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Jalousie
Dans une famille de ma connaissance, la mère faisait de la musique d'ensemble avec ses deux fils. Depuis quelque temps, ces séances qui avaient été pour tous trois une source de grande joie étaient souvent troublées par l'humeur morose de l'aîné qui se fâchait au moindre prétexte. La mère devina que ces accès de bouderie étaient dûs à une jalousie inconsciente de l'aîné vis-à-vis du cadet, plus brillant et que l'on faisait souvent jouer seul. Elle en parla à son mari. Celui-ci se garda bien de faire des reproches à son fils; il se borna à causer avec lui. Au cours de la conversation, ils en vinrent tout naturellement à parler du cadet et cet aveu jaillit spontanément des lèvres de son aîné : « Je suis content quand Raymond est puni ». Le père ne chercha pas à mettre son fils en garde contre ce vilain sentiment, il n'insista pas sur les fruits amers que pourrait produire ce germe empoisonné si on le laissait croître librement. Il se borna à dire : « Vois-tu, Raymond rencontrera sur son chemin bien des envieux, car il a des dons assez exceptionnels. Qu'au moins, dans sa famille, il ne soit pas en butte à la jalousie. Qu'il sente que ses parents, ses frères et soeurs sont fiers de lui, qu'ils se réjouissent sans arriere-pensée de ses petits succès (sans y attacher plus d'importance qu'ils n'en ont). Ce sentiment de solidarité est une des choses qui font la force et la beauté du lien familial ». Cette conversation amicale suffit à transformer l'attitude de l'enfant vis-à-vis de son petit frère. A dater de ce jour les heures de musique retrouvèrent leur charme et ne furent plus troublées. Aujourd'hui, les deux frères, devenus des hommes sont unis par les liens, non seulement d'une tendre affection, mais d'une véritable admiration réciproque.
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