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Enfants jaloux

On peut, je pense, d'une façon générale, définir la jalousie : le sentiment d'hostilité que j'éprouve à l'égard d'un tiers à la pensée de l'affection que lui témoigne quelqu'un que j'aime. Ce sentiment peut, nous le savons, prendre une extrême intensité et tous les caractères d'une passion. Il n'y a pas de jalousie sans amour. On a souvent affirmé que la réciproque est vraie :

Toujours la jalousie accompagne l'amour.
Qui peut avec excès aimer sans jalousie?


Cette allégation est sans doute inexacte: il y a dans la jalousie plus qu'un excès d'amour. Ce qu'il importe à notre propos de constater, c'est que la jalousie peut accompagner toutes les formes de l'amour. Il n'est pas particulier à l'amour conjugal. Il peut s'attacher à l'amour parental, maternel et paternel : les sottes plaisanteries sur les belles-mères recouvrent des sujets de tragédie. Et il s'agit pour nous de constater que l'amour filial, celui des enfants pour leurs parents, peut comme les autres engendrer ce sentiment. La jalousie des enfants a deux objets différents qu'il est tout indiqué de distinguer d'abord : tantôt c'est l'un des parents qu'elle vise; le père, par exemple est considéré comme un rival qui prive l'enfant de l'amour exclusif de sa mère; tantôt ce sont les frères et soeurs qui font figure de rivaux et dont l'enfant est jaloux. C'est de ce dernier cas seulement que nous nous occuperons ici.
La définition même que nous avons donnée de la jalousie montre que nous avons affaire à un sentiment complexe. Nous pouvons y distinguer trois éléments : des sentiments personnels d'abord:

L'amour-propre fait peut-être
Autant de jaloux que l'amour.


L'enfant qui se sent privé, frustré de ce à quoi il aspire, en est humilié ; il y a sous et dans la jalousie un sentiment d'infériorité. En second lieu, la jalousie implique un sentiment nouveau pour l'objet aimé, sentiment trouble et double : l'enfant en veut à sa mère, en même temps que sa tendresse pour elle s'exaspère. Enfin et surtout, nous l'avons dit, la jalousie est un sentiment d'hostilité, de haine pour le rival. Mais aucun de ces sentiments ne peut, sauf peut-être chez le tout petit enfant, se donner libre carrière. Le sentiment d'infériorité se compense naturellement par un besoin de s'affirmer; les sentiments hostiles envers sa mère ou son frère se heurtent à tout ce que l'enfant entend dire sur ses devoirs envers ses plus proches. Nous ne nous étonnerons donc pas que la jalousie soit par excellence un sentiment refoulé, un sentiment qui souvent s'ignore.
Les manifestations de la jalousie sont de deux sortes, primaires et ouvertes, secondaires et détournées. Pas besoin de détailler les premières : l'hostilité se manifeste par des coups, des propos désobligeants, par mille moyens ingénieux de nuire à son rival et de lui être désagréable. Ces manifestations de la jalousie peuvent être très précoces. Saint Augustin avait observé chez un enfant à la mamelle des gestes et des regards de haine pour un nourrisson qui partageait avec lui la même nourrice ; et des faits du même genre ont été très souvent notés. Ils ont parfois conduit à des tentatives de meurtre commises par des enfants bien éloignés encore de l'âge de raison. Une mère fera bien de s'assurer des sentiments des aînés à l'égard des tout petits.
Ces manifestations primaires de la jalousie ne sont pas difficiles à discerner. Mais elles sont loin d'être les seules. En raison de ces refoulements dont nous parlions tout à l'heure, il n'y a pour ainsi dire pas de trouble de caractère qui ne puisse être attribué à la jalousie. Mettons-nous un peu dans la peau de l'enfant pour surprendre le mécanisme de quelques-unes de ces manifestations compensatrices. L'enfant se sent frustré; il va chercher un succédané à ce dont on le prive : son besoin de tendresse inassouvi peut le rendre maladivement gourmand : les sucreries qu'il s'appropriera peut-être par de petits larcins, ou l'argent qu'il dérobe dans le porte-monnaie de sa mère, sont comme l'équivalent de ce qu'il pense qu'elle lui refuse. Il se sent négligé, éclipsé par son frère; il saura bien se faire valoir: il attirera l'attention sur lui par des singularités d'allures, par des pitreries, peut-être par une maladie qui fera de lui un objet de sollicitude ; certaines insuffisances scolaires même, une incapacité à mettre l'orthographe par exemple, amènent ses parents à s'occuper de lui; l'enfant en tire parti. Ou bien, si le rival préféré est un petit, l'enfant souhaitera d'être de nouveau petit lui aussi et il se comportera comme un petit : il fera des difficultés pour manger, il mouillera son lit, que sais-je ? Ou encore, ne pouvant pas éliminer son rival, l'enfant songera à s'éliminer lui-même par une fugue, qui aura cet autre avantage d'amener ses parents à s'inquiéter de lui. Comme je le disais, il n'y a presque pas de symptôme « nerveux » qui ne puisse avoir pour origine cette forme spéciale du sentiment d'infériorité que détermine un accès de jalousie. Faire raconter à un enfant ses rêves, lui faire inventer une histoire ou encore lui faire dessiner ce qui lui passe par la tête, ou mettre en scène un dialogue de Poupées, tels sont quelques-uns des moyens auxquels une mère pourra avoir recours pour pénétrer dans ce mystérieux subconscient où l'enfant ne voit souvent pas clair lui-même.
On se rendra compte du même coup des occasions qui ont déterminé la jalousie de l'enfant; elles sont multiples. D'aucunes sont tout à fait indépendantes de la volonté de la mère qui n'a rien à se reprocher: un enfant est malade, cela lui vaut dans la famille un régime particulier, des attentions spéciales, dont le retour à la santé le prive naturellement; il se sent frustré et incrimine son entourage ; ou bien c'est un de ses frères que l'on choie parce qu'il est délicat; ce sont les aînés qui ont des privilèges que le petit envie ; ou au contraire les cadets qui sont libérés des responsabilités qui incombent à l'aîné. La venue d'un petit frère est l'occasion typique qui fait naître les accès de jalousie. Ici, la mère peut beaucoup pour préparer les plus grands à cette venue en les associant d'avance aux tâches qui vont être les siennes, en déclenchant ces sentiments chevaleresques de protection qui compensent si naturellement le sentiment d'infériorité dont nous redoutons les effets.

