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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Nos enfants

Ils nous touchent de si près dans le bien comme dans le mal, nous les aimons si passionnément, ils nous exaspèrent tant parfois, ils sont à un tel point la joie et le souci de notre vie, qu'il est presque aussi difficile de savoir quelle espèce d'être humains ils sont que de deviner ce que nous sommes nous-mêmes; et pourtant cette compréhension est essentielle à toute action intelligente…

Le cultivateur passe une année, et plus même, à observer minutieusement les particularités d'une nouvelle espèce de radis importée de Chine. Le bactériologue passe des heures à examiner au microscope tel microbe de son choix et concentre son attention sur les phénomènes qui se produisent. Les parents ont un sujet d'études beaucoup plus attrayant qu'un radis ou qu'un microbe, mais s'efforcent-ils vraiment de bien connaître leurs enfants avant d'essayer de les influencer?… Non pas. En général, nous avons un idéal tout fait de ce que doit être un enfant « gentil » et des qualités qu'il doit posséder ; et les qualités qui pourraient nous déplaire ne trouvent point de place dans cet idéal…

Ainsi nous nous mettons à cultiver notre jardin familial, aidés seulement de notions générales sur l'horticulture. Nos idées peuvent être justes en elles-mêmes, et pourtant ne pas s'appliquer aux graines particulières dont il nous a été donné de prendre soin. Nous nous efforçons de donner à nos petits chênes à lente croissance les lignes sinueuses du chèvrefeuille, de pincer consciencieusement les jeunes pousses de notre chèvrefeuille pour lui procurer la robustesse des jeunes chênes, nous greffons de la vigne sur des pins et nous essayons de faire produire des pommes de pin à des haricots ; et telle est l'étonnante résistance de la Nature que, malgré nous, nos pins deviennent généralement grands et vigoureux… nos haricots grimpent bien… et nos enfants grandissent et deviennent des citoyens heureux et utiles, quoique entièrement différents du type sur lequel nous voulions les modeler…

La vraie difficulté est de déterminer le genre d'individu auquel chaque enfant appartient. Et pourtant, si nous n'y parvenons, qui pourra y parvenir ? Nul n'est mieux placé que nous pour observer nos enfants, puisque nous les voyons à chaque heure du jour depuis leur naissance. A qui la faute si nous avons d'eux, trop souvent, une opinion fausse ?…

Certes, ces habitudes d'observation sont difficiles à pratiquer, nous sommes humaines, mal préparées, et bien souvent nous n'avons pas encore atteint nous-mêmes notre maturité. Nous avons, en outre, à remplir des devoirs d'épouses, de citoyennes, de maîtresses de maison tout autant que de mères (si nous ne voulons pas voir notre horizon se borner); nous sommes souvent fatiguées, parfois découragées; il nous arrive aussi de manquer un peu de jugement, et c'est le plus grave.

Prenons un cas qui s'est produit probablement pour chacune de nous. C'est l'heure de déjeuner; petit Pierre se met en rage parce qu'il est obligé de s' interrompre dans la construction d'une tour pour laisser la table libre. Nous sommes fort capable de répondre à cette crise de rage par une réaction nerveuse involontaire et de dire à l'enfant sur un ton d'exaspération parfaitement justifié : « Bonté divine ! Pierre, tu ne te figures pas qu'on va attendre une heure pour déjeuner, simplement parce que tu te sers de la table pour ton jeu ! » ajoutant en nous-mêmes cette amère réflexion : « Quel caractère il a cet enfant ! c'est tout à fait son grand-père !»

Nous avons, ce faisant, tiré des faits deux conclusions exactes : l'enfant est irritable, il n'est pas raisonnable (comme tous les enfants) ; mais comme nous étions à ce moment très pressée et préoccupée, nous avons négligé de tirer de cet incident les enseignements qu'il comporte. On ne saurait nous en blâmer, car la préparation d'un repas est une tâche aussi absorbante qu'importante, et il est ennuyeux d'avoir au même instant son attention détournée vers d'autres sujets; mais ce que nous pourrions toutes faire, si nous le voulions bien, ce serait de simplifier nos vies de façon à avoir chaque jour une demi-heure de calme méditation consacrée à cultiver en nous l'esprit d'observation pour le plus grand profit de nos enfants.

Le raccommodage, ou quelque autre besogne peu absorbante, se prête bien à ces moments de réflexion. Les enfants couchés, la maison tranquille, votre corps las au repos dans un bon fauteuil, repassez dans votre esprit (avec votre mari, si vous avez la chance qu'il prenne au sérieux son rôle paternel) les petits événements de la journée de vos enfants, et mettez dans votre manière de les interpréter tout votre jugement, tout votre bon sens et toute votre intuition féminine. Tâchez de considérer les faits (seule base de votre connaissance des enfants) dans leur ensemble et non seulement par les côtés qui vous ont le plus affectée. Essayez de comprendre ces instincts complexes des enfants qui ont déterminé leurs actes de la journée. Ne vous bornez pas à déclarer qu'ils ont été gentils ou horribles ; ne les jugez pas d'après ce que les étrangers en auront pensé, mais tâchez de trouver à leur conduite un sens intelligent et cohérent; considérez les faits sous tous leurs aspects.

Si Pierre a crié et tempêté, c'est qu'il n'est pas raisonnable et qu'il est coléreux, sans doute; mais le petit garçon de votre voisine qui est aussi d'un caractère emporté ne s'est pas mis en colère, il a abandonné avec une indifférence parfaite sa tour démolie et s'est mis à jouer avec le chat. Vous avez pensé que certains enfants étaient bien plus faciles que le vôtre ; mais n'y a-t-il pas une autre différence plus profonde entre Pierre et son petit camarade? Pierre a en lui un instinct qui répugne à abandonner une entreprise avant de l'avoir menée à chef. Maintenant que vous êtes calme et que sa bruyante colère ne nous énerve plus, songez-y, et au lieu d'en être ennuyée, tâchez d'en tirer des conclusions.

N'est-ce pas, peut-être, que l'un des traits de caractère de votre fils est la persévérance ? Si c'est le cas, vous ferez bien, durant votre demi-heure de méditation, de remercier le Ciel que Pierre soit doué d'un outil aussi puissant pour réussir dans la vie. Et vous pourrez avoir cette vision de Pierre : non plus un bambin de quatre ans, mais un homme vigoureux, puissant et énergique, un ingénieur peut-être, bâtissant une grande digue et éprouvant pour les flots et le vent qui s'acharnent à contrarier son entreprise le même ressentiment qu'il a éprouvé contre vous quand vous êtes venue démolir ses constructions, et transformant alors, pour le bénéfice de l'humanité, la chaleur de son ressentiment en un triomphe sur les forces brutes de la nature.

Oui, il vous est permis de voir les germes de tout cela dans l'accès de «méchanceté» de Pierre, et alors, vous n'envierez plus votre voisine d'avoir un petit garçon si différent du vôtre ; car cette même qualité qui le fait céder de si bonne grâce aujourd'hui le fera céder aussi facilement devant le flot, sans qu'il sache faire l'effort voulu pour empêcher sa digue d'être emportée.

En essayant ainsi de tirer des conclusions de vos observations, ayez grand soin qu'elles restent désintéressées et sincères. Il vous faut voir ce qui est réellement et non pas ce qui cadre avec vos théories. L'idée que vous vous faites du caractère de vos enfants doit être assez flexible pour pouvoir évoluer ; rien n'est si dangereux qu'une opinion trop arrêtée… Il se peut, après tout, que Pierre ne soit pas particulièrement persévérant, que son impatience provienne d'une passion pour l'architecture. C'est un point que vous seule pouvez élucider, et seulement par une constante observation de ses actes spontanés… Jamais vous ne serez aussi bien placée pour étudier votre enfant que maintenant qu'il est assez petit pour ne point savoir encore dissimuler ses impulsions. Personne au monde, pas même sa future femme, n'aura une meilleure occasion que celle qui vous est offerte aujourd'hui : de là votre responsabilité. Pour aider Pierre à développer ce qu'il a de meilleur en lui et à diriger son énergie vers des fins nobles et utiles, il vous faut connaître, non pas tant la psychologie enfantine, la philosophie, la médecine, que Pierre lui-même.









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