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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Deux âmes héroïques: PESTALOZZI, Mme PIECZYNSKA

Le 17 février 1927, on commémorait dans toute la Suisse et dans bien d'autres lieux le centenaire de la mort de Pestalozzi, cet homme qui fut grand surtout par le cÅ“ur et par le don complet de lui-même. Huit jours plus tôt s'était éteinte à Lausanne une femme d'une noblesse rare, Mme Pieczynska-Reichenbach. Cette coïncidence de dates nous a donné l'idée de consacrer à ces deux personnalités un numéro de notre journal. Ce rapprochement n'a rien d'artificiel: nombreux sont les points de contact entre ces grandes âmes. Générosité, enthousiasme, consécration fervente à un haut idéal, ténacité indomptable à poursuivre cet idéal à travers des difficultés sans nombre, des déconvenues tragiques, des souffrances, des échecs toujours renouvelés ; amour passionné pour les faibles, les petits, les déshérités, tels sont quelques-uns des traits caractéristiques de l'un et de l'autre.

L'Å“uvre de Pestalozzi est un éclatant hommage rendu à la puissance de l'amour.

Quatre fois les écoles qu'il a créées ont dû se fermer par manque d'organisation et de ressources, par la malveillance des hommes, par les révolutions. Qu'importe ces défaites apparentes, des centaines d'enfants ont néanmoins bénéficié de ses enseignements, des visiteurs de tous pays sont venus voir comment il s'y prenait.

«Contre l'énorme somme de mal qui vicie le monde, les remèdes ordinaires sont à peu près inopérants. Le vrai moyen de réduire ce mal, le vrai moyen de sanctifier la vie, c'est l'éducation », écrivait-il.

A une époque où le plus grand nombre des enfants restaient sans éducation et sans instruction, il accueillait sans distinction fille et garçon, pauvre et riche, bien doué et mal doué. Pour tous il était «le père». Il aimait, il était aimé. Il voulait le bonheur de chacun et par ce bonheur une humanité meilleure. L'amour de Pestalozzi n'était ni aveugle, ni faible, il voyait le mal et ne l'acceptait pas.
La lettre, encore inédite en français, que nous publions montre le cas qu'il faisait de l'éducation maternelle et l'importance qu'il y attachait. Elle est tirée d'un volume de lettres adressées à Greaves et rééditées à Zurich à l'occasion du centenaire.

Yverdon, octobre 1818.

Mon cher Greaves,

Notre but essentiel c'est le développement de l'âme de l'enfant, notre moyen essentiel c'est l'action de la mère.
Une très grave question se pose à nous dès le début de nos recherches. La mère est-elle qualifiée pour les devoirs et les tâches que nous voudrions lui imposer ? Je me sens obligé de traiter cette question et si possible d'y donner une réponse pleinement décisive. Je vous prie de donner votre attention à cet objet, car je suis persuadé que si mes opinions coïncident avec les vôtres, vous souscrirez aux conclusions que je tire en me fondant sur mon expérience.
Oui, je me plais à le dire : la mère est qualifiée, son Créateur lui-même l'a qualifiée pour devenir l'agent le plus important du développement de l'enfant. Elle nourrit déjà dans son cÅ“ur les vÅ“ux les plus ardents pour son bonheur; et quelle force pourrait être plus riche en influence, plus stimulante que l'amour maternel, - la plus douce et tout à la fois la plus intrépide des forces dans tout l'ordre de la nature ? Oui, la mère est capable, car la Providence l'a dotée des dispositions qui sont nécessaires à sa tache. Et ici je tiens pour nécessaire d'expliquer quelle est la tâche dont je parle comme étant la sienne propre. Ce n'est point du tout quelque chose qui dépasse son domaine, que je voudrais requérir d'elle, ce n'est pas un certain degré ou une certaine espèce de connaissances, pas non plus ce que l'on appelle couramment une culture «achevée », encore que, s'il se trouve par hasard qu'une mère possède ces connaissances, le jour viendra où elle ouvrira son trésor et où elle y laissera libéralement puiser ses enfants. Au moment dont nous parlons, toutes les connaissances qu'elle aurait pu acquérir par l'éducation la plus complète ne faciliteraient pas sa tâche; car ce que je voudrais demander d'elle, c'est seulement… un amour réfléchi. Je mets naturellement l'amour en avant comme la première chose nécessaire, comme ce qui viendra toujours de soi-même - quoique peut-être, sous des aspects différents, en des formes multiples.
Et je voudrais en vérité demander à une mère, au nom de tout l'amour qu'elle porte en elle pour ses enfants, de consacrer à la nature de ses devoirs un moment de réflexion tranquille. Je n'ai pas l'intention de l'introduire dans un débat réglé avec art: l'amour maternel courrait le risque de se perdre dans le labyrinthe de la recherche philosophique. Mais il y a dans ses sentiments quelque chose qui peut la faire progresser sans détour et l'amener à la vérité par un court chemin. C'est à cela que je voudrais faire appel. Il ne faut pas nous dissimuler que ses tâches sont légères et lourdes à la fois. J'ose espérer qu'il n'existe pas de mère qui, n'ait trouvé sa plus haute satisfaction à surmonter des obstacles dans ce domaine ; l'ensemble de ses devoirs se révélera à elle graduellement pourvu qu'elle s'en tienne à cette pensée simple et cependant sublime : les enfants sont nés pour l'éternité, et ils m'ont été confiés, à moi précisément, afin que je les élève pour être des enfants de Dieu.
« Mère », aimerais-je lui dire, « mère chargée de responsabilité, regarde autour de toi. Quelle diversité d'efforts, quelle multiplicité de vocations ! Les uns sont agités par une vie fiévreuse ; les autres cherchent le repos dans la retraite. Parmi toutes ces activités qui t'entourent, quelle vocation te paraît la plus solennelle, la plus belle, la plus sainte ? » Sans aucun doute, me répondras-tu, la vocation d'un homme dont la vie est consacrée au progrès spirituel de la nature humaine. Qu'il doit être heureux, celui dont c'est la vocation d'en conduire d'autres au bonheur, à un bonheur éternel. Eh bien! heureuse mère, cette vocation est la tienne. Ne t'effraie pas à cette pensée, ne tremble pas à cette comparaison. Ne crois pas que je t'attribue un rang qui dépasse tes mérites, ne crains pas que les tentations de la vanité puissent être cachées pour toi dans mon affirmation, mais élève ton cÅ“ur dans un sentiment de gratitude envers Celui qui t'a confié une si haute fonction, essaie de te rendre digne de la confiance qu'il a mise en toi. Ne parle pas des lacunes de tes connaissances, - l'Amour les remplira; des limites de tes ressources - la Providence les élargira; de la faiblesse de ta volonté - l'Esprit de force lui-même la renforcera. Elève tes regards vers cet Esprit, pour tout ce que tu sens te Manquer, et en particulier pour ces deux choses sublimes et essentielles, le courage et l'humilité.(1)

PESTALOZZI.


Madame Pieczynska.

Emma Reichenbach était née à Paris en 1854. Bernoise d'origine, elle resta orpheline de bonne heure et vint à Genève pour son éducation. Dans un élan d'enthousiasme pour la Pologne opprimée, elle épousa à l'âge de 18 ans le noble polonais dont elle porta désormais le nom. Elle vécut dix ans dans sa nouvelle patrie, entourée du luxe d'une demeure patricienne mais toute dévouée aux paysans de son vaste domaine, bravant les rigueurs de la police pour leur enseigner à lire et à écrire dans leur langue.

