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L'adolescente
L'adolescence est la période que traverse la fillette pour devenir jeune fille ; elle s'étend en général de la onzième à la quatorzième ou quinzième année. Des transformations profondes s'effectuent dans tout l'organisme ; mais la crise principale de l'adolescence n'est pas seulement une crise physique, elle est sui-tout une crise psychique dont le cerveau et la conscience sont le siège.
L'adolescence est l'époque des découvertes, des grands enthousiasmes, des emportements, de la confiance en soi et en la vie, mais celle aussi des timidités, de la réserve, de la pudeur. C'est l'époque où l'on s'attache aux grands idéaux, où l'on a soif de vérité, celle des rêveries romanesques, des châteaux en Espagne et des rêves fous. C'est l'âge des amitiés passionnées, des confidences que l'on se chuchoté à l'oreille, avec promesse de ne pas les dévoiler ailleurs. C'est l'âge encore où s'éveille la vie sexuelle, où l'amitié et la franche camaraderie dégénèrent souvent en «flirt». C'est l'âge enfin où se dessinent les vocations, où s'éveille l'altruisme, où la jeune fille grandit à la vie religieuse.
L'hygiène corporelle a une grande influence sur l'état mental de la jeune fille; il lui faut un régime alimentaire sobre, une nourriture peu épicée, facilement digestible et contenant peu de viande. Il importe surtout que le repas du soir soit léger et frugal pour que le sommeil ne soit pas troublé par une digestion difficile.
Les boissons alcooliques jouent un rôle néfaste dans la genèse des troubles de caractère chez les jeunes gens, il ne s'agit donc pas ici de modération mais d'abstinence totale.
La fumée, elle aussi, est une habitude nuisible contre laquelle on ne lutte pas assez. S'il est déjà regrettable de voir un garçon de 14 ans se mettre à fumer, combien plus encore une jeune fille.
L'exercice physique est nécessaire à la santé morale de l'adolescente; les sages et lentes promenades ne leur suffisent pas. A cette époque où l'on n'est déjà que
trop disposé à la sentimentalité vague, aux tentations de la sensualité, l'exercice corporel est indispensable. Il ne faut rien négliger pour assurer aux jeunes filles à côté de leurs occupations journalières, une heure au moins de gymnastique ou de jeux en plein air.
Le vêtement doit être hygiénique ; il va de pair avec l'exercice physique. Certes le costume féminin est devenu moins gênant qu'autrefois ; il laisse plus de liberté tu corps, mais l'empire de la mode est encore trop grand. On veut à tout prix s'amincir, effacer les formes du corps et l'on va pour cela jusqu'à ne plus manger à sa faim et même à absorber des drogues réputées amaigrissantes. 0n réduit le costume à son strict minimum, on enlève par en haut, on coupe par en bas, on iiiiincit les dessous, si bien qu'il ne reste souvent que fort peu de chose. Cette exagération peut devenir dangereuse.
Le travail de l'adolescente doit être réglé par une saine hygiène. Il importe que la jeune fille aie dans sa vie une occupation centrale autour de laquelle elle organise ses journées, que ce soit l'étude en classe ou une occupation bien déterminée à la maison. Il est évident que si le travail est une loi nécessaire, il peut devenir nuisible lorsqu'on en abuse. Le surmenage peut faire grand tort à l'adolescente; plus l'occupation exige d'attention, d'effort, de tension nerveuse, plus elle devra être entrecoupée de moments de repos et de détente.
Il y a enfin une hygiène du repos qu'il faut bien régler : huit à neuf heures de sommeil au minimum par nuit - sommeil continu sans cauchemars. Autant que possible exiger que le coucher se fasse tôt et le lever de même, le sommeil avant minuit étant plus profitable que celui de la seconde partie de la nuit. Ne pas tolérer les longues stations au lit après le réveil, elles favorisent les rêveries, la sensualité et la paresse.
L'imagination joue un grand rôle chez l'adolescente, même chez l'adolescente normale. Cette faculté qui embellit et facilite la vie si elle est bien conduite, peut aussi, livrée à elle-même, être dangereuse et mener à des troubles parfois si prononcés qu'ils nécessitent les conseils d'un docteur spécialiste. Cette griserie de l'imagination, qui va de simples projets chimériques, de l'incarnation d'un héros de roman à l'oubli de l'existence réelle et même jusqu'à la dissociation de la personnalité, cette rêverie vague développe dangereusement la sentimentalité, enlève à la jeune fille l'habitude de raisonner clairement et objectivement, et conduit facilement aux névroses et au mécontentement.
La culture intellectuelle, spécialement l'étude des mathématiques et des sciences naturelles constituent une digue solide contre les débordements de l'imagination. De plus, elles développent le don d'observation, disciplinent l'esprit, stimulent la pensée et servent de contre-poids à l'affectivité souvent exagérée de la jeune fille. En fortifiant ainsi chez elle le sentiment de la vérité et de la droiture, en l'habituant à se tenir toujours près de la réalité dans ses affirmations et à ne pas dépasser les faits, on parviendra à empêcher la sensibilité de se perdre en des rêves fous ou de se fausser; on la canalisera dans la réalité où elle trouvera un merveilleux champ d'exercice.
Les spectacles de théâtre ou de cinéma, les images les récits d'aventures l'impressionnent vivement. Il faut préserver ces jeunes cerveaux et ces sens qui s'éveillent de ce qui pourrait les exciter trop, scènes passionnelles ou brutales, films et drames sanglants, images licencieuses, romans niais ou malpropres. Evidemment, il ne s'agit pas d'intervenir par des mesures restrictives tracassières dans la vie de la jeune fille. Par des interdictions brutales et absolues, on risque au contraire de susciter une curiosité malsaine et de donner à ce que l'on interdit un attrait de plus. « On ne détruit que ce qu'on remplace » dit justement la sagesse populaire. Pour éloigner avec sûreté la jeune fille de spectacles choquants, il faut lui procurer l'occasion d'en voir de beaux auxquels elle trouve du plaisir, belles pièces de théâtre, concerts, visites de musées et d'expositions, excursions, visites d'institutions sociales. Ainsi dérivée vers l'utile et le beau l'excessive sensibilité de la jeune fille contribuera à son développement psychique harmonieusement.
Si l'abus d'impressions fortes amène prématurément le vide dans l'existence, le manque d'impressions variées et élevées conduit aussi à l'indifférence et à l'ennui. C'est ce qui arrive parfois lorsque la jeune fille mène une vie trop sédentaire et monotone, loin des distractions naturelles à son âge, ou, lorsque sa vie est trop absorbée par des soucis de famille, la nécessité de se vouer aux besognes matérielles du ménage qui ne lui laissent pas un moment de loisir.
Il est également utile d'implanter dans le cÅ“ur de la jeune fille le sentiment de la dignité de la femme. A côté du héros masculin que l'on a trop tendance à idéaliser, il faut lui dépeindre les femmes héroïques, insister sur l'héroïsme obscur des mères qui élèvent de nombreuses familles, lui apprendre que la femme est l'égale de l'homme et non pas une sujette, bonne seulement à être un jouet docile et soumis. En donnant à la jeune fille le sentiment de la dignité, on l'empêche de se laisser aller à l'exaltation amoureuse, stérile et décevante, on la garde de l'abaissement et du sensualisme. Le respect de soi-même est une force solide qui préserve du découragement et de la corruption.
Les trésors d'affectivité que contiennent le cÅ“ur de l'adolescente ne doivent pas être gaspillés - comme il arrive souvent - dans des manifestations désordonnées et pathologiques d'amitié exagérée pour une compagne, une institutrice ; d'adulation pour un personnage historique ou pour une personne idéalisée que l'on met sur un piédestal afin de mieux lui offrir un culte. Pour dériver ce trop plein affectif, l'intérêt social et l'intérêt religieux sont de précieux auxiliaires.
C'est un désir normal des jeunes que celui de perfectionner et de transformer le monde. Il est de belles causes auxquelles la jeune fille peut s'attacher si on l'habitue à ouvrir les yeux sur les misères et les souffrances qui l'entourent. En faisant d'elle un ardent défenseur du respect de la femme partout où elle est offensée, du droit de l'enfant à la santé et à la joie, du bonheur de la famille, les éducateurs l'aideront à donner plein essor à ses merveilleuses ressources d'affection et de dévouement.
Le sentiment religieux enfin, est, chez la jeune fille une ressource précieuse trop souvent inemployée. La religion est avant tout vie pratique et non seulement croyance à certains dogmes. Peu importe l'étiquette que l'on affiche, l'essentiel c'est de vivre une vie tout entière tournée vers les autres.
Le rôle du pédagogue est de faire comprendre aux jeunes que nous ne vivons qu'en raison de ceux qui nous entourent, que notre but ici-bis est le dévouement, la compréhension, l'abnégation, le don de soi… l'amour.
C'est décupler le rendement d'une vie que de mettre à sa base des convictions religieuses solides qui orientent tout l'individu vers ses semblables et le font marcher dans la vie avec joie et confiance.
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