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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOUREnfants « secrets » Ce père et cette mère sont désolés : « Voyez Bernard, me disent-ils ; nous avons essayé de l'élever d'une façon moderne, sans outrance ; c'est-à-dire que, sans abdiquer notre autorité, nous l'avons traité en ami. Avouons qu'il n'a peut-être plus pour nous le respect qui allait jadis aux parents ; au moins comptions-nous, en échange, jouir de sa confiance absolue. Au lieu de cela, c'est un enfant « secret » ; nous avons l'impression que nous ne connaissons rien de lui. » Les causes de cette mésentente ne sont pas mystérieuses. Si nous creusons l'attitude de Bernard qu'y trouvons-nous ? Sans nul doute de la timidité et de la pudeur. Pudeur déraisonnable et timidité mal placée, faite d'orgueil, de défiance, de rétraction de l'âme devant un univers souvent incompréhensif. Creusons encore, car ce n'est pas trouver la solution d'un problème que de l'étiqueter d'un nom. Crainte de la moquerie ! voilà la clef de la psychologie juvénile et de toutes les psychologies (ce qui explique la tyrannie de la mode et des conventions). Les jeunes, qui savent tant de choses, s'effarent, lorsqu'ils touchent à l'âge d'homme et de femme, de ne pas savoir tout. Leur infériorité leur pèse et l'attitude de douce ironie que tant de parents prennent volontiers envers eux leur est insupportable. Méfions-nous : l'épiderme de l'adolescent est si sensible que le moindre soupçon d'ironie le blesse. Ce ton de bienveillance imperceptiblement amusé dont usent souvent les «vieux» comme s'ils s'adressaient à des « bébés » froisse douloureusement l'enfant d'hier. Celui-ci visait précisément, d'un effort soutenu dont parfois l'intensité vous échappait, à pénétrer dans la caste des grandes personnes ayant conquis le droit d'être prises au sérieux. Votre attitude le repousse de cet inaccessible empire, le relègue dans un monde inférieur. Sourde rancÅ“ur, malentendu, fossé qui se creuse, enfant « secret », tel est le processus fatal de ces incompréhensions. Il est un ordre de problèmes où cette incompréhension prend une accuité parfois tragique. Ce sont ceux qui touchent au sentiment et à la sexualité. C'est qu'il s'agit ici, pour l'adolescent, d'un domaine nouveau ; il ignore presque tout et souhaiterait déjà tout connaître ; déjà sa curiosité s'accompagne d'un embryon de rancune à l'égard de ceux qui, sachant, ne le laissent pas, sans le lui faire payer par quelque persiflage, profiter de leur savoir. Il faut voir avec quelle malice ou quelle compassion offensante papa et maman feignent souvent de s'intéresser -ou le contraire - aux amourettes des enfants. Rien n'est plus déprimant pour les jeunes qu'un accent de sarcasme ou de joviale condescendance ; ils voudraient se confier et ne le peuvent. Comment se confier à des êtres qu'on sent si différents de soi, si hautains, si méprisants ? Et c'est ainsi que l'abîme se creuse. Cherchez : il y a souvent ce regret de la confidence impossible derrière les masques d'adolescent. Que faire? se mettre au niveau des jeunes, s'en faire vraiment les camarades, rêve ingénu de beaucoup de parents, mais quasiment impossible et dangereux à réaliser. Reconnaissons qu'il est dur de voir, à cette époque bénie de l'adolescence où il semble que les cÅ“urs devraient s'ouvrir et les parents profiter de l'épanouissement de la plante qu'ils ont tendrement cultivée, il est dur de voir la fleur se refermer, le mutisme et la défiance ériger leur sévère barrière. Je connais pourtant des parents qui, bien que respectant en conscience la pudeur de leurs enfants, demeurent à peu près avertis de leurs mouvements secrets. Ce ne sont généralement pas ceux qui affichent un désir de ne rien ignorer et qui ne cessent de provoquer des confidences. Ce sont plutôt ceux qui savent pratiquer avec tact - quel art supérieur! - la méthode du demi-mot, de la pression de main affectueuse, de la liberté laissée à propos, d'une diversion ou même d'un changement de milieu suggéré au bon moment. Ce sont ceux-là surtout, qui ayant renoncé à une attitude «supérieure », à cette pointe de condescendance, à cette ironie même « paternelle », ont su montrer à leurs enfants, par leur propre exemple, la beauté de la franchise et de la confiance. |
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