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Comprendre avant de gronder
Plusieurs fois, au cours de nos promenades dans la campagne, il m'était arrivé de dire à ma petite fille de six ans, le charme de l'eau qui bondit et qui chante :
- J'aime ce bruit, il me semble qu'une personne jeune et joyeuse comme toi me tient compagnie. Ecoute bien, c'est un beau morceau de musique que nous entendons.
Et nous nous amusions à distinguer les sons aigus des sons graves, les rythmes lents des rythmes rapides.
Un jour, nous nous trouvions à la maison avec une amie. Dans une pièce voisine de celle que nous occupions, des gouttes d'eau tombaient d'un robinet mal fermé. Elles sautillaient : tic, tic, tic, comme les pizzicati d'un ballet.
La dame, que ce bruit agaçait, pria ma petite fille d'aller fermer le robinet. L'enfant se leva, fit un pas, parut réfléchir et revint s'asseoir.
- Tu n'as donc pas compris? reprit notre amie, va fermer le robinet.
L'enfant resta immobile avec cet air que je lui connais maintenant et qui signifie:
- J'ai de bonnes raisons.
J'essayai de marquer un étonnement sévère:
- Va fermer le robinet.
Elle y courut.
Dès que notre amie fut partie, je demandai à ma petite fille pourquoi elle avait ainsi manqué de complaisance.
- Le bruit de l'eau agace Madame X, me répondit-elle ; mais je sais que tu l'aimes, J'ai choisi de te faire plaisir.
J'ai choisi! Un tout jeune être qui pèse avec cette fermeté le mobile de ses actes, ce n'est peut-être pas un phénomène si commun ! Qu'il se trompe, soit!
il apprend. Nous eûmes alors une longue causerie. Je lui posai des devinettes: Que ferais-tu si, dans le train où j'aime avoir de l'air, une dame te priait de fermer la portière parce qu'elle craint de s'enrhumer et après quelques réticences, elle conclut avec moi qu'avant de donner une joie, il faut éviter de faire une peine : précepte qui ne porte pas en lui une telle évidence qu'il fallût gronder un enfant de ne point l'avoir découvert.
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