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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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Entêtement et bouderie

«…L'entêtement et la bouderie… ont ceci de commun d'être une sympathie manquée… L'entêtement est un refus de sympathiser avec autrui. Ce n'est pas ainsi qu'il apparaît à première vue et on le définit d'ordinaire autrement, à savoir une obstination stupide, une volonté butée. Son caractère le plus saillant, c'est en effet la sottise dont il fait preuve, on pourrait dire : qu'il affecte. Le têtu se refusera, par exemple, à faire une chose simple, aisée, raisonnable et qu'il sent telle, qui ne lui déplaît pas, souvent même dont il a envie, et cela sans raison, contre toute raison, simplement parce qu'il s'est mis en tête de ne pas la faire. …Tout ce qu'on tente pour le ramener à d'autres sentiments est vain : plus sa volonté est déraisonnable, plus il s'y enferme et s'y obstine…

«L'entêtement, quand il revêt la forme verbale, est l'opiniâtreté à soutenir une opinion contre toute apparence, contre toute bonne foi. Vrai, sincère pour tout le reste, ou ne l'est plus quand il s'agit de maintenir une affirmation lancée souvent à la légère, ou de repousser un reproche. On consent à être absurde plutôt que d'avouer qu'on a tort. On ne veut que tenir tête, ne pas céder. Circonstance aggravante : l'entêtement se produit… à propos de bagatelles, de choses qu'on juge insignifiantes… comme la couleur d'une étoffe, l'orthographe d'un mot, etc… Autrement dit, le têtu ne veut qu'affirmer son moi. C'est par là que l'entêtement est un refus de sympathiser avec autrui, lorsque sympathiser avec autrui serait renoncer à soi-même, abdiquer sa volonté, subir une volonté étrangère. L'entêtement, qui paraît n'avoir pas de cause, a cette cause et n'en a pas d'autre. …Il est sans doute déraisonnable, mais il n'est pas absurde. Il rentre dans l'amour de l'indépendance, il est une réaction spontanée de la volonté contre tout ce qui tend à l'asservir.

«Cet amour de l'indépendance est un sentiment primitif inné. Il se manifeste dans le premier mot qui sort de la bouche des tout petits : non, dans leur premier geste, ce dodelinement de la tête qui veut dire aussi : non. Ce qui plait à l'enfant, c'est d'être son maître. On provoque chez lui des révoltes violentes quand on se met en travers de sa volonté, qu'on l'arrache à son jeu, à son occupation présente… Une enfant douce, mais lente dans ses mouvements et musarde, montait un escalier; son père la presse d'aller plus vite et comme elle n'en faisait rien, il la prend dans ses bras et la dépose au haut des marches ; d'un air de dignité offensée, elle redescend celles qu'on l'a empêché de gravir et les remonte posément à son pas…

« L'entêté est celui qui tient avant tout à être l'auteur de sa volonté, qui tient à cela beaucoup plus qu' à la chose même qu'il veut… C'est pour cela que la sympathie avec les autres lui est souvent difficile non qu'il ait des sentiments personnels, égoïstes, encore moins hostiles, anti-sociaux., mais parce qu'il met à la sociabilité ou à la sympathie cette condition expresse qu'elle vienne de lui et qu'on ne le presse pas de la témoigner, qu'on lui laisse le choix du moment et de la façon de la témoigner : il se hérisse, il se ferme, si sa liberté, sous ce rapport, n'est pas respectée.

« D'après cela, on voit comment on devra se conduire avec l'entêté. Il serait vain de vouloir forcer sa volonté, de la heurter de front, de prétendre la réduire, le mater, de lui opposer une volonté contraire, de le contrarier. » Il faut éviter - et ce n'est pas toujours facile - de rivaliser d'entêtement avec lui, renoncer à la satisfaction puérile d'avoir le dernier mot ou d'imposer notre conviction en nous retranchant derrière notre autorité. Souvent le silence est plus éloquent que de longs discours. On évite ainsi ces interminables discussions, si fréquentes dans certaines familles (Cf. la Famille Fatigue dépeinte d'une façon si amusante par T. Combe dans une de ses brochures).

Mais l'entêtement ne se manifeste pas en paroles seulement. Comment s'y prendre avec un enfant qui s'obstine à commettre une action déraisonnable, ou qui, au contraire, se refuse à exécuter l'ordre le plus simple ? Faut-il, sous prétexte de respecter sa volonté, céder à tous ses caprices ? Non certes, se serait lui rendre un très mauvais service. La grande majorité des conflits qui naissent dans les familles ont leur source dans le manque de fermeté des parents. N'ordonner, ne défendre que le moins de choses possible, mais se montrer inébranlable, c'est en cela que consiste, dans une grande mesure l'art de l'éducation. Il faut aussi une bonne dose de psychologie et de tact pour éviter de provoquer la contradiction quand on a affaire à certaines natures ombrageuses : l'enjouement et l'humour réussissent souvent très bien.

Mais la grande affaire, c'est de créer autour des enfants une atmosphère de confiance. Qu'ils ne puissent jamais voir en nous des despotes qui imposent leur volonté au gré de leur fantaisie ou des êtres faibles et versatiles dont on peut fléchir la résistance à force de prières ou de cajoleries. Qu'ils sentent, au contraire, que nous obéissons, nous aussi, à une loi qui nous dépasse, et que nous nous montrons au moins aussi exigeants vis-à-vis de nous mêmes que vis-à-vis d'eux. Ne craignons pas de leur expliquer, à l'occasion, le pourquoi de notre conduite (sans pour cela tolérer de leur part des ergotages constants), et demandons-leur même leur avis (ceci ne s'applique pas à de très jeunes enfants). Ainsi se créera entre nous et eux un esprit d'entente et de collaboration qui, s'il ne supprime pas tous les conflits, les rendra plus rares et plus faciles à aplanir.

