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Parents et enfants

M. André Maurois a publié dans un volume intitulé « Sentiments et Coutumes », cinq conférences dans lesquelles il avait exposé quelques problèmes essentiels de la vie.

Nous empruntons à celle qui a pour sujet: « Parents et enfants », les extraits suivants qui intéresseront nos lecteurs.

Tendresse instinctive et sans réserve chez la mère, adoration et confiance chez l'enfant, tel est le cas « normal », à leurs débuts, des rapports entre les générations. Il faudrait, avant d'aller plus loin, ajouter quelques mots sur les erreurs qui, dès cette période en apparence inoffensive, sont si fréquemment commises par les parents. La plus fréquente est de créer l'enfant gâté, c'est-à-dire l'enfant auquel on a donné l'habitude de se croire tout puissant alors qu'il est en réalité un être faible, et que sa force apparente n'est faite que de la faiblesse de ses parents. Rien de plus dangereux. Le caractère se forme dès les premiers mois de la vie. Après un an, vous aurez déjà modelé un être qui acceptera une discipline ou qui n'en reconnaîtra aucune. J'entends souvent dire - et j'ai dit souvent moi-même - on a peu d'influence sur ses enfants, les caractères sont ce qu'ils sont et l'on n'y peut rien.

Mais, en de nombreux cas, on aurait pu refaire ces caractères par la première éducation, celle à laquelle on pense le moins. Il faut, dès les premiers jours de l'existence d'un être, lui donner l'habitude de la règle, car celui qui ne reconnaîtra aucune discipline sera destiné à souffrir. L'enfant gâté vit dans un monde fantastique et faux, il croit jusqu'à la mort qu'un sourire, une colère exciteront compassion ou tendresse. Il veut être aimé « gratuitement », comme il l'a été par des parents trop faibles. Nous avons tous connus de vieux enfants gâtés.

A quoi le remède est pour la mère, en ces premiers mois où l'enfant acquiert sur la vie ses premières notions, muettes et essentielles, de lui apprendre qu'il existe des règles…

Il faut aussi éviter de laisser deviner par les enfants les conflits entre les parents. Pensez à l'univers féérique du petit enfant et à l'horreur qu'il a de découvrir qu'il y a guerre entre ses dieux. D'abord il en souffre. Puis il perd le respect. L'homme et la femme qui, dans la vie, se révoltent contre toutes choses, sont souvent ceux qui, dans leur jeunesse, ont aperçu un décalage excessif entre ce que conseillaient et ce que faisaient leurs parents.

« Les vraies joies de la famille sont réservées aux parents qui ont su à la fois se faire respecter par l'enfant et le respecter lui-même, lui imposer autant de disciplines qu'il était nécessaire. Ces parents-là ne connaîtront pas les terribles difficultés du moment où l'enfant réclame son indépendance»(1). Le passage de l'enfance à l'adolescence se fera grâce à eux et pour eux avec un minimum de souffrances.
Ils auront plus de joie que les parents despotes.

Ce qui, dans les rapports entre parents et enfants, crée souvent des malentendus tragiques, c'est que l'âge mûr voudrait trouver chez l'adolescent des réactions et des sentiments qui n'appartiennent qu'à l'âge mûr. Les parents, voyant les difficultés qu'éprouvent les adolescents au moment de leur premier contact réel avec la vie, se souviennent de leurs propres erreurs, désirent en protéger ceux qu'ils aiment et essayent naïvement de transmettre leur expérience à leurs enfants. Démarche toujours dangereuse parce que l'expérience est a peu près intransmissible. Il faut que tout être humain traverse tous les âges de la vie ; il faut que les « idées et les âges évoluent de compagnie ». Il y a des vertus et des sagesses qui sont liées au vieillissement du corps et que nul discours n'enseignera à un jeune homme.
De là, chez la jeunesse, rébellion, et, pour l'âge mûr, déception. C'est alors que monte entre les deux générations une atmosphère d'irritation et de reproches. Chez les parents les plus sages, cette irritation est heureusement tempérée par les sages retours sur la nécessaire puérilité de l'enfance. Connaissez-vous ce poème de Coventry Pattnore, qui a été traduit par Claudel et qui a pour titre « Les Jouets » ?

Un père a traité son enfant avec sévérité et, le soir, entrant dans la chambre du petit garçon, il le trouve endormi, mais les cils encore mouillés de larmes. Sur la table, près du lit, l'enfant a disposé une pierre veinée de rouge, sept ou huit coquillages, des clochettes bleues dans une bouteille et deux sous français, toutes les choses auxquelles il tient le plus, rangées avec art, pour se consoler dans sa détresse. Et, devant tant d'enfantillage, tant de faiblesse touchante le père comprend ce qu'est une âme d'enfant et se repent.

C'est surtout au moment de l'adolescence de nos enfants que nous devrions nous souvenir et ne pas leur faire grief d'idées, de sentiments, d'humeurs qui sont ceux de leur âge. Sérénité difficile. A vingt ans, chacun de nous pense : « Si, un jour, j'ai des enfants, je saurai rester près d'eux ; je serai pour eux le père que mon père n'a pas su être ». A cinquante ans, nous sommes à peu près le père (ou la mère) que nos parents ont été. Puis, nos enfants à leur tour, comme nous l'avions tant souhaité (et si inutilement) deviendront semblables à nous, mais ce sera quand nous n'y serons plus et quand ils joueront eux-mêmes sur la terre le rôle qui est aujour d'hui le nôtre.

Vous voyez maintenant, comment peut se former, chez l'adolescent, l'ensemble de griefs et de conflits qui détermine « l'âge ingrat ». Pendant la première période de l'enfance, chaque être traverse ce que l'on pourrait appeler l'âge féérique, celui pendant lequel nourriture, chaleur, plaisirs sont des faveurs accordées par des divinités bienfaisantes. La découverte du monde extérieur et de la nécessité de travailler est un choc pour beaucoup d'enfants. Par l'école, les amis entrent dans la vie, et, à travers ses amis, l'enfant commence à juger sa famille. Il comprend que les êtres qui lui avaient semblé d'abord « évidents » et aussi nécessaires que l'air et l'eau peuvent paraître surprenants ou médiocres aux yeux d'autres enfants. « C'est tout un nouveau champ de relations passionnées, les liens qui unissent l'enfant au père et à la mère se relâchent alors, quoiqu'ils ne se brisent jamais. C'est l'heure où l'étranger triomphe » (2)… C'est l'heure aussi où l'enfant devient un rebelle que ses parents sachent l'aimer rebelle.

Il y a nécessairement quelque chose de réaliste et de plat en toute vie de famille… L'adolescent, qui est toujours un idéaliste, en est blessé… Il maudit la famille et ses lois. Il en veut de plus pures. Il imagine l'amour très grand et très beau. Il a besoin de tendresse, d'amitié. C'est le temps des serments, des confidences et des secrets.
Et presque toujours, c'est le temps des déceptions car les serments ne sont pas tenus, les confidences sont trahies, et les amoureuses infidèles. L'adolescent veut agir bien et tout ce qu'il essaie tourne mal. Alors il devient cynique. Mais son cynisme est fait de son idéalisme déçu, de la disproportion entre son rêve et le réel. Il y a là dans toutes les vies, et surtout dans les meilleures, une période tragique.

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Quels enseignements pratiques peut-on retenir de cette étude ? D'abord la prodigieuse importance de l'éducation par la famille dans la petite enfance. Les enfants mal élevés pourront sans doute refaire leur caractère et parfois même, de leur déséquilibre, tirer leur génie, mais nous leur préparons une vie plus facile si nous savons leur donner une enfance heureuse. Qu'est-ce qu'une enfance heureuse ? Celle qui se passe près de parents unis entre eux, qui tout en aimant tendrement leurs enfants, maintiennent une discipline ferme, sans cahots, et qui, entre les enfants, savent faire régner une évidente égalité. Retenons aussi qu'à chaque âge de la vie correspondent des transformations inévitables du caractère, que les conseils doivent être rares et prudents et que le seul conseil vraiment efficace est l'exemple.

(1) Bertrand Russel, On Education.
(2) D. H. Lawrence.









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