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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Il était une fois…

De tous les jeux que j'imagine pour amuser enfants, aucun ne leur plait autant que les histoires.
Quand ils sont fatigués de courir au long des allées du jardin, ils m'entourent, me saisissent, qui par la main, qui par le pan de mon veston m'entraînent de force jusqu'au banc à l'ombre du sapin, s'asseoient devant moi, en demi-cercle, et d'un ton qui n'admet pas de réplique :
« Papa, raconte-nous une histoire ! … Et, tu sais, une belle histoire !
Les belles histoires sont celles qui ne donnent pas trop à réfléchir, qui n'évoquent pas trop de sensations nouvelles. Les enfants n'aiment pas la complexité. Par contre, peut leur chaut que l'action ait un cours régulier, où chaque évènement entraine logiquement le suivant à sa suite. Une série de tableaux animés et colorés, un peu d'exotisme mêlé aux hôtes et aux êtres qui leur sont familiers, beaucoup de mouvement, un large emploi du style direct, une fin amusante qui laisse l'esprit sur une impression agréable, voilà les éléments essentiels que doit choisir et mêler le narrateur, pour composer une «belle histoire ».
La tâche se complique, en ce qui me concerne, par la diversité d'un auditoire où de quatre à treize ans tous les âges voisinent. Les goûts varient avec les individus et même avec la couleur du ciel… Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les enfants ne se montrent pas avides d'inédit. Quand l'une de mes histoires a recueilli l'unanimité des suffrages, je peux la recommencer tous les jours s'il me plait; jamais elle ne perdra de sa faveur, ni, chose étrange, de son imprévu. Dès que le récit arrive devant une péripétie chargée de poudre, les chaises se trémoussent les yeux brillent, mes enfants se regardent d'un air entendu : « attention ça va devenir intéressant! » Et la péripétie éclatée, éclatent également les ah! de satisfaction ou les oh ! de stupéfaction, aussi sincères chaque fois et aussi convaincus.
Les histoires répétées ont cet avantage de reposer l'imagination du narrateur, elles ont ce danger de décevoir l'auditoire, si elles se permettent des variantes au récit initial. Pour des enfants, les plus abracadabrants sont des histoires vraies. Ils ont vu les personnages, leur ont donné un visage les ont habillés une fois pour toutes ; ils les ont suivis pas à pas dans leurs aventures ont soigneusement recueilli leurs gestes et leurs paroles et comme leur mémoire toute neuve ignore les défaillances, gare aux rappels à l'ordre et aux semonces!
«Voyons, papa, le monsieur ne portait pas une canne, mais un bâton qu'il avait coupé en passant dans la forêt! »
« Fais donc attention papa tu dis que la bergère gardait 14 moutons et c'est 17 moutons qu'elle avait ! »
« Tu en sautes, papa ! Tu ne dis pas ce que le petit garçon a dit quand il a vu le singe tirer la trompe à l'éléphant, il a dit: ah! ! ah!»
Et ces détails ont, sans aucun doute, une importance extrême…

… L'enfant vit dans un monde d'hallucination. Poète né, pour lui il n'est pas d'objet inanimé. Tous vivent, sympathiques ou hostiles, amusants ou redoutables. La lumière du jour, en plaçant dans un cadre familier les monstres issus de son imagination, contribue à diminuer leur malfaisance ou leur horreur.
Mais la nuit, il est seul et sans défense dans la cage aux fauves. De là, ces terreurs qui lui arrachent des cris éperdus, ces terreurs dont un papa ne doit jamais rire, car l'enfant a vu les bêtes apocalyptiques, a entendu leurs glapissements et leurs rugissements, a senti sur ses poils le souffle de leurs gueules grandes ouvertes. Quand un enfant a des terreurs nocturnes, il faut le prendre dans ses bras, l'embrasser doucement, le caresser de paroles câlines : « Ton papa est là tout près… Ta petite soeur fait des marionnettes… Maman a acheté un gros gâteau … Les roses sur le rosier… Le rossignol dans le cerisier… Le petit Jésus dans sa crêche.
C'est dans ces circonstances-là surtout qu'un papa doit savoir trouver de belles histoires, simples, courtes, colorées, diverses, ballons bleus, ballons verts, ballons jaunes, ballons pourpres que des anges, penchés aux balcons du ciel, agitent au bout de longs élastiques jusqu'à ce que l'imagination de l'enfant, à la fin attentive, se saisisse du ballon qui passe, et quittant la terre de l'épouvante, se laisse ravir au doux royaume de l'enchantement et de l'amour.
Pour se mettre à la portée des enfants, il faut redevenir un enfant. Seuls, les poètes le peuvent, ou ce qui revient au même, les papas. Ce rajeunissement brusque demande un effort, mais comme on est aussitôt payé de sa peine !
Même l'amitié, qui est la communion parfaite entre deux âmes viriles, contient moins de douceur que la communion avec des âmes d'enfants. L'ami le plus aimant met à ses effusions des réticences. Mais donnez-vous à un enfant, et aussitôt, il se livre à vous pieds et poings liés, esclave volontaire et pâmé d'abandon. Oh ! le radieux cadeau que celui d'une petite âme que vous tenez en vos mains comme une oiselle apprivoisée, attentive à vous plaire, avide de recevoir les enseignements de votre expérience! Chers petits, la vraie science c'est vous qui la possédez, et qui s'efforce à vous instruire s'instruit lui-même à votre commerce et combien plus ! Qu'est notre pauvre sagesse, sans flamme et sans élan près de votre sagesse naturelle, nourrie à la lumière, à l'harmonie, à l'enthousiasme? Une belle histoire? me demandez-vous. Je sais une belle histoire, la plus belle de toutes, et que je vais transcrire ici pour mon propre plaisir :
«Il était une fois un papa qui avait des enfants plein sa maison: des Solange, des Geneviève, des Jean-Jean, des Mimi et des Petit-Pierre, et des François, et des Toinette, et des Etienne. Il ne se fatiguait pas de les regarder, de les écouter, de les contempler, de les admirer, de s'extasier, de s'attendrir, et il se disait: « Comment ce bonheur est-il possible, que toutes ces petites bouches, toutes ces joues fraîches, toutes ces menottes, tous ces fins cheveux, tous ces grands yeux, toute cette grâce, toute cette naïveté, toute cette splendeur m'appartiennent !
Vous voici rassemblés devant moi frères et soeurs, et d'autres enfants qui seront vos enfants à vous. Et d'autres, et d'autres, maillons de la chaîne éternelle, postérité sans fin des siècles à venir… Je suis le tronc d'où vont s'élancer d'innombrables rainures, le brasier d'où jailliront les flammes ardentes et crépitantes. Que ne tombent au brasier que les billes odorantes de l'olivier et du santal, afin que la flamme soit un parfum en même temps qu'une clarté ; que toutes les brises du Levant caressent les feuilles de l'arbre et que tous les oiseaux du ciel viennent bâtir leur nid sur ses branches.
« Pour que je sois moins indigne de mes enfants et de mes petits-enfants, arrache de mon coeur, ô mon, Dieu, la sensualité, l'égoïsme et l'orgeil, remplace-les par l'amour, la simplicité, la générosité.
« Rends moi semblable à un petit-enfant ».









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