Une des formes les plus graves de l'entêtement est l'incapacité à reconnaître ses torts. Que de disputes ayant une cause insignifiante se sont envenimées et ont laissé des traces indélébiles, parce qu'on n'a pas su prononcer la petite parole magique : « J'ai eu tort, excusez-moi. » Il y a des enfants, des adultes aussi, qui ne peuvent se décider à un aveu semblable. Comment l'obtenir ? vouloir l'exiger, dire à un enfant, par exemple, qu'il ne rentrera pas en grâce avant d'avoir demandé pardon, c'est faire fausse route. On risque de se heurter à une résistance opiniâtre ou de n'obtenir qu'une vaine formule prononcée du bout des lèvres et par conséquent sans valeur. La contrainte ne peut produire un repentir véritable : la colère non plus. Attendons d'être assez maître de nous pour pouvoir parler tranquillement et avec affection à l'enfant que nous voudrions faire rentrer en lui-même. Donnons lui l'exemple et sachons, quand il y a lieu, reconnaître franchement nos torts : c'est encore le meilleur moyen de l'amener à en faire autant.

«Ce que nous avons dit de l'entêtement s'applique, mutatis mutandis, à un sentiment voisin : la bouderie… La bouderie est un élément de l'entêtement; elle s'y joint et parait se confondre avec lui… Cependant… ils n'ont pas les mêmes caractères… l'entêtement est défensif, la bouderie est agressive. Le têtu se défend de sympathiser avec les autres pour défendre sa liberté contre eux. Le boudeur entre en lutte avec les autres ; il ne refuse pas seulement d'entrer dans leurs sentiments, il veut encore leur imposer les siens, il éprouve le besoin de les dominer… Tandis que l'entêtement est une sorte de neutralité affective, le têtu se refusant à partager les sentiments des autres, mais ne prétendant pas leur imposer les siens, la bouderie est une guerre déclarée, une hostilité affective, le boudeur voulant mécontenter les autres, les faire souffrir par son attitude, les faire sortir du calme ou de l'indifférence où ils voudraient rester par rapport à lui. »

L'entêtement est l'envers d'une qualité, l'exagération et la déformation d'un sentiment légitime : le besoin d'indépendance. La bouderie, par contre, est un défaut pur et simple, et un très vilain défaut dont il importe de se corriger avant qu'il ait poussé des racines trop profondes. Je ne parle pas de cette tendance à grogner que l'on constate souvent chez de très jeunes enfants et qui provient d'un fâcheux état de santé. J'ai connu un petit garçon très grognon qui souffrait d'une entérite chronique. Maintenant qu'il est devenu grand et que sa santé est bonne, il a un caractère particulièrement aimable et gai. Mais il y a des natures chagrines, toujours portées à voir le mauvais côté des choses et qui rendent la vie insupportable à leur entourage, il serait vain de le nier. L'origine de leur mal me semble être une hypertrophie du moi. Cette préoccupation constante des égards qui leur sont dûs engendre forcément chez elles des froissements d'amour-propre qui dégénèrent bien vite en bouderie. Les fillettes donnent plus souvent dans ce travers que les garçons, il faut le reconnaître. (Qu'on se rappelle les pages charmantes de Philippe Monnier dans le « Livre de Blaise » Pourquoi Griolet n'aime pas les filles).

Comment lutter contre ce défaut? D'abord en résistant à la contagion de la maussaderie, en lui opposant une bonne humeur inlassable. Mais cela ne suffit pas. Puisque la bouderie a sa source dans une trop grande préoccupation de soi, il faut bien se garder d'avoir l'air d'attacher une importance excessive aux accès de mauvaise humeur des enfants. Ignorons-les autant que possible. Si cela ne se peut pas, si leur maussaderie projette une ombre par trop noire sur la vie de famille, prions-les de s'éloigner jusqu'à ce que la crise ait passé ; mais évitons de les gronder et d'aggraver le mal en attirant l'attention sur eux. Je sais une maman qui, lorsqu'elle voyait sa fillette commencer une scène de « grogne », lui disait d'un ton enjoué : je te « permets » d'aller grogner dans cette chambre, où tu ne gêneras personne. Quand l'enfant se voyait seule, elle ne profitait pas longtemps de la permission si gracieusement octroyée, et cela coupait court le plus souvent à une scène qui aurait risqué de se prolonger si l'enfant avait eu quelqu'un sur qui déverser sa mauvaise humeur. Cette façon de procéder présente le double avantage de procurer au petit boudeur un isolement salutaire et de préserver son entourage de la contagion et du désagrément de son humeur maussade. Evidemment, ce n'est qu'un palliatif. Il faudrait aller à la racine du mal et, comme on ne détruit que ce que l'on remplace, tâcher de donner à l'enfant l'occasion de s'intéresser à autrui pour détourner son attention de lui-même. Il va sans dire que ce n'est pas l'oeuvre d'un jour. Il y faut beaucoup de patience et beaucoup d'amour. Mais n'est-ce pas en cela que consiste le secret de l'éducation

Les passages entre guillemets sont tirés d'un article de L. Dugas, dans l'Education.









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