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Les deux génies

APOLOGUE

- C'est ici, tout près, disait un génie à son compagnon en lui montrant deux frêles petites plantes dont ils recevaient le don. Regardez donc comme c'est délicat, et frais, et plein de grâce. Penchez-vous. Il faut se pencher vers de si petites choses, il faut nous courber, nous les grands, nous les forts. Faisons nos mains légères, nos voix douces, notre souffle tiède. N'approchons qu'avec amour. Pour des créatures si exquises, si riches d'espérances, nous ne serons jamais assez tendres, assez sensibles, assez légers. Oh! les merveilleuses promesses contenues dans ces fragiles existences et combien heureux nous sommes d'en être les héritiers. Songez donc, ami, que nous sommes les possesseurs de ces trésors sans prix, qu'à nous sont réservées les richesses promises. Ne vous sentez-vous pas transporté comme moi de joie et de tendresse ?

- Non. Je trouve que ma plante est trop petite, il y aura trop à faire pour la soigner. Elle est jolie, je le veux bien, mais la regarder me suffirait, et l'ennui de devoir la cultiver me gâte ce plaisir.

- Oh ! mais ce sera si doux d'avoir à lui donner le nécessaire, de lui apporter le rayon de soleil pour faire briller ses nuances délicates, la lumière pour développer son parfum, la goutte d'eau pour étancher sa soif, l'écran pour la protéger contre le vent, la fraîcheur pour l'empêcher de se flétrir. Elle aura besoin aussi d'un souffle léger pour chasser les graines de poussière qui terniraient sa beauté, d'une main ferme pour faire fuir les ennemis prêts à lui enlever sa fraîcheur, sa pureté. Il y aura encore les abeilles amies à lui amener pour qu'elle leur donne son suc et leur livre son trésor.

- Ah ! voilà où je vous arrête. Comment ! vous prendrez tous ces soins, vous vous dépenserez nuit et jour pour soigner votre plante, pour lui épargner les chocs et lui donner au-delà de ses besoins, et puis ce sera pour que d'autres en profitent! Non pas! Si je m'occupe de ma plante, ce sera pour moi qu'elle grandira, pour moi qu'elle fleurira, pour moi qu'elle embaumera. Je la veux belle et pure, aussi bien que vous; et tout considéré elle vaut la peine d'un peu de soins, mais nul autre que moi n'en aura la jouissance.

- Je ne vous comprends pas. Cultiver votre plante pour vous seul ? Y songez-vous ? Mais vous ne saurez pas la joie de la prêter, de la donner ! Nous l'avons reçue du roi qui l'a créée, elle est pour lui et notre récompense sera de la lui rapporter sans défaut, dans toute la gloire de la parure qu'il lui destine. Oh ! non, pas pour nous, mais pour lui; elle nous sera tellement plus chère, plus précieuse, si nous la cultivons pour lui.

Ainsi murmuraient les deux génies en contemplant leur trésors. L'un se tenait à genoux et versait sur son bien un regard chargé d'amour, de reconnaissance et de tendresse; ses mains l'enveloppaient comme d'un rempart; son front penché disait que rien de ce que la petite plante sentirait ne le trouverait indifférent ou insensible. Il lui donnait son coeur pour qu'elle en vécût.

L'autre génie restait debout à côté, mesurant la distance qui séparait sa pauvre petite plante de lui-même, le front couvert du nuage qu'y amoncelait la prévision des soucis qui l'attendaient, les lèvres serrées, le regard dur. A lui, pourtant, la même grâce était faite qu'à son compagnon, lui aussi avait les mêmes promesses, le même trésor.

- Pourquoi cette différence entre vous génies ? Qu'êtes-vous? Quels sont vos noms ?

- Nos noms ? Vois notre travail, regarde nos plantes et tu sauras ce que nous sommes.

- Que vois-je ? Est-ce là, génies, votre oeuvre ? Cette exquise corolle, aux fraîches et pures nuances, au suave parfum, à l'allure ferme et joyeuse, ah ! c'est bien ta fleur à toi, doux génie aux yeux de lumière et d'azur. J'y reconnais tes soins, ta tendresse. La poussière du chemin n'a pas éteint l'éclat de sa parure; le vent n'a pas éparpillé au loin le fin et de ses pétales; la chaleur n'a pas terni son délicieux tissu; la soif n'a pas courbé son front vers le sol. Elle t'a toujours trouvé vaillant et attentif, prêt à répondre à son appel. Tu lui as épargné les contacts inutiles, mais, sans faiblesse, tu as, restant à ses côtés pour la soutenir et l'encourager, tu as laissé le passant effleurer sa tige, aspirer son parfum. Les plis de sa robe, de ta douce main tu les as effacés; les défauts de sa structure, tu les as surveillés et corrigés avec patience et douceur; les taches qui voilaient son éclat, tu les as lavées. Tu as redressé la tige qui fléchissait, tu as donné vigueur et souplesse aux feuilles languissantes; tu as enveloppé ta fleur de joie, d'amour, de fidèle vigilance. Aussi serait-elle digne d'être cueillie pour entrer dans la couronne de ton roi, mais il aime à embellir les jardins de la terre de ses précieuses fleurs vivantes et il te laisse pour un temps, afin de t'en donner la joie, celle que tu as cultivée pour lui. Ton nom ? Ah! je le connais bien: tu es la Bonté.

Et toi, génie honteux et sombre, ton oeuvre, la voilà! Pauvres pétales flétris, raccornis, fermés; pauvre parfum disparu pauvre tige ployée; pauvres feuilles séchées et pantelantes, pauvre fleur fanée, comme tu dis bien le travail amer et mauvais de ton cultivateur. Tu n'as pas eu, toi, de main amie pour te donner la goutte d'eau dont tu étais altérée, le rayon de soleil nécessaire à ton éclat, la fraîcheur qui t'aurait fait vivre. La poussière a couvert ton front, le vent a déchiré ta robe. Tes feuilles, qu'aucun appui ne venait soutenir, croissaient en désordre et sa main brutale les arrachait une à une; les taches de ta corolle exaspéraient ses yeux et il te secouait pour les cacher. Voici que ta beauté a disparu, ton parfum s'est évanoui. Tu as fermé ton coeur et ton trésor s'est dispersé. Il n'a plus retrouvé la fleur qu'il attendait, il s'en est irrité et t'a repoussée. Il ne veut plus croire que tu as été une espérance, une promesse; il ne se souvient plus de ses propres désirs, il ne voit que sa déception, son amertume. Il t'a voulue pour lui et maintenant tu es digne de faire partie de son diadème fétide. Il a détruit ta vie, il a éteint ta lumière, il a souillé ton éclat: son nom est Egoïsme.

0 pères et mères, cultivateurs de plantes précieuses, pensez à mes deux génies. Ils sont en vous, se livrant un perpétuel combat dans l'éducation de vos trésors. Quels soins prenez-vous de vos fleurs ? A quelle couronne les destinez-vous ? De qui seront-elles dignes en sortant de vos mains?









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