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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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Il suffit de s'intéresser à l'éducation pour en découvrir chez soi-même toutes les lacunes. Les ayant découvertes ou cherche à les combler, et se corriger soi-même, c'est le meilleur moyen d'éduquer ses propres enfants, les enfants d'autrui et les adultes. L. TOLSTOI.

Ceux qui ont eu le privilège de voir et d'entendre Mme Sokhotine, la fille du grand Tolstoï, parler tout simplement, à l'Institut J. J. Rousseau, dans une réunion familière des idées pédagogiques de son père, n'oublieront pas cette rencontre. Dès l'abord, on est conquis par cette figure - qui rappelle beaucoup celle de son père - où rayonnent l'intelligence et la bonté. Mme Sokhotine nous a d'abord rappelé à la suite de quelles circonstances Tolstoï fut amené à s'intéresser à l'éducation des paysans. Propriétaire du grand domaine de Jasnaïa-Poliana, il eut de bonne heure le sentiment profond de la dette qu'il avait contractée envers ces humbles dont le travail obscur lui permettait de vivre une vie large et facile et de développer tous les dons qu'il avait reçus. Quand il fonda son école, à l'âge de 30 ans, cette initiative suscita beaucoup d'étonnement et pas mal de méfiance. On se demandait ce qu'il y avait là-dessous, si Tolstoï nourrissait quelque secret dessein et s'il ne cherchait pas à exploiter pour le service du tsar ceux qu'il s'offrait à instruire gratuitement. Peu à peu les gens se rassurèrent en voyant les allures franches et cordiales du jeune seigneur, et les enfants ne tardèrent pas à affluer. Ce fut, bien avant les méthodes pédagogiques si en honneur aujourd'hui, une Ecole nouvelle, basée sur la liberté et la confiance réciproque. Aucune contrainte, aucune sanction. Les enfants étaient libres de s'en aller, si la leçon ne les intéressait pas - ce qui arrivait quelquefois. Dans ces cas-là, le maître improvisé éprouvait quelque mortification, mais il ne songeait pas à user de contrainte. Le plus souvent, la classe se prolongeait bien au-delà de l'heure prescrite ; les élèves captivés ne pouvaient se décider à partir…

La causerie s'est terminée par la lecture de quelques pages admirables dans lesquelles Tolstoï nous raconte une composition qu'il fit en collaboration avec ses élèves. Il s'agissait de commenter et d'illustrer un proverbe populaire russe qui raille avec humour une certaine bienfaisance aussi maladroite que bien intentionnée : « Il nourrit avec la cuiller et pique les yeux avec le manche ». Tolstoï déclare avec une humilité pleine de bonne grâce et enjouement que ses élèves lui étaient bien supérieurs dans l'art de conter, sans négliger un seul détail pittoresque, mais sans perdre de vue l'action principale… Il y a là un exemple qui serait utile à méditer par tous les professeurs de langue.

Mme Sokhotine a ensuite évoqué devant nous avec la parfaite simplicité, l'absence complète de toute recherche personnelle qui font son principal charme, quelques souvenirs personnels de son enfance. Ils étaient une famille de onze enfants. Jamais leur père ne sévissait, jamais même il ne leur adressait de reproches. Il ne croyait pas à l'efficacité d'une intervention directe pour corriger un enfant de ses défauts. « Il était là», nous a dit sa fille, «avec ses yeux qui observaient, son intelligence qui comprenait, son grand coeur qui aimait. Quand quelque chose lui déplaisait dans notre façon de parler ou d'agir, il ne nous le disait pas, mais il nous le montrait par une petite plaisanterie dont l'effet était d'autant plus sur qu'elle n'avait rien d'acerbe ou de mordant». Mme Sokhotine nous en a cité quelques exemples. Un de ses frères reçut un jour pour sa fête une belle tasse qu'il convoitait depuis longtemps. Tout joyeux, il prit le précieux objet et voulut aller le faire admirer à quelqu'un. Hélas! dans sa hâte, il broncha sur un seuil et tomba ; la tasse se brisa en mille morceaux. «C'est ta faute », lui dit sa mère, « pourquoi courais-tu si vite ?» Et le petit de déclarer, faisant allusion au seuil où son pied s'était accroché : «C'est la faute à l'architecte » ! Ce mot passa en proverbe dans la famille. Chaque fois que quelqu'un cherchait à rejeter ses torts sur autrui, le père ne manquait pas de remarquer en souriant : « C'est la faute à l'architecte ». Un autre jour, Tolstoï entend avec surprise un de ses fils, très peu doué pour la musique, estropier dans la pièce voisine, à grands renforts de pédale, un morceau de piano beaucoup trop difficile pour lui. Il s'approche et voit dans le salon un ouvrier nommé Proters en train de faire une réparation quelconque. L'enfant avait manifestement essayé d'éblouir soi auditeur bénévole en exhibant devant lui un pseudo-talent qu'il savait fort bien ne pas posséder. Là encore, pas de reproche direct. Mais, quand l'occasion s'en présentait, Tolstoï ne manquait pas de rappeler ce petit épisode en disant: «C'était pour Proters».

Une troisième anecdote met en scène la conférencière elle-même. Elle était fort occupée, un jour, à des travaux de jardinage, lorsqu'on annonce l'arrivée d'un peintre qu'elle admirait beaucoup. Lâchant bien vite ses outils, la jeune fille monte dans sa chambre, relève ses cheveux en un chignon provocant, revêt une robe rose très élégante et se présente au visiteur sous ses plus beaux atours. Le père ne dit rien. Mais, quand sa fille alla se coucher, elle trouva sur son lit une petite poésie, en russe malheureusement, dans laquelle on raillait agréablement la paysanne subitement métamorphosée en belle dame !

De semblables traits demeurent gravés d'une façon indélébile dans la mémoire. Voilà donc comment Tolstoï s'y prenait pour guérir ses enfants de petits travers d'amour-propre ou de vanité. Mais l'influence qu'il a exercée va bien plus profond. Sa fille nous disait hier : «Je ne sais si c'est à mon père que le le dois, mais je suis incapable de haïr de détester qui que ce soit, même ceux qui m'ont fait du mal. Je ne puis m'empêcher de voir en tous des frères et de leur vouloir du bien ». N'est-ce pas un bel hommage rendu à l'éducation qu'elle a reçue ?









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