Il y a d'autres mesures qui constituent ce qu'on pourrait appeler l'hygiène préventive de la jalousie. Ne pas donner constamment un enfant en exemple aux autres ; ne pas laisser les grands-parents, les oncles et tantes, les amis s'extasier sur la beauté ou l'intelligence ou les talents d'un seul, toujours le même ; chercher à mettre en lumière les qualités et les dons de ceux qui sont moins doués pour les faire valoir à leurs propres yeux, ce sont des choses qui vont de soi mais qu'il faut redire, car nous ne saurions trop nous surveiller à cet égard.

Y a-t-il aussi des remèdes à la jalousie une fois qu'elle a éclaté? un traitement que l'on puisse recommander? Il y a en tous cas des traitements à déconseiller : la gronderie et l'argumentation.

La gronderie. « La jalousie est le plus grand des maux et celui qui fait le moins de pitié aux personnes qui le causent ». Ce mot de La Rochefoucaud nous rappelle très opportunément que la jalousie fait beaucoup souffrir. Ce dont un enfant qui souffre a besoin d'abord - et surtout de la part de qui, sans le vouloir, le fait souffrir -, c'est de sympathie et d'affection. Dans une gronderie, dans un reproche, l'enfant ne verra pas cette affection dont il a soif.

«La jalousie étouffe toutes les sages réflexions; c'est une maladie que la raison seule ne guérit point». Cette constatation d'un pédagogue du vieux temps, le bon Rollin, garde toute sa valeur. La raison seule ne guérit pas la jalousie, pas plus qu'elle ne peut guérir aucune passion. N'argumentez pas, pour prouver à l'enfant jaloux qu'il se trompe ; cela ne servira à rien qu'à l'aigrir. Ce sont ses sentiments auxquels il s'agit de donner une autre direction :ses sentiments personnels, en lui faisant sentir, comme nous l'avons vu, au lieu de l'infériorité dont il souffre, une certaine capacité de bien faire, une certaine puissance à protéger les plus petits, qui seront le meilleur dérivatif aux froissements de son amour-propre. Son coeur aussi, ses sentiments à l'égard du prochain doivent être dirigés et enrichis par des expériences nouvelles. Là aussi le sentiment chevaleresque est un des plus précieux auxquels nous puissions faire appel : comment jalouserait-on celui que l'on a accepté de protéger et de défendre?









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