Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Enfance suédoise

Dans son autobiographie Laterna Magica, Ingmar Bergman, l'un des metteurs en scène les plus fameux de notre temps, se raconte avec une honnêteté et une clairvoyance qui pourraient en choquer plus d'un. Les passages concernant son enfance constituent à mon avis les moments forts de ce livre. Cet homme génial, si sensible, souvent arrogant, sans cesse en quête d'amour et de reconnaissance, obsédé par la sexualité, marié six fois, se confie avec simplicité et humour. Enfant, il s'évertue à mentir et à jouer la comédie pour échapper aux punitions les plus dures de la part de parents autoritaires.
Voici quelques extraits de ces pages consacrées à son enfance suédoise qui remonte à 1925 environ.


«La plus grande partie de notre éducation était basée sur des concepts tels que le péché, l'aveu, la punition, le pardon et la grâce. Ces mots ponctuaient les relations entre enfants et parents d'une part, les parents et Dieu de l'autre. Cette structure portait en elle une logique que nous acceptions et que nous pensions avoir intégrée.
Les punitions étaient quelque chose de normal, que nous ne discutions jamais. Elles pouvaient être rapides et simples, par exemple, des gifles ou fessées, mais elles pouvaient aussi être plus subtiles et avoir subi quelques raffinements à travers les années.
Si mon frère faisait pipi dans ses culottes, ce qui arrivait souvent, il devait porter pendant le restant de la journée une jupe courte de couleur rouge. On considérait cela comme une punition banale et innofensive.
Des bêtises plus graves étaient punies d'une manière exemplaire: cela commençait par la découverte du méfait. Le fautif avouait sa bêtise à une instance mineure (la bonne, ma mère, ou une autre femme présente dans la maison), puis suivait une mise à ban. Personne n'avait le droit de vous parler. Ceci devait sans doute, comme je le compris plus tard, permettre au coupable d'attendre avec patience la punition ou le pardon. Après le dîner et le café (vers 18 heures) les parties incriminées étaient appelées à se rendre dans le bureau de mon père. Là se succédaient de nouveaux interrogatoires et de nouveaux aveux. Puis on allait chercher la tapette, et celui qui était puni devait indiquer combien de coups il pensait avoir mérité. Lorsque le nombre était décidé, on nous baissait pantalons et culottes et on nous couchait sur le ventre. Quelqu'un tenait la nuque de la «victime», et les coups partaient.
Je ne peux pas dire que cela faisait très mal, c'était plutôt un rituel et la
honte qui faisaient mal. Après que les coups étaient administrés, on devait embrasser la main de mon père, puis le pardon nous était accordé. Nous étions obligés évidemment d'aller au lit sans avoir eu droit au souper ni à la lecture du soir. Mais le soulagement était énorme.
Il existait en plus une sorte de punition spontanée et fréquente, qui pouvait être très désagréable pour un enfant qui avait peur du noir. Celle d'être enfermé plus ou moins longtemps dans un cagibi particulier. Alma, la cuisinière racontait que justement dans ce cagibi-là habitait un petit être qui mangeait les orteils des méchants enfants. J'entendais en effet distinctement quelque chose bouger dans le noir, mon angoisse était à son comble chaque fois que je devais entrer dans ce trou. Je ne me souviens pas de ce que je faisais, probablement que j'escaladais les rayons accrochés au mur et me pendais aux crochets pour échapper au mangeur d'orteils. Petit à petit pourtant, cette punition ne m'effraya plus autant, car j'avais trouvé une solution. J'avais caché une lampe de poche qui diffusait de la lumière rouge et verte dans un coin. Lorsqu'on m'enfermait, je retrouvais ma lampe et dirigeais le rayon de lumière vers le mur; je me faisais du cinéma!
D'autres punitions plus banales nous étaient infligées: interdiction d'aller au cinéma (ce qui était tragique pour lngmar), aller au lit sans manger, rester enfermé dans la maison, aider à la cuisine (ce qui n'était pas désagréable).

Maintenant, avec le recul, je comprends les efforts désespérés de mes parents. Une famille de pasteur se doit de vivre comme un modèle de perfection. Non protégés des curieux, car la porte de la maison était toujours ouverte, nous étions la proie des critiques et commentaires des paroissiens. Aussi bien mon père que ma mère étaient des perfectionnistes qui ont certainement commis des erreurs sous cette pression sociale irraisonnée. Mon frère ne réussit pas à se protéger et se révolta. Ma soeur fut aimée d'un amour puissant et possessif par mes deux parents.
Quant à moi, je crois avoir échappé à cette tyrannie en me transformant en un menteur de première catégorie. J'ai créé un personnage extérieur qui avait très peu de rapport avec ma réalité propre, et très longtemps je n'ai pas pu distinguer celui que je créais de celui que j'étais véritablement. Ceci eut des conséquences indéniables sur ma vie d'adulte et d'artiste.
Quelquefois je me console en me disant que celui qui a vécu dans le
mensonge aime la vérité.»









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève