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L'enfant et la guerre
Danie a l'âme pacifique ; pourtant elle aime voir de vrais soldats, surtout quand ils sont à cheval.
La première fois qu'elle fut « accrochée » par l'uniforme d'un soldat, elle demanda :
- Qu'est-ce que c'est que ce monsieur, là ?
- Un soldat.
- C'est méchant?
- Non. Pourquoi veux-tu
- Parce que
ça fait la guerre ?
- Oui.
- Alors ça tue ?
- Quelquefois.
- Alors c'est méchant.
Il fallut disserter sur l'état de légitime défense, sur le devoir de défendre sa patrie, sur l'héroïsme, etc
elle n'a absolument rien compris et nous nous sommes quittées fort peu satisfaites l'une de l'autre.
Enfin, quand elle eut quatre ans, elle posa, après réflexion, ses premières questions sur la guerre.
- L'ami X
il a fait la guerre ?
- Oui, ma chérie.
- Il n'est pas mort ?
- Tu le sais bien puisqu'il est venu déjeuner hier.
- Alors on ne se tue pas toujours à la guerre ?
- Pas toujours heureusement.
- Mais qu'est-ce que l'on fait avec les fusils et les canons ?
- On tire sur les soldats ennemis.
- On tire dessus pour les tuer?
- Oui
enfin
- On les blesse tant qu'on peut ? C'est pour les tuer ?
- On les blesse
surtout. (Suis-je assez hypocrite ?).
- X
, il a été blessé
- Oui, très gravement, laissé pour mort sur le champ de bataille.
- Qui est-ce qui l'a soigné, emporté?
- Les ennemis.
- Oh ! ça ! (Elle me soupçonne de plaisanter désagréablement.)
- Mais, puisqu'ils voulaient le tuer, puisqu'ils l'ont beaucoup blessé, pourquoi qu'après ