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Comment faire envisager le mariage (1)
Déjà pendant l'adolescence, mais plus encore lorsqu'elle est adulte, la jeune fille pense au mariage, elle le considère en rêvant, puis peu à peu l'idéal se précise…, et finit par prendre corps le jour où la femme répond affirmativement à celui qui la choisit comme compagne de sa vie.
Il est alors presque toujours trop tard pour chercher à influencer son choix, d'autant plus qu'aujourd'hui les parents se trouvent le plus souvent devant un fait accompli et n'ont connaissance des fiançailles que lorsque celles-ci leurs sont communiquées par les intéressés eux-mêmes. Toute l'influence des parents doit donc s'exercer avant que le choix de leur enfant soit fixé ; par leurs paroles et leur exemple ils auront dû donner du mariage un idéal tel, que certaines unions soient, par elles-mêmes, inacceptables pour leurs enfants.
Comment agir? Que dire et que faire ?
Beaucoup de jeunes filles considèrent le mariage comme une fin (fin des soucis, fin de la tutelle de la famille, fin du travail de l'atelier, fin de la solitude), et ne se rendent pas compte qu'il est bien plutôt le commencement des soucis et des responsabilités. Faisons leur comprendre que le mariage est une adaptation : d'un sexe à l'autre, d'un individu à l'autre, et que si profond que soit l'amour qui les unit, un homme et une femme devront toujours s'adapter l'un à l'autre.
L'homme et la femme sont profondément différents ; aucun n'est supérieur à l'autre ; ils se complètent; de la femme à l'homme on ne raisonne pas par analogie; il faut partir d'une base différente. Différents dans leur manière de comprendre les phénomènes, d'envisager les questions, différents surtout dans leur manière de sentir (et trop dejeunes filles méconnaissent cette différence), il serait injuste d'attendre de l'homme et de la femme les mêmes réaction devant un phénomène donné. A ces différences générales, s'ajoutent dans tout mariage des différences spéciales qui rendent l'adaptation nécessaire : différences d'éducation, de milieu, de tradition., etc. Il faut donc étudier son mari ou sa femme, pour s'adapter à lui, or toute adaptation suppose des renonceements et des sacrifices.
Cela veut-il dire que l'un des deux époux devra toujours et partout céder, ne jamais (soi-disant par gain de paix) faire prévaloir son opinion ? Certes pas. Mais les décisions seront prises d'un commun accord.
Le mariage constitue la plus lourde des responsabilités et il faut le faire envisager sous cet angle, à l'âge où jeunes gens et jeunes filles l'envisagent bien plutôt comme une satisfaction personnelle.
Responsabilité envers ses enfants. Ils n'ont pas demandé à naître, et leurs parents leur doivent donc de les mettre au monde dans les meilleures conditions possibles. Il faut parler à nos enfants du danger de certaines hérédités (alcoolisme, débauche); leur montrer quel impérieux devoir il y a pour tout père ou toute mère futurs à se faire une bonne santé et un bon système nerveux; initier de bonne heure nos fils et nos filles à leur tâche de parents en les habituant à prendre soin de leurs cadets et en les associant à nos préoccupations d'éducateurs.
Responsabilité envers son mari ou sa femme. Elles sont d'ordre divers :
Responsabilités matérielles; à la femme incombe le plus souvent l'administration du ménage, au mari l'entretien de celui-ci. Trop souvent la femme mésestime le travail de son mari, trouvant tout naturel qu'il apporte son gain; il lui serait salutaire de se livrer à un petit calcul exact lui permettant de se rendre compte combien d'heures du travail de son mari représente l'achat d'une robe, la nourriture journalière, etc. ; d'autre part il arrive souvent que le mari ne se rende pas compte de l'intelligence, de l'ingéniosité, de la patience, de l'effort que représente le travail ménager de sa femme. «Tu te fatigues trop » disait une jeune femme à son mari, «Comment pourais-je gagner quelque chose ? » « Je gagne, c'est vrai, répondit le jeune homme avec une immense tendresse, je gagne, mais toi tu économises ». Heureux le ménage où la tâche, ainsi partagée est également comprise et estimée.
Responsabilité intellectuelle ; il peut arriver que la femme, absorbée par son travail matériel et par l'occupation immédiate que lui donnent les enfants, n'ait ni le loisir ni la force de s'intéresser à autre chose elle n'est pas pour son mari la compagne intellectuelle dont il aurait besoin. Ne pourrait-elle apprendre, pendant qu'elle est jeune fille, à bien organiser son travail ? Si souvent, en y mettant un peu d'intelligence on arrive à économiser quelques minutes ici ou là, qui vous permettraient sinon de lire beaucoup (il y a toujours tant de racommodages !) au moins de penser un peu. Rien n'est triste comme un foyer où l'on ne s'intéresse qu'aux affaires matérielles.
Responsabilités morales et religieuses ; si chacun des deux époux ne cultive pas sa vie morale personnelle, la vie morale collective sombrera, si l'un ou l'autre se permet de petites on de grandes infidélités dans sa vie morale privée (honnêteté en affaires, bonté envers ses collaborateurs, etc.), tout l'état moral du foyer s'abaissera.
Au point de vue religieux il en est de même. Il peut y avoir un danger à ce que l'un des époux vive de la vie religieuse de l'autre et oublie de cultiver la sienne propre. Rendons nos enfants attentifs à l'immense importance de la communauté de vie religieuse. Dans la relation conjugale la religion unit ou divise, elle ne laisse pas indifférent. Il est impossible qu'un être humain pour lequel l'expérience religieuse est l'élément fondamental de la vie, puisse être pleinement heureux avec un être qui ignore cette expérience.
Enfin responsabilités envers la Société. Tout foyer qui n'est pas épanouissant, équilibré, ne donne pas à la société ce qu'elle est en droit d'attendre ; par contre il y a des foyers vivifiants, pour avoir franchi leur seuil, ne fût-ce qu'une fois, nous en avons été illuminés ; pour avoir été admis dans leur intimité nous en avons été meilleurs.
Le bonheur conjugal est un privilège. Le bonheur conjugal peut aussi être un égoïsme à deux, il peut vous obscurcir la vue et durcir votre ouïe ; bien au chaud dans le petit «home» douillet, aux portes bien closes vous pouvez ne plus entendre - ou ne plus vouloir entendre - les appels de la souffrance et de la solitude des autres; et c'est là la grande tentation des ménages heureux. Or au contraire, le bonheur peut être une occasion de service; il peut être un tremplin; votre bonheur peut affiner votre sensibilité et votre pouvoir de sympathie.
Si le mariage est une telle responsabilité, il faut bien connaître celui ou celle auquel on se confie. Mais même alors il ne faut pas croire que l'amour, pour profond qu'il soit, suffira, et que parce qu'on aime tout ira tout seul.
Tout dépendra comment l'on s'aime. L'amour conjugal est un sentiment trop complexe pour pouvoir être exactement défini; on peut y faire rentrer plusieurs éléments, tous indispensables et tous légitimes: attrait des sexes, amour maternel, dévouement, confiance, estime, etc. ; ce qui fait toute la valeur de l'amour c'est la proportion relative de ces éléments. Parmi eux, il en est un d'importance primordiale c'est l'estime; il doit être à la base de l'amour vrai.
Cet amour, comme tout ce qui vit et se transforme doit être entretenu, cultivé. Enseignons à nos enfants que l'amour se cultive par les égards, les prévenances, les attentions; disons-leur que les petites choses le tuent plus sûrement que les grandes; on pardonnera plus facilement une explosion de colère qu'un perpétuel désordre ou de continuelles inexactitudes; il faut cultiver l'art de prendre les choses du bon côté, apprendre à aimer afin de ne pas être décontenancé et énervé par tout ce que la vie de famille entraîne d'imprévisible.
Bien souvent la jeune fille est portée à isoler son fiancé, et à le considérer indépendamment de sa famille de sa carrière, de son milieu. Cette attitude peut ruiner son bonheur. Il faut que nos enfants se rendent compte qu'en entrant dans une famille nouvelle, ils contractent des devoirs envers cette famille, qui leur donne l'être qui leur est le plus précieux au monde. Même en ne se plaçant que sur un terrain de pure justice, on doit à sa belle-famille de la reconnaissance. Si on « épouse la famille » de son mari, on « épouse aussi la carrière de son mari » avec toutes ses exigences, ses limitations, ses déformations et ses conséquences. Il faut voir les choses comme elles sont et non pas comme elles ne peuvent pas être, et c'est avant le mariage qu'il faut penser à tout cela. Enfin, il est toujours triste de voir un mari ou une femme ne pas admettre joyeusement à son foyer les amis de l'un ou de l'autre.
Un mot encore sur le bonheur conjugal, car il ne faudrait pas faire envisager le mariage uniquement comme une responsabilité. Rien ne vaut l'exemple dans ce domaine ; nos enfants auront beaucoup de peine à croire à la beauté et à la joie du mariage s'ils vivent dans un foyer morne, triste ou maussade. Ils considèreront alors le mariage - et n'importe quel mariage - comme le seul moyen de sortir de leur foyer.
Si notre bonheur a été profond, il aura rayonné sur nos enfants, et sans que nous ayons besoin de leur en parler, ils auront le désir d'être heureux « comme nous ».
A nous de leur faire concevoir le bonheur comme un service, non pas de l'un au profit de l'autre, mais de tous deux ensemble pour le Père et pour les frères.
(1) Résumé d'un travail présenté à l'Union Chrétienne de jeunes Filles de Genève.
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