Elle rentra en Suisse, après quelques voyages et séjours à l'étranger. Puis, à 35 ans et à une époque où les femmes n'étaient pas encore nombreuses dans nos facultés, elle entreprit à Genève des études de médecine. Elle allait les couronner à Berne par la soutenance de sa thèse, quand elle fut frappée par une terrible épreuve: elle perdit l'ouïe. Et c'est à ce moment-là que commence sa carrière sociale. Elle trouve à Berne, en Mlle Hélène de Mülinen une amie capable de s'associer à ses aspirations sociales. Elles s'établissent ensemble à la Wegmühle; ce foyer ne devait se fermer qu'en 1924 à la mort de Mlle de Mülinen.

L'Ecole de la pureté fut en 1896 une des premières publications de Mme Pieczynska. Ce livre n'a pas été dépassé. La précision de la science s'y unit non seulement à un tact parfait mais à une poésie puisée aux sources du plus haut idéal.

Dans un domaine voisin Mme Pieczynska fut un fervent apôtre de la coéducation et de la fraternité entre les sexes (c'est le titre d'un de ses opuscules). Toutes les grandes causes féminines la comptèrent parmi leurs apôtres.

La Ligue sociale d'acheteurs qu'elle implanta en Suisse en 1906 et dont elle fut l'âme, les assurances, la protection légale de la femme en couches, le travail à domicile, autant de questions auxquelles elle voua une sollicitude éclairée et attentive.

Dans ces dernières années, les questions d'éducation s'étaient imposées à elle. Elle fut successivement à l'origine de la Commission d'éducation nationale des femmes suisses des journées éducatives qui, quatre ans de suite, ont obtenu à Lausanne un succès si réjouissant et qui, à la veille de sa mort, se sont tenues à Neuchâtel ; et d'un effort poursuivi par la parole et par la plume pour l'éducation de l'instinct maternel. L'éducation pour la paix retint également sa pensée.

Et toujours elle élargit le débat; en montant avec elle, on voyait l'horizon s'élargir et les grandes perspectives de la sympathie humaine et de la foi religieuse se déployaient devant vous.

La religion de Mme Pieczynska était au centre même de toute son action sociale. Elle avait été conquise au travers d'une crise très douloureuse; rarement expérience religieuse fut plus vraie, plus profonde et porta dans une vie des fruits plus manifestes et plus savoureux…

Mme Pieczynska laisse parmi nous un sillon lumineux. Aucun de ceux qui l'ont entendue, n'oubliera son message d'idéal et de bonne volonté.

(Extrait dit journal religieux). P. BOVET.


Au cours de sa longue carrière ce qui regarde l'éducation a pris une place toujours plus grande dans les préoccupations de Mme Pieczynska.

Pour que les femmes puissent défendre leurs intéréts éduquons-les.
Pour que les acheteurs ayent une influence sur les producteurs éduquons-les.
Pour avoir de bons citoyens éduquons-les etc., etc.

Et jusqu'à la fin, alors qu'elle était devenue complètement sourde et presque aveugle sa parole et sa plume étaient encore au service de cette cause qui lui tenait si fort à coeur, l'éducation des enfants en vue de leur vocation maternelle et paternelle.

En 1923 Mme Pieczynska prit part aux premières "Journées éducatives" de Lausanne et y prononça une causerie qu'elle nous autorisa à publie sous ce titre : La plus haute des tâches maternelles, comment s'y préparer.(2) Elle s'intéressait à notre modeste feuille et nous nous associons au chagrin de tous ceux qui regardaient à elle comme à une lumière.

Je n'ai pas à prouver aux mères que toute leur vie se rapporte à leurs enfants, que toute leur âme s'emploie et se dépense pour eux, sans trêve et sans relâche; cependant, les meilleures d'entre les mères peuvent-elles jamais avoir été pleinement à la hauteur de leur tâche ? Non, car elle sentent que pour cela il faudrait presque tout savoir, sinon tous les secrets de la science, au moins tous ceux de l'expérience, ceux de la vie, tout ce qui est humain.

En effet, combien ils diffèrent souvent de vous, les enfants que Dieu vous donne ! Et pourtant, pour que la confiance se maintienne, il faut qu'ils se sentent compris, bien plus, devinés. Ne faut-il pas que votre coeur soit éclairé d'une pleine lumière pour suffire à cette mission ? Ce sont les deux sexes - c'est toute l'humanité - que Dieu nous met entre les mains, et ce serait n'être mère qu'à moitié que de borner nos connaissances à ce qui concerne notre sexe. La femme est par devoir tenue de s'initier à la vie des deux sexes, puisqu'elle est chargée de les mettre au monde et de les élever tous les deux…

Pour n'être pas manifestée dans le mariage, la maternité n'en est pas moins du domaine de nos âmes…

C'est par notre maternité que nous sommes partout indispensables. Dans toutes les branches d'activité sociale, il faut des femmes parce qu'il faut des mères et partout où il n'y en a pas le monde est orphelin. C'est donc notre devoir, à toutes d'aspirer à cette maturité de l'âme, et de ne reculer devant aucune des lumières qui contribueront à nous la donner.

(L'Ecole de la pureté).

Les mères parlent-elles quelquefois de l'amour à leurs enfants, leur en décrivent-elles quelque magnifique exemple, alors qu'il en est encore temps avant qu'ils ne soient entrés tête-baissée dans l'expérience vécue ? pourquoi pas n'est-ce pas une belle image à déployer devant de jeunes imaginations ? Et une initiation aussi noble, s'imprimant sur la page blanche, ne la préserverait-elle pas de la souillure, de basses vulgarités ?

C'est dans une révélation semblable de ce qu'est l'Amour que je verrais le remède aux déréglements et aux perversions qui guettent la jeunesse.- L'ambition d'acquérir la maîtrise de soi n'est pas un mobile suffisant. L'aspiration de l'amour n'est pas de se posséder mais de se donner. C'est donc l'idée la plus haute du don de soi qui répondra à l'orientation de l'instinct tout en l'élevant sur un plan qui repousse tout ce qui est ignoble.

Pourquoi les parents ne donnent-ils pas à leurs enfants un aperçu de ce qu'ils ont eux-mêmes de plus sacré?


Comme j'ai été peinée de ce que vous me dites des malheurs qui frappent Mme R… Pour nous, le seul moyen de ne pas succomber sous le poids de tant de douleurs dont nous sommes les témoins, c'est de nous donner, de nous dépenser, de mettre en action la sympathie qui autrement nous accablerait! Alors en donnant, nous recevons de quoi donner, et nous sommes nourris au passage; - et nous sentons obscurément que quelque chose se fait, quelque chose de mystérieux et de bon, dont la portée nous échappe, parce que nous ne sommes qu'un petit chaînon dans une grande chaîne dont Dieu tient le bout… Je suis sûre que les gens comme vous et moi, qui souffrent trop, - et parfois stérilement - des choses de ce monde, n'ont au fond besoin que de se donner davantage, de trouver l'action directe, humaine, vivante, qui assouvirait leur soif et serait le remède à l'amertume de leurs douleurs. Cherchons cette action, écartons les obstacles, aidons-nous à frayer des voies à ce douloureux amour qui est en nous; je crois que c'est le besoin le plus profond de bien des cÅ“urs à l'heure présente…
N'allons pas toutefois laisser s'obscurcir nos joies, nous reprocher les bénédictions qui nous sont échues - ce serait tarir la source des biens que nous voulons partager! - Ah ! non, respirons profondément dans les bonnes heures, aspirons la beauté, la paix, l'harmonie quand elles s'approchent de nous. Vivons le bonheur, aussi pleinement qu'à d'autres heures nous vivons la souffrance - car tout cela nous fait une âme humaine à donner, une âme telle qu'il en faut à nos frères et à nos compagnons de route….

(Extraits de lettres particulières).


(1) Mut und Demut.
(2) Nous avons encore quelques exemplaires de cette brochure au prix de 50 ct. à notre compte de chèque 1.542.
Les journées éducatives auront lieu cette année les 22 et 23 avril. Nous les recommandons vivement. Demander le programme : S.V.P.E., 33, rue de Bourg, Lausanne.









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