Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Un concierge embarrassé

Eh bien, oui, les choses se sont passées ainsi, bien qu'il soit difficile de le croire et qu'à la vérité on ne possède pas de véritables preuves… Mais si on doit fournir des preuves pour tout ce qu'on avance! A vrai dire, c'est un problème qui a passionné pendant longtemps ces savants graves qu'on nomme astronomes, mais problème demeuré sans réponse satisfaisante, jusqu'au jour où enfin, moi, je me suis penché sur lui. Voici: qu'est-il donc advenu de l'Etoile de Noël lorsqu'elle eût fini son travail prescrit qui était de guider les trois mages d'Orient vers l'Enfant qui venait de naître! Cela ne s'escamote pas, un astre!
Le fait est que le concierge de la voûte étoilée fut perplexe quand il fallut ranger l'Etoile. Les mages étaient rentrés chez eux, Bethléem n'avait plus à recevoir de sitôt des visiteurs. Or, comme tout doit être rangé dans un ordre impeccable sur le parvis céleste, notre préposé au balai - lequel est fait en façon de queue de comète- s'imposa le devoir de trouver une place pour caser l'inutile.
Sa première idée fut d'en faire une étoile filante. D'abord, la pensée lui sourit, car devenir une étoile filante c'est, pour une étoile, un très bel enterrement. Mais voilà, c'était un enterrement; or, pouvait-on condamner à mourir déjà, après à peine quelques nuits d'existence, cette étoile dont tous les âges allaient parler en termes excessivement flatteurs, jusqu'aux derniers siècles de l'éternité? Qu'on la remise quelque part, mais la tuer, non! Car chacun sait qu'une étoile filante cesse tout de suite d'être une étoile et n'est plus, aussitôt éteinte, qu'un morceau de vulgaire matière sans éclat ni façon.
Notre concierge fit le tour des constellations pour s'enquérir si, en se serrant un peu, il ne serait pas possible de faire une petite place, par là. Notre Etoile de Noël était fort modeste de taille; son importance n'avait rien à voir avec sa grosseur, mais venait plutôt de l'usage qui avait été fait de son éclat. C'est d'ailleurs toujours comme ça. Ce ne sont pas les gros qui comptent, ni les grands, ni ceux qui font les importants, dans le monde, mais ceux dont le service discret a semé le plus de joie en quelques coeurs. Il fallait bien reconnaître ce mérite à notre Etoile, bien que ce mot «mérite» doive être effacé définitivement du vocabulaire évangélique.
Approchées, ces dames constellations se récrièrent. Les Pléiades firent une scène. Elles décrétèrent qu'elles étaient comptées une fois pour toutes, cataloguées comme joyaux du ciel, et qu'ajouter cette petite nouvelle à leur nombre parfait déprécierait leur propre valeur. Elles formaient une broche unique sur le velours de la nuit. Quelle idée de vouloir bouleverser leur délicate harmonie!
Où l'orgueil va-t-il se nicher, je vous le demande! Et si les Pléiades parlèrent ainsi, et avec un air pincé, je vous prie, elles qui sont pourtant si bien élevées, je vous laisse à penser de quel ton usèrent les autres! Orion-le-Chasseur, la Grande Ourse et le Taureau employèrent des mots fort rudes, et même fort impolis. Il fallut bien leur laisser la paix. Ces gens-là se savent observés, surveillés par de grosses lunettes. Il n'en faut pas plus pour devenir nerveux et, pour le coup, de méchante humeur. Et puis, les constellations, comme beaucoup de mortels, trouvent grande satisfaction à ne jamais changer.
Notre concierge se rabattit sur l'allumeur de réverbères des avenues du firmament. Ce n'est pas une sinécure que d'allumer, tous les soirs, toutes ces lampes! Le préposé à ce travail est extrêmement pointilleux et infiniment consciencieux dans son travail, il faut le reconnaître; mais n'allez surtout pas essayer d'en ajouter une, à ses étoiles, et sans en avoir l'air! Un contrat est un contrat. Si on voulait une bonne grève sur le tas, il n'y avait qu'à essayer de le tourner! Notre concierge tenta de le prendre par les sentiments, mais ce fonctionnaire est têtu autant qu'il est fidèle. L'autre était bien embarrassé. Il essaya, à un moment où il n'était pas surveillé, de jeter l'étoile encombrante sur ce tas immense qu'on appelle la Voie Lactée. Une de plus ou de moins! C'était comme si on ajoutait un grain de sable à la grève des mers! Ouiche! Il fallut bien déchanter! Notre malheureux s'enfuit devant les éclats terribles de l'homme à qui, parce qu'il est porte-lumière, on ne peut rien cacher!
