
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
L'indispensable
Qu'est-ce que le minimum vital, en définitive? Je ne pense pas précisément à celui dont parlent les économistes. Mais le minimum vital tout court. C'est à-dire, ce qui est indispensable à la vie.
C'est une question qui s'impose à moi chaque été. Car c'est au moment des vacances que je suis le plus frappée par le volume, le nombre et le poids des choses jugées nécessaires par ceux qui quittent leur point d'attache habituel.
Nous ne sommes pas fondamentalement différents, pendant les vacances et le reste de l'année. Peut-être bien que ce que nous appelons indispensable à ce moment est assez significatif de notre attitude générale, non seulement à l'égard des loisirs, mais de la vie.
L'indispensable ? C'est fou ce que ça peut varier d'un individu à l'autre! L'un part avec les vêtements qu'il a sur le dos et les chaussures qu'il a aux pieds, en se disant: on verra bien, je me débrouillerai, je m'adapterai. L'autre ne peut quitter la maison sans emporter un assortiment complet de chemises, de pulls de différentes épaisseurs, de chaussures pour tous les usages, de moyens de protection contre toutes les sortes d'intempéries. Il lui faut des livres, des jumelles, une pharmacie, car il craint le désÅ“uvrement, l'imprévu, les accidents.
Le caractère, l'attrait de l'aventure ou la peur de l'inconnu jouent certainement un rôle qu'on ne peut sous estimer. L'âge et les conditions de santé aussi. De même que les circonstances particulières: un célibataire robuste, aguerri ne s'équipe pas de la même façon qu'une femme fragile accompagnée de petits enfants. Et pourtant ! Au même âge, et avec le même «statut», j'ai vu une famille de sept s'entasser dans une «2 CV» avec tous les bagages (vous imaginez la place qui reste entre ces quatorze bras et ces quatorze jambes) et passer des semaines heureuses sur les routes de France. Alors qu'une jeune femme frôlait dernièrement la crise de désespoir parce que son mari, ayant casé cinq valises, le berceau, la poussette et la baignoire de leur unique enfant, refusait d'ajouter encore l'aspirateur et la sacro-sainte cocotte-minute.
L'indispensable, dans notre civilisation occidentale, c'est quoi, au juste? Est-ce tout ce qui assure le confort, protège des imprévus, maintient dans la tiédeur de l'ordre connu? Ou est-ce ce qui stimule la vie?
Dans son livre Le Temps des Alibis, Marc Oraison promène son bistouri de psychanalyste au cÅ“ur des multiples alibis que la société et les individus se forgent afin de se cacher les vraies questions. En relisant le chapitre qu'il consacre à «l'alibi de l'expansion », j'ai relevé ces lignes: «Stopper l'expansion. Arrêter la ronde infernale, ou du moins la ralentir considérablement, pour pouvoir vivre, sinon même survivre. Il faudrait que tous les hommes renoncent à avoir une voiture plus puissante, plus rapide, plus confortable que celle des autres. Il faudrait que toutes les femmes renoncent à avoir une machine à laver ou un détergent plus efficace que ceux de ses voisines. Il faudrait que disparaisse cette émulation apparemment positive, mais en fait si souvent sordide, du toujours mieux vivre et du mieux que les autres».
Au lieu d'amonceler toujours plus d'objets réputés indispensables, avant de mourir ensevelis sous les déchets accumulés, à la place de se fatiguer à s'inventer des alibis, ne pourrions-nous pas consacrer les vacances ou le temps libre de l'année à nous poser les vraies questions?
Les vraies questions, qui appellent des réponses authentiques.
Et pour commencer, celle-ci: «De quoi suis-je capable de me passer?» Se passer des choses fortifie l'individu, l'entraîne à plus de souplesse, développe son ingéniosité et son adaptabilité.
Contrairement à ce que suggèrent la publicité et l'esprit de compétition, ce n'est pas la possession d'un matériel toujours plus perfectionné qui fait vivre. C'est la capacité de refuser cette nouvelle forme d'esclavage.
|
|
|