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Devoir négligé

Je suis entrée, l'autre soir, à l'improviste, dans la chambre où ma fillette faisait ses devoirs. Le porte-plume en l'air, ses cahiers repoussés de côté, elle était plongée dans la lecture d'un livre récréatif, et si absorbée qu'elle ne m'avait pas entendu venir. En me voyant, elle a vite fermé le livre; puis incapable de supporter mon silence et mon regard de reproche, elle a éclaté en sanglots en criant: «maman, pardonne-moi!»

L'enfant est très douce, mais sans énergie pour résister aux tentations et elle sait combien toute faute causée par cette faiblesse me rend malheureuse. J'étais triste, en effet, et un peu découragée, comme nous le sommes toutes, quand nous voyons nos enfants recommencer pour la centième fois la mauvaise action qu'ils ont promis quatre-vingt-dix-neuf fois de ne plus commettre. Tout naturellement des reproches amers me venaient sur la langue. Mais à quoi servirait de prendre de l'âge si l'on ne prenait pas en même temps plus de jugement, de bon sens et de calme pour dominer ses impressions. «Comment, pensai-je, mon enfant aura-t-elle le courage de réagir contre sa faiblesse, de travailler à se fortifier l'âme, si elle me voit, moi, sa mère, son aide naturelle, découragée et avoir l'air de trouver le mal incurable! Ne faut-il pas avant tout l'empêcher de se décourager, de s'abandonner à ce sentiment désespérant de l'«à quoi bon! ce n'est pas la peine » qui gagne si vite les enfants ?»

J'ai pris le livre et j'ai dit doucement à la petite: «Alors, ma pauvre enfant, tu as donc encore oublié de prier !»

Comme si elle avait deviné nies pensées, elle m'a répondu: «J'ai beau me donner de la peine, le ne pourrai jamais, je suis trop faible; quand je suis arrivée pour faire mes devoirs, il s'en manquait de cinq minutes que ce fût cinq heures j'ai voulu en profiter, puisque tu avais oublié d'emporter mon livre, comme tu fais d'habitude; puis l'histoire était si intéressante que j'ai oublié l'heure!» Et les sanglots de redoubler. «Aujourd'hui comme d'autres fois, ma pauvre petite, tu as péché par manque de réflexion; au lieu de profiter des cinq minutes pour lire, tu aurais dû en profiter pour m'apporter le livre. Ton amour pour la lecture t'a empêchée de voir la tentation. Pour te prouver que ce n'est pas ta faiblesse qui est la cause directe de ta faute, je vais laisser le livre là, je suis convaincue que tu ne le rouvriras plus et que si l'envie t'en vient, tu sauras en priant, y résister». Je savais qu'une fois mise en garde, elle serait forte et je voulais relever son courage, par cette facile victoire. C'est ce qui est arrivé en effet.

Mais une parole de l'enfant m'avait frappée au coeur comme un reproche. Retournée à mon ouvrage, je n'ai pu m'empêcher d'y penser et de la méditer. «Tu n'avais pas emené mon livre». Une petite négligence de ma part avait donc eu pour effet immédiat une faute de la sienne je sais, par expérience, quelle irrésistible tentation est un livre, pour qui aime la lecture; c'est pourquoi je ne laisse dans la chambre, où ma fillette fait ses devoirs, absolument que les livres de classe. Mais suis-je aussi prévoyante pour les autres choses ? Beaucoup de ses fautes n'ont-elles pas été, comme aujourd'hui, la conséquence de ma négligence ? L'été dernier j'ai souvent grondé parce que les devoirs étaient mal écrits; maintenant, je me le rappelle, tandis qu'elle les faisait dans sa chambre la fenêtre ouverte, moi j'étais parfois au jardin à bavarder avec des amies. N'était-ce pas une tentation trop forte ? Comment pouvait-elle, elle une enfant, avoir l'ardeur, l'énergie de bien travailler, de réagir contre la lourdeur de cette atmosphère de chaleur et de paresse ?

Est-ce que nous ne jugeons pas trop souvent nos enfants d'après nous-mêmes ?
J'ai blâmé Jeanne, mon amie, qui ne peut supporter les fruits et qui parce qu'elle s'imagine qu'ils sont indigestes, met ses enfants au régime d'un quart de poire et d'une moitié d'orange, puis se plaint que les petits dévalisent les espaliers. Mais, moi pour d'autres choses, n'ai-je pas parfois fait comme elle ?

Les enfants ne sont pas des grandes personnes: ce qui nous intéresse les laisse indifférents et ils se passionnent pour des choses que nous ne pouvons comprendre. Ils peuvent être tentés, sans que nous nous en doutions, et tel acte qui nous paraît simple, facile et tout naturel leur coûte peut-être un grand effort. Leurs désirs sont plus vifs, plus violents que les nôtres et ils sont plus faibles pour y résister. Ne leur imposons-nous pas souvent des tentations auxquelles nous-mêmes peut-être nous succomberions. A brebis tondue, dit-on, Dieu mesure le vent; mesurons-nous toujours le fardeau à leurs forces ? Combien de fautes n'aurai-je pas épargné à Suzanne, si je m'étais appliqué à me rendre compte des tentations auxquelles je la soumettais !

J'ai longtemps pensé, tout en travaillant. Il me semblait que mes yeux s'étaient subitement ouverts et qu'un devoir négligé m'apparaissait. J'avais honte de n'y avoir pas pris garde plus tôt. Que d'avertissements Dieu m'a donnés, et que mon coeur n'a pas entendus! Peut-être ces lignes seront-elles aussi un avertissement pour d'autres mères ?

Voir le mal, en connaître la cause, c'est déjà beaucoup, et entreprendre de le guérir au nom de Dieu et avec son aide, c'est avoir l'espérance de la victoire.









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