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Hommage à Françoise Dolto

Dans un journal qui traite d'éducation, nous nous devions de rendre un hommage à Françoise Dolto, grande dame de la psychanalyse, dévouée à la cause des enfants. Nous sommes donc heureux de publier l'article de Madame Alix Micheli collaboratrice de l'Ecole des Parents de Genève, qui a eu la gentillesse de mettre à disposition son texte pour les «Entretiens».
La rédaction


La mort récente de Françoise Dolto a ému tous ceux qui ont tant reçu d'elle: enfants et adultes suivis par elle en psychanalyse, parents confrontés à la difficulté de vivre ou de voir grandir leur enfant, sans oublier les nombreux « psy» qui ont bénéficié de ses supervisions et de ses écrits.
Nous voudrions rappeler ici son apport inestimable aux Ecoles des parents qui, de lieux de «dépannage» et de réflexion pour les parents si souvent mis en crise au cours de la croissance de leurs enfants, sont devenus ces dernières années lieux d'écoute et de parole pour les parents et leurs enfants, surtout dans la période préscolaire, dans un esprit de prévention précoce auquel Françoise Dolto nous a sensibilisés.
Aux adultes qui deviennent plus ou moins joyeusement parents «lorsque l'enfant paraît» (1), elle apporte un message d'ouverture et de créativité, montrant que le plus important n'est pas «comment faire avec cet enfant», mais comment «être» avec cet enfant, en respectant sa vie et ses désirs propres, en lui faisant confiance pour qu'il ait confiance en ses possibilités, en lui parlant «vrai» et en lui transmettant clairement que les adultes, eux aussi, ont leur vie propre que l'enfant doit respecter.
Message responsabilisant et déculpabilisant pour des parents trop exclusivement centrés sur leur enfant, et pour tous ceux qui vivent douloureusement les tensions entre leur vie personnelle et professionnelle et leur vie de couple et de famille, dans notre société en pleine mutation où «la famille» doit être réinventée par chacun.

Invitée par L'école des parents de Genève en 1982, elle était venue parler de «L'alimentation au sein de la famille», faisant d'emblée goûter à toute l'audience son humour dans le jeu des mots.
Elle avait redit ce soir-là, l'importance de satisfaire autant que possible les besoins d'un enfant, mais pas tous ses désirs, car les désirs, eux peuvent se parler et se satisfaire de manière imaginaire. Elle insistait aussi sur l'effet déshumanisant d'une éducation à base de dressage: «L'entourage le plus secourable est celui qui développe au maximum une ambiance de confiance, une ambiance dans laquelle on a le droit de s'exprimer librement, même si l'expression que l'enfant donne doit être expression de souffrance physique, affective ou mentale. On voit que, face à tout cela, le «dressage» évite l'expérience et ne permet pas l'acquisition d'autonomie.»

Depuis une quinzaine d'années, elle n'a cessé de transmettre en termes accessibles au commun des mortels les idées-force issues de sa pratique psychanalytique. Ouvrages, interviews, conférences se sont succédés à un rythme accéléré, répondant à une demande de plus en plus grande de la «base»: car elle savait s'adresser au coeur de ceux qui l'écoutaient, alliant une connaissance et une intuition exceptionnelle des êtres à un bon sens et un humour irrésistibles. Les «histoires vraies» qui jalonnent ses livres et ses conférences ne sont jamais des recettes, juste des pistes qui nous ouvrent à la réflexion.
Observatrice et réceptive, à cinq ans déjà, «Vava» comme on l'appelait dans sa famille, s'étonnait du manque de clairvoyance du médecin appelé pour les vomissements du dernier-né, et qui avait cru bon de le mettre à la diète, alors que «Vava» savait fort bien que ces vomissements s'étaient déclenchés après une dispute entre la nurse et la cuisinière: «Mais que les docteurs sont bêtes, ils ne comprennent pas les enfants. Ils ne comprennent pas les grandes personnes non plus; peut-être que si ces personnes criaient ou pleuraient, elles n'auraient pas besoin de médicaments».
A huit ans, elle décidait de devenir «médecin d'éducation». Il lui fallut de longues années de patience pour réaliser ce projet, ses parents, marqués par leur milieu social et par la mort de leur fille aînée, lui ayant longtemps interdit cette voie.
«Etre médecin, selon moi, ce n'était pas cultiver la perfection du corps, mais associer la santé et le vivre du coeur et de l'esprit». Externe à l'Hôpital des enfants malades, elle consacre presque toutes ses ressources à une psychanalyse et stupéfie déjà ses collègues par sa manière de parler aux nouveaux-nés.

Mais laissons parler Françoise Dolto:

«Il n'est jamais trop tôt pour parler à un être humain. C'est un être de parole, dès la vie foetale».

«L'important, dans le langage que nous avons avec le bébé, le plus jeune soit-il, et aussi bien avec un grand enfant, l'important c'est de lui parler vrai de ce que nous ressentons, quel que soit ce vrai».

«L'enfant l'entendement de ce qui est authentique».

«Les enfants ont besoin de gens qui les élèvent, et qui disent ce qu'ils font, et font ce qu'ils disent» (Projections privées, 1986).

«On traumatise par le silence, on traumatise par le non-dit, beaucoup plus que par le dit. Entre le non-dit et le dit, même d'une chose gravissime, il vaut mieux dire la chose gravissime.»

«Quand un enfant est né d'un accident de la contraception, les mères n'osent pas le révéler. Elles croient que c'est mal d'avoir pensé ça. Ça n'est ni bien ni mal. Et si c'est dit à l'enfant, non seulement ça ne lui fait pas de mal, mais ça lui donne un ressort extraordinaire: «Tu as bien fait de naître, tu as été plus fort que mes voeux de mort». Formidable courage que cela donne à l'enfant. C'est ça le travail d'une psychothérapie sur les enfants rejetés. «Puisque tu n'en es pas mort, d'autres le seraient, c'est que tu es beaucoup plus fort que les autres. Tu as dépassé le désarroi de ta mère, et tu donnes une descendance à ton père qui ne savait pas qu'il la voulait». Quand on responsabilise un jeune qui a déjoué les manceuvres qui avaient essayé de l'empêcher de vivre, il est bâti à feu et à sang.


Françoise Dolto nous a appris à parler vrai à chaque enfant, à écouter ce qu'il nous répond, à cesser de parler de l'enfant ou sur l'enfant.

«D'ailleurs, «l'enfant», ça n'existe pas», disait-elle, seulement l'état d'enfance; chaque enfant est différent, unique. «En m'occupant de mon petit frère, j'avais découvert combien les enfants sont aux sources du savoir. Des êtres qui posent les vraies questions. Ils cherchent des réponses que les adultes ne possèdent pas. Quand les adultes veulent comprendre les enfants, c'est le plus souvent pour les dominer. Ils devraient les écouter et plus souvent qu'on ne le croit. Ils découvriraient que les enfants détiennent les clefs de l'amour, de l'espérance et de la foi dans la vie par-delà les souffrances et les drames familiaux ou sociaux dont ils partagent l'épreuve, chacun selon son âge et ses dons naturels».

Sachant que la prévention des névroses et des psychoses se fait dans les premières années de la vie, elle stigmatise certaines pratiques qui sévissent encore dans trop de maternités: séparation précoce et inutile entre le nouveau-né et sa mère, excès d'interventionnisme du corps médical, manque de respect pour l'enfant en tant que personne…
Elle a défendu la cause des enfants et des adolescents, se mettant au service de leur désir de vivre, mais sans jamais oublier ni «charger» les parents:

«Je n'aime pas plus les enfants que les adultes, j'aime les enfants en tant qu'êtres humains, et leurs parents désemparés autant qu'eux».
Et c'est dans ce souci d'accompagnement des parents autant que des tout-petits, si souvent traumatisés par les premières séparations (entrée à la crèche…) qu'elle créait en 1979 LA MAISON VERTE, lieu de vie et de parole révolutionnaire dont voici la «carte de visite»:

«Un lieu de rencontre et de loisirs pour les tout-petits avec leurs parents. Pour une vie sociale dès la naissance, pour les parents parfois très isolés devant les difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent avec leurs enfants. Ni une crèche, ni une halte-garderie, ni un centre de soins, mais une maison ou Mères et Pères, Grands-Parents, Nourrices, Promeneurs sont accueillis… et où leurs petits y rencontrent des amis. Les femmes enceintes et leurs compagnons y sont aussi les bienvenus».

Elle nous laisse un message de confiance et d'espoir: être parent, éducateur, accompagnant d'enfant, ce n'est pas être parfait. C'est bien sûr impossible! C'est assumer nos «agir» et nos contradictions et devenir toujours plus authentiques en connaissant et en acceptant nos limites. «La vie entre les humains, c'est le dépassement de la souffrance que nos parents ont éprouvé à notre propos, ou que nous avons éprouvé à propos de nos parents».

Merci Françoise Dolto!


(1) Lorsque l'enfant paraît, 3 vol. 1977-8-9, Seuil. Tout est langage, 1987, Vertiges-Carrières.
(2) Au jeu du Désir, 1981, Seuil.
(3) La cause des enfants, 1985, Robert Laffont.
(4) Enfances, 1986, en collaboration avec Alecio de Andrade, Seuil.
(5) Naître… et ensuite? Les cahiers du nouveau-né, 1 et 2, Stock.
(6) La cause des adolescents, à paraître en octobre 1988, Robert Laffont, (cité dans le Nouvel Observateur, sept. 1988).









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