Vraiment, pouvait-il remiser l'Etoile indésirable dans un coin du grenier, avec les vieilles comètes que l'on sort une fois tous les cent ans pour leur refaire une jeunesse? Mais où, alors? Une étoile hors série, on n'en fait pas ce qu'on veut!
Tout en se creusant la cervelle, notre concierge se remémorait les actions insolites de cette étrangère. Il se souvenait de sa venue inopinée et comment, à l'inverse des autres, elle ne se tenait pas en place, ne respectant point les usages, bafouant les règles de la gravitation universelle, suivant son chemin à elle, s'arrêtant où et quand elle voulait. En particulier n'avait-elle pas fait un stage assez long au-dessus d'un village insignifiant de Judée? La consigne avait été de la laisser suivre son caprice, car elle participait, assurait-on, à un événement prodigieux qui était en train de bouleverser la terre et ses habitants. Notre concierge ne savait pas bien quoi: la terre, ce n'était pas de son rayon. Mais cette vague réminiscence éveilla en lui une idée que, sur le champ, il qualifia d'élégante pour son ingéniosité. L'Etoile appartenait en quelque sorte à la terre! Que les gens de la terre se chargent donc de la caser, et où ils voudront!
Il se hâta de rentrer dans la loge, et se mit, le croirez-vous, à casser l'étoile en une multitude de petits morceaux, gros en moyenne comme des morceaux de sucre. Puis il sortit, le tablier plein de ces morceaux de lumière, comme un sac de semeur plein de grains. Et comme le semeur, à pleines mains, il se mit à jeter vers la terre cette semence d'un genre nouveau. Il en jetait, il en jetait! Une étoile, ce n'est pas une petite affaire, quoi qu'il en paraisse, de loin. Il jeta tout le contenu de son tablier, et cela tombait partout, mais point, je dois le dire, n'importe où. L'Etoile de Noël n'avait pas non plus été envoyée, n'est-ce pas, pour n'importe quoi.
II faut savoir mettre dans ses petites actions, dans ses petits gestes, dans ces petites paroles, les mêmes nobles et grands sentiments que l'on met d'ordinaire dans les actions d'éclat et dans les hauts faits dignes d'être écrits dans l'histoire. L'Etoile de Noël savait cette vérité-là. Chacun de ces morceaux de lumière, avec intelligence, alla se placer en un endroit où il pourrait continuer quelque chose de son grand rôle de Noël. Les uns allèrent se loger dans des chambres de malades, où il est besoin d'une petite veilleuse près de l'oreiller, pour être une présence amicale et réconfortante; d'autres descendirent au fond de la mine et s'installèrent commodément au coeur des lampes de sûreté: pas moyen d'allumer le grisou avec ça! Il y en eut qui allèrent éclairer le fanal du pêcheur, cette lanterne que l'on place à l'avant de la barque; d'autres, les plus gros, se firent accueillir au sommet de la grande tour de phares, où les miroirs tournent à longueur de nuit et envoient la bienheureuse lumière au loin, sur les flots. Partout où la lumière doit être généreuse et gratuite, faire du bien, sauver des vies, donner de la joie, ces morceaux d'étoile allèrent se fourrer. J'irais même jusqu' à dire que nombre d'entre eux se spécialisèrent dans les arbres de Noël, bien qu'à première vue il semble qu'il ne s'agisse que de vulgaires bougies de chez l'épicier. Une chose est certaine: il en est qui, par des voies mystérieuses, s'insinuèrent dans des poitrines d'hommes et de femmes, jeunes et grands, et ce sont ces discrets visiteurs qui donnent à certains visages cette étonnante clarté de la bonté et de la sympathie.
Vraiment, quel brave homme que ce concierge-là, à qui nous devons, sans qu'il en ait grand mérite pourtant, tant de petits miracles, inconnus pour la plupart, et qui ne sont que les restes de l'extraordinaire miracle de la première nuit de Noël.









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève