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La curiosité chez l'enfant
La grande masse des humains- et par là nous ne songeons pas à une classe sociale plus qu'à une autre - a des yeux pour ne pas voir, des oreille pour ne pas entendre, une tête pour ne pas penser. On emprunte à son milieu, à son parti, à son journal, pour toutes les questions qui se posent une formule que le plus souvent on ne pénètre pas, et l'on vit là-dessus. Cela dispense de chercher et de penser par soi-même. Penser par. Et pourtant l'enfant naît curieux. Dès les premiers jours il suit du regard la lumière placée devant lui, dès qu'il peut remuer il tourne la tête vers la porte qui s'ouvre ou la personne qui s'avance. Bientôt non content de regarder, il touche, il palpe, il lèche et suce, les lèvres et la langue étant pour lui des organes du toucher bien plus délicats que les mains, bref il semble vouloir s'emparer du monde extérieur par tous ses sens à la fois. Encore un peu de temps et il ira plus loin, il ouvrira, déchirera cassera délibérement pour savoir «ce qu'il y a dedans », les objets même qu'il aime le mieux. Dès qu'il marchera il ira audacieusement - moins qu'on ne l'ait formé à la crainte - vers tout ce qu'il voit et qui l'intéressera, et quand il saura parler, il adressera à tous ceux qui l'entourent les innombrables questions qui se posent à son esprit.
D'où vient que ce besoin de connaître, cet étonnement et cet esprit de recherche, cette curiosité,… S'émousse, faisant place chez la plupart des enfants d'âge scolaire , l'indifférence et à l'inertie intellectuelle, ou parfois se fausse et dévie vers les petites curiosités basses à l'égard de tout ce qui concerne la vie privée des autres?
Il y a là pour l'éducateur un problème qu'il doit étudier. Ne serait-ce pas l'éducation qu'il faut incriminer, l'éducation de l'école, mais aussi celle de la famille.
Bien rares sont les parents qui se comportent à l'égard de la curiosité de l'enfant comme il faudrait le faire. Dans bien des cas les incessantes questions de l'enfant igaceiit, fatiguent ou embarrrassent les parents qui prennent le parti de répondre n'importe quoi ou ripostent à ses « pourquoi » par un «tu m'ennuies » . Et cela dure - oh! - pas très longtemps jusqu'à ce que l'enfant se rende compte qu'on se moque de lui ou soit rebuté par les rebufades. Dans l'un et l'autre cas, découragé, il cesse peu à peu de questionner ; il essaie bien de trouver tout seul quelques réponses, mais il n'a personne pour le gul der et sa curiosité bientôt s'émousse ou s'endort, à moins qu'il ne la dérive, comme nous le disions plus haut, vers les petits bavardages et papotages dont il a trop l'occasion de se repaître.
D'autres parents sont au contraire pleins de bonne volonté et se reprocheraient de ne pas répondre à une question de l'enfant. Non contents de satisfaire les «pourquoi» du petit, ils vont au-devant et avant même qu'il ait formulé sa question ils lui apportent des explications si copieuses et si détaillées que l' enfant en est bientôt submergé. Et le résultat est le même.
L'enfant cesse de chercher, même ce qu'il pourrait trouver lui-même, il cesse de réfléchir et pose à tort et à travers toutes les questions qui lui traversent l'esprit, même les plus saugrenues, il n'a plus besoin de penser, les autres pensent pour lui. Et sa curiosité meurt d'indigestion comme tout à l'heure elle mourait de faim.
Il faut distinguer: en effet parmi les « pourquoi » de l'enfant, il en est qui sont vraiment l'expression du besoin de savoir, qui témoignent d'un esprit de recherche ; mais il en est d'autres qui sont le fait de la paresse d'esprit - il est tellement plus facile de faire travailler les autres que de travailler soi-même - et il en est d'autres qui ne répondent à rien du tout: propos en l'air que l'enfant prononce sans penser, ou peut-être pour vous «faire marcher» si bien qu'il n'écoute même pas la réponse que vous lui donnez. Mais paresse d'esprit, étourderie, bavardage sont le contraire même de la curiosité, et nous ne devons pas nous y laisser prendre. Que l'enfant sache, par expérience, que nous répondons toujours à une question sérieuse et sincère, mais que nous n'écoutons même pas les autres, et alors il n'en posera qu'il bon escient.
D'ailleurs, même en face de ces questions sincères posées pour savoir il nous faut faire attention de ne pas nous substituer à l'enfant en faisant le travail qu'il peut faire lui-même : il a demandé quelque chose qu'il ne sait pas, c'est entendu, mais pourquoi lui donnerions-nous une réponse toute faite alors que, guidé par nous, il aurait pu la trouver lui-même ajoutant au plaisir de savoir la joie bien plus grande de découvrir lui-même ce qu'il veut apprendre…
Il faut entretenir la curiosité, et pour cela la satisfaire assez pour ne pas la décourager, mais pas assez pour l'endormir…
Une autre cause d'atonie de l'esprit, c'est d'imposer à l'enfant des études qui ne l'intéressent pas. Combien de fois des études entreprises trop tôt, ou poursuivies dans de mauvaises conditions, au sein de la fatigue physique, avec de mauvaises méthodes ou des maîtres qui rebutaient l'enfant, n'ont-elles pas usé les ressorts de l'intelligence et fait d'enfants qui auraient pli se développer normalement dans des conditions meilleures, de véritables fruits secs…
L'esprit de l'enfant est un mécanisme infiniment délicat, qu'il faut traiter avec respect et discrétion prenant d'abord la peine d'en reconnaître les caractères distinctifs.
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