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L'enfant timide

Les pages qui suivent ont été rédigées d'après une causerie faite à une réunion de mères par Mme Loosli-Usteri, de l'Institut J. J. Rouseau,

Entendant dire que j'allais faire une causerie sur la timidité chez l'enfant, une très vieille dame s'est écriée: «Cela existe donc encore, la timidité? Je croyais que la jeunesse actuelle ne la connaissait plus!»
Pourtant, si l'une de vous a demandé que l'on traitât ce sujet à la réunion de ce soir, il faut bien en conclure que la timidité existe et que, de plus, elle pose un problème aux éducateurs.
Chose curieuse, les pédagogues professionnels ne semblent pas s'en être préoccupés. J'ai feuilleté bon nombre de livres savants, de traités de psychologie sans y trouver le mot de timidité. Serait-ce que la vieille dame a raison ? Point du tout. Seulement, ce que, dans la vie courante, nous appelons timidité est désigné par des termes plus abstraits dans les doctes ouvrages mentionnés plus haut.
Tenons-nous en au langage vulgaire et demandons-nous ce que c'est que la timidité.

Est-ce une maladie? Non certes.
Un défaut de caractère? Pas davantage.
Est-ce une forme de la vanité, comme on l'a parfois prétendu? Il serait téméraire de l'affirmer.
Faisons tout d'abord une constatation: Un certain degré de timidité est normal chez l'enfant. Il est naturel que celui-ci manifeste un peu de gêne lorsqu'il se trouve en présence de personnes inconnues, dans un milieu nouveau pour lui (la première fois qu'il va à l'école, par exemple, ou dans le cabinet de consultation du médecin). Parmi les enfants que nous voyons à notre consultation médico-pédagogique ceux qui semblent étrangers à toute timidité sont, le plus souvent, des arriérés. Les autres ont, en général, quelque chose à surmonter pour être tout à fait à l'aise.
Nous constatons la première atteinte de la timidité chez le petit enfant, dès le moment où il fait la distinction entre les personnes de son entourage et les visages étrangers.
Remarquons qu'il se produit quelque chose de semblable la plupart des adultes lorsqu'ils se trouvent en présence d'un personnage qui leur inspire un respect particulier. Ils éprouvent alors une sorte de gêne qui tient à des causes complexes : sentiment de leur petitesse, de leur insignifiance, crainte d'être importun, d'abuser du temps précieux de leur interlocuteur, etc, etc.
Du point de vue éducatif, il ne faut pas se mettre en souci au sujet de cette timidité qui, encore une fois, est normale. Non seulement les punitions et les réprimandes seraient déplacées et injustes, mais la raillerie, même légère, risque de faire plus de mal que de bien. Le mieux est d'ignorer la chose, de ne pas avoir l'air de la remarquer.
Mais la timidité peut prendre des formes plus grave et faire un tort réel à celui qui en est atteint. Citons par exemple le cas de l'écolier qui a fort bien appris sa leçon à la maison mais qui est incapable de la réciter à l'école ; ou celui de l'élève qui a consciencieusement préparé ses examens mais que la présence des examinateurs paralyse à tel point que toutes ses connaissances se trouvent momentanément effacées ; ou encore du jeune homme qui ne possède pas encore la langue du pays où il se trouve et qui n'ose pas entrer dans un magasin, etc, etc. J'ai connu un petit garçon élevé dans un asile que la présence des adultes paralysait à tel point qu'il semblait frappé de mutisme. Nous nous demandions si l'usage de la parole lui était refusé jusqu'au moment où, l'observant sans qu'il s'en doutât alors qu'il jouait avec des camarades, nous constatâmes avec étonnement qu'il avait la langue fort bien pendue…
La grande majorité des enfants placés dans les circonstances que nous venons d'énumérer se seraient comportés tout autrement. Nous nous trouvons donc en présence d'une timidité que l'on peut taxer d'anormale. Devons-nous la considérer comme une maladie? Non mais comme un symptôme, comme la fièvre, si vous voulez, qui n'est pas en elle-même une maladie mais qui indique que quelque chose dans l'organisme ne marche pas.

Qu'est-ce qui ne marche pas? L'enfant qui est atteint de cette timidité exessive manque, à coup sûr, de confiance en lui-même; il souffre de ce que les psychologues appellent le sentiment d'infériorité; il se croit moins bien doué, moins aimé, moins intéressant que ses frères et sÅ“urs à la maison, que ses camarades à l'école. Il peut très bien se faire que cette souffrance soit inconsciente, mais elle n'en est pas moins réelle et elle peut avoir de graves conséquences. Elle peut empoisonner toute une existence, provoquer les attitudes et les actes les plus bizarres et les plus contradictoires, pousser à la paresse ou au zèle excessif, à la couardise comme à la fanfaronnade à la timidité comme à l'effronterie. Un observateur attentif ne s'y trompera pas.
D'où provient ce sentiment d'infériorité? Il peut tenir a des causes réelles, à des anomalies physiques ou intellectuelles. Il est bien difficile qu'un enfant atteint d'une infirmité ou d'une disgrâce physique ne souffre pas de n'être pas comme les autres. Si c'est son intelligence qui est en défaut, il ne pourra pas ne pas s'apercevoir qu'il est en retard sur ses camades d'école. Il s'en apercevra d'autant mieux si son infériorité n'est que légère, car les enfants vraiment arriérés ne s'en rendent pas compte, en général. Il est tout indiqué de mette ces enfants à développement lent dans des classes spéciales pour qu'ils ne souffrent pas de n'être pas au niveau des autres. Les parents qui s'y refusent par amour-propre font un tort réel à leurs enfants… Pour les estropiés, il faut une délicatesse de toucher toute spéciale que la plupart des mères possèdent par intuition. Ils ont besoin d'être entourés d'une grande tendresse mais pas d'une compassion trop apparente. Ce n'est que petit à petit que l'on pourra développer leur éducation morale de façon à leur faire accepter leur infirmité et comprendre qu'elle ne doit pas les empêcher d'avoir une vie belle et utile (les exemples à l'appui ne manquent pas, heureusement). Il serait bon aussi de chercher à suppléer à ce qui leur manque en leur créant une supériorité dans un autre domaine. Il est bien peu d'êtres qui n'aient reçu quelque aptitude spéciale : goût du dessin ou de la musique, habileté manuelle etc. A l'éducateur de chercher à découvrir et à développer ce don.
La timidité peut encore avoir pour origine un sentiment d'infériorité sociale : c'est un de ses aspects les plus douloureux. Qui dira les souffrances intimes de ces petits qui sont moins bien habillés que les autres, qui se sentent l'objet de leur pitié quand ils ne servent pas de cible à leurs moqueries… Parfois, même des enfants de milieux aisés connaissent ce petit supplice de n'être pas « comme les autres » ; un chapeau de forme un peu insolite, une robe démodée peuvent suffire à les rendre malheureux, tant est développé chez les enfants le souci de conformisme… Il faut à l'éducateur beaucoup de doigté pour arriver à faire sentir à un enfant ce qu'a d'excessif cette crainte du ridicule sans exiger de lui une indépendance et un courage moral qui ne sont pas de son âge.
Mais le sentiment d'infériorité a très souvent sa source dans le milieu - familial ou scolaire - où l'enfant se trouve placé. Une éducation trop sévère, l'habitude d'être constamment rabroué (à plus forte raison battu et rudoyé), aboutit presque fatalement à enlever à l'enfant la confiance en soi, à faire de lui un être craintif et apeuré. (Les brillantes exceptions que l'on pourrait citer ne font que confirmer la règle). Cela est trop évident pour qu'il soit nécessaire d'y insister. Mais, même dans les familles où l'on évite ces excès, où règne une atmosphère d'affection et de bonté, il arrive souvent qu'on décourage un enfant s'en sans apercevoir par des observations et des critiques continuelle ou par des jugements sommaires presque toujours injustes : « Tu n'es bon à rien, tu es un paresseux, ou: un maladroit. A ton âge, je faisais cela bien mieux que toi, etc., etc . » Combien sont fâcheuses aussi les comparaisons avec des frères et soeurs ou des camarades mieux doués ! Tout cela ne peut aboutir qu'à aigrir et humilier un enfant. Chose curieuse, une trop grande indulgence, une éducation trop molle ont souvent pour résultat de faire naître chez l'enfant le sentiment d'infériorité. En effet, elles diminuent sa résistance psychique, elles le rendent incapable de supporter les frottements inévitables de l'existence et par là elles tendent à le décourager, à lui ôter la confiance en soi… J'en ai connu un exemple frappant et qui eut des conséquences tragiques.
La timidité se cache souvent sous un masque d'arrogance, d'effronterie, de bravade. Ce n'est pas l'enfant seulement qui en est atteint ; beaucoup d'adultes en souffrent. Ceux-ci sont souvent d'un commerce très peu agréable. Parmi ceux qu'on taxe de caractères difficiles, bourrus, peu aimables se trouvent bon nombre de timides.

Comment peut-on prévenir le timidité ? Nous avons déjà signalé les dangers de la faiblesse qui amollit et de la trop grande sévérité qui risque de paralyser l'enfant. Une autre chose, très importante, est de ne pas le faire vivre d'une vie trop retirée. Faisons-le participer, le plus possible, à la vie de la communauté, dans la famille d'abord, puis à l'école. Encourageons-le à faire partie d'un groupe d'éclaireurs. Envoyons-le faire des commissions, même au risque de lui voir commettre quelques bévues (qu'il ne faudra pas prendre trop au tragique). Faisons-lui confiance ; montrons que nous le croyons capable de nous rendre de véritables services ; sachons le féliciter quand il a bien réussi et évitons de l'humilier quand il a commis un impair; donnons-lui plutôt l'occasion de le réparer. Je serai toujours reconnaissante à mon père de la façon dont il s'y prenait avec nous en nous confiant des responsabilités alors que nous étions encore à un âge très tendre. Chacun de nous avait un carnet de Caisse d'épargne et il nous envoyait au commencement de l'année faire inscrire les intérêts. «Tu sais lire, n'est-ce pas ? Alors tu iras au guichet où se trouvent les mots : « Livrets d'épargne » me dit-il. J'étais horriblement intimidée quand il me fallait traverser toute seule ces bureaux solennels et me présenter devant ces messieurs à l'air imposant. Mais je me rends compte que l'effort accompli ainsi m'a été salutaire et m'a aidée à réaliser plus tard des choses plus difficiles.

Evitons les taquineries qui peuvent causer une véritable souffrance aux natures sensibles et aggraver leur timidité en augmentant leur conscience de soi. Un souvenir d'enfance est resté gravé dans ma mémoire. Mon parrain s'étant fiancé, mes parents m'envoyèrent toute seule lui remettre un bouquet en rue disant de l'accompagner de quelques paroles de félicitations. J'étais tellement intimidée par la solennité des circonstances que je ne réussis qu'à lui tendre les fleurs sans parvenir à articuler une parole. Si mon parrain s'était moqué de moi, je suis sûre que, dorénavant, j'aurais toujours été timide en sa présence. Au lieu de cela, il m'attira vers lui en me disant avec bonté : «Je suis sûre que tu voulais me dire quelque chose». Et son sourire était si encourageant que toute gêne s'évanouit.

Que faire quand l'enfant est déjà un timide ?
Ne pas attirer son attention là-dessus - ne jamais parler devant lui de sa timidité ; il n'est pas bon qu'il se doute qu'il est pour vous un problème. Eviter des mots comme : « J'étais tout à fait ainsi à son âge » ; ou, ce qu'on entend surtout dans les ménages où se manifestent certains désaccords : «Il tient cela de son père»; ou «il l'a hérité de sa grand-mère» (paternelle). L'enfant sent parfaitement la nuance de blâme contenue dans ces jugements et il en est humilié.
Demandons-nous surtout si nous ne sommes pas responsables dans une grande mesure de la timidité de notre l'enfant. Nous voyons venir parfois à notre consultation des enfants accompagnés de leur mère.
Pas moyen de leur tirer un mot quand nous les interrogeons. Si nous éloignons la mère sous un prétexte quelconque, voilà la petite langue qui se délie !
Si tous vos efforts pour rendre à votre enfant la confiance en lui-même échouent, faites-le examiner par un spécialiste. Il est en effet tout à fait impossible de prescrire une recette infaillible pour guérir de la timidité. Chaque cas doit être étudié individuellement. On ne peut pas dire d'emblée sans avoir fait un examen approfondi quel est le degré de découragement qui se cache derrière cette timidité et quelle en est l'origine. La seule règle générale qu'on puisse donner sans crainte de se tromper est celle-ci: «Ne découragez pas l'enfant timide; au contraire, faites tout pour l'encourager».









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