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Renonce au soufflé et fais des spaghettis !
Chère tante Agathe,
Il fallait bien s'attendre à ce que maman me fasse part de tes doléances à propos des enfants, que tu trouves mal élevés, toujours en retard quand tu les attends pour dîner, usant de prétextes auxquels tu ne crois pas un instant: vélomoteur en panne, crevaison, bus manqué, je ne sais quoi. Leur imagination est inépuisable!
J'aurais préféré que tu me dises tout cela directement, que je puisse non pas défendre ma progéniture, mais éclairer un peu leur comportement.
Je ne te ferais pas le grief de ne pas avoir eu d'enfants, tu as été si bonne pour nous, tes neveux, et tu me rends un réel service en acceptant de recevoir mes gaillards une fois par semaine, toi qui habite à côté de leur école.
Mais vois-tu les temps ont changé et les enfants ne sont plus ces petits singes bien dressés à qui l'on dit: fais ceci fais cela et qui répondent: «oui, ma tante, sans répliquer. Les nôtres ont déjà treize et quatorze ans, ils sont travailleurs et courageux. Par tous les temps, ils descendent en vélomoteur au Collège, et c'est vrai que ces sacrés engins tombent souvent en panne sous la pluie, que les jeunes en groupe bavardent sur les trottoirs et loupent les bus bondés, qu'ils ont tant de choses à faire, à dire, à raconter, que l'idée d'un soufflé au fromage (que par ailleurs ils adorent) puisse retomber parce qu'ils sont en retard, ne les effleure même pas.
Alors, chère tante Agathe, renonce au soufflé, fais-leur des spaghettis ou de la ratatouille, qui peut mijoter sans dommage et fais confiance à nos jeunes une fois de plus. Ils ont besoin qu'on les accueille, qu'on les écoute et que l'on fasse crédit en eux à tout ce que l'on ne voit pas: des sentiments vrais, une générosité cachée, un intérêt certain pour la famille.
Peut-être sont-ils moins hypocrites que nous le fûmes à leur âge
? Je me souviens, entre autres, d'un fameux dimanche de pluie passé chez toi, où l'on s'était pas mal barbé mon frère et moi, et où maman nous avait fait écrire un mot de remerciement délicieux pour ce si-gentil-dimanche-en-famille! Nous savons. La vie en société implique une certaine dose d'hypocrisie, sinon où irions-nous ? Mais va-t-en dire cela a de jeunes rebelles, en train de refaire le monde, qui, lorqu'ils s'ennuient claquent gentiment la porte en disant «bye-bye» avec le sourire ?
Cette découverte inévitable viendra bien toute seule; ils feront la part des choses, ils diront merci à bon escient, ils téléphoneront, ils enverront des fleurs et des mots aimables mais ce seront alors des adultes policés, qui auront appris à leurs dépens à décoder les lois non écrites qui régissent la vie en société.
Ce temps précieux de l'enfance sera fini et ne reviendra plus jamais pour eux
ni pour nous, ma chère tante Agathe.
Ta nièce affectionnée
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