéniture, celui-là. Etonnant d'ailleurs, le nombre de pères qui ont des choses à dire. Intéressantes, de surcroît. Vous trouvez ça très bien. Madame Epouse applaudirait certainement des quatre mains, si son conjoint s'exprimait avec autant de force sur la formation des glaciers ou l'appareil reproducteur de la caille. Mais à l'heure des devoirs. Seulement, voilà: les répétitrices attitrées de ces chères têtes blondes, ce sont généralement les mères. Ne l'êtes-vous pas vous-même depuis plusieurs enfants? Vous savez donc mieux que personne que Petite Dernière a infiniment plus de goût pour les sept mille danses d'Indochine et U2, prononcez youtou, que pour la division des fractions. Ce qui ne facilite évidemment pas le déroulement des travaux à domicile.
Petite Dernière, la «refusznik»
«En règle générale», poursuit le «prof.» imperturbable, «cette classe nous donne beaucoup de fil à retordre. Trop d'éléments perturbateurs. Trop de bavardages, d'oublis, de travaux non faits. Pas assez de concentration.» Cette litanie, on vous la ressert chaque fin d'année merci. A qui la faute, en fin de compte, si les «profs» sont moins captivants que Patrick Sabatier? Cela dit, c'est vrai que Petite Dernière se fait une gloire de figurer au nombre des «refuszniks» purs et durs. Elle pousse même le bouchon assez loin, depuis quelques temps. Si son petit air crâne abuse les copains, il n'en va pas de même pour vous : vous sentez physiquement que derrière ses «bofs» de grande indifférence, votre toute-ronde camoufle la plus cuisante des humiliations. Elle est tellement malhabile, à ce jeu-là: il suffit de voir les coins de sa bouche, qui n'en finissent pas de trembler quand vous tentez de négocier avec elle les virages de fin de période. L'humiliation de votre enfant, vous la vivez dans votre chair et c'est insoutenable.
Vous rétrécissez à vue d'oeil sur votre chaise et faites des efforts surhumains pour vous concentrer sur les graffiti qui maculent «votre» pupitre. Surtout endiguer le flot de larmes qui se presse sous vos paupières. Garder la distance. Ne pas craquer devant tout le monde. Les autres parents sont tellement sereins, détendus. Pourquoi pas vous, au nom du ciel?
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