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Ce petit point bleu dans le soleil…

L'autre matin, j'ai conduit ma fillette à l'école. Avez-vous jamais goûté ce privilège ? Tenir dans sa main la petite main de son enfant, quel honneur! Comme on aime cette faiblesse, cet abandon ! Comme on se sent, si l'on est homme, dans son rôle naturel de protecteur ! Et puis, ces quelques minutes à deux deviennent bientôt des minutes de confiance et de confidence : dans ce cÅ“ur tout neuf qui bat à vos côtés, on découvre des tourments candides, des sentiments délicieusement ingénus. Oui, si je le pouvais, je vous assure que je ne me priverais jamais de ce devoir qui est une fête.

Sans compter qu'aux satisfactions intimes peut s'ajouter le contentement des yeux. Car le chemin que suit ma fillette me ferait presque oublier la ville et son tohu-bohu. C'est un recoin de verdure et de tranquillité - comme il s'en trouve ici et là dans nos quartiers suburbains, le long de quelque muraille moussue - un de ces recoins que la civilisation semble avoir dédaignés, refuges prêtés à l'âme et aux fleurs, aux oiseaux, aux écureuils…

L'autre jour, donc, j'ai conduit ma petite à l'école. Il est entendu, quand ce plaisir m'échoit, que je la laisse aller seule à partir d'un certain endroit, toujours le même, marqué d'une borne. De là, l'ayant baisée sur le front, je me contente de la suivre des yeux jusqu'au bout du chemin, à quelques pas du portail derrière lequel je la sais à l'abri. Elle est parfaitement sûre que je ne partirai pas tant qu'elle me sera visible. D'autre part, il est convenu tacitement qu'elle doit se retourner plusieurs fois, pour me faire un signe d'adieu.

Si vous saviez les mille et une pensées qui, alors, me traversent l'esprit ! Au fur et à mesure que s'éloigne la frêle et souple silhouette, je prends conscience des liens indissolubles qui m'unissent à elle. Je songe avec mélancolie que telle est pourtant la loi de ce monde : que, pour vivre, il faut que l'enfant sorte de son nid, qu'il conquière sa personnalité, qu'il se détache de ceux qui l'aiment afin de leur revenir ensuite spontanément. Je m'étonne, je m'émerveille toujours à nouveau de cette autre existence, issue de la chair et de l'âme de ceux qui l'ont fait éclore. Ce petit point bleu qui sautille dans le soleil, par quel mystère me tient-il de si près ? Par quel mystère sa vie est-elle nécessaire à ma vie ? Par quel mystère le battement de mon cÅ“ur est-il suspendu au battement de cet autre cÅ“ur, au point que si ce cÅ“ur s'arrêtait brusquement - comme je tremble à cette pensée ! - il me semble que le mien se figerait aussitôt et que je resterais là, statue de sel, cloué dans un passé qui deviendrait toute ma vie ?…

-Allons, triste rêveur… L'enfant, c'est l'avenir, c'est demain ! Et il faut aller à demain par le devoir d'aujourd'hui.









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