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La vie sans dimanche !
Le dimanche, c'est-à-dire un jour de relâche, où l'on secoue la servitude du métier, afin de se restaurer l'esprit et le corps dans le repos; un jour où l'on élargit son horizon et son âme en se donnant plus particulièrement d'abord à la famille et aux amis, ensuite aux pauvres; un jour où dans le silence on se recueille pour prendre plus nette et plus vive conscience de sa véritable humanité, de ce qu'on doit être, de ce qu'on pourrait être, de ce qu'on est réellement; un jour enfin où l'on rompt le cercle étroit de la vie terrestre, de tout ce qui en nous et hors de nous est éphémère, pour découvrir l'éternel au dernier fond de soi, présent au cÅ“ur et aux choses
Un jour voué à l'inutile selon le jugement du vulgaire, à l'essentiel aux yeux de l'esprit, à l'invisible au sein duquel nous vivons. Si nous avons connu un jour pareil, n'en perdons pas le goût ni le pli. Si nous ne le connaissons pas encore n'en perdons pas le désir, ni le regret
C'est de là, comme d'un foyer intérieur, que se répand sur la semaine, un rayon de lumière et de joie; là que la pauvre et brève existence humaine s'illumine d'un reflet de la vie divine et éternelle; là aussi que la nature, la famille, l'art, la pratique de la charité nous font comme une âme plus ample, plus épanouie, plus désintéressée, plus heureuse
Plus grand encore serait notre profit, si la communion religieuse multipliait pour nous cette bénédiction en unissant notre âme (en ce qu'elle a de plus profond, de plus humain, de plus elle-même, et en même temps d'universel et d'éternel) à l'âme de nos semblables, à toutes les âmes pensantes de toutes les sphères des cieux, en nous procurant ilnsi la joie inexprimable de la vraie fraternité, au sein de la famille du Père infini des esprits!
Mais si une église visible nous manque, ne prenons pas notre parti de vivre hors de l'église invisible. Que notre dimanche soit un jour de culte en esprit et en vérité, de communion avec l'Esprit infini, de quelque nom que nous l'appelions : Vérité, Justice, Amour, Jéhovah
et avec tous ceux qui ont aimé et servi cet Esprit et l'Humanité
Vie sans dimanche, c'est-à-dire, selon toute apparence, vie d'activité sans repos réparateur, sans recueillement et sans silence, sans retour vers les «sources premières », sans communion de cÅ“ur et d'âme avec les pères et avec les frères, sans ouverture sur l'infini, sans intimité, sans grandeur
Telle est aujourd'hui la vie pour le grand nombre, pour le peuple innombrable des petits, et pour la petite phalange des privilégiés : monotone, dépouillée, déracinée, bornée de toutes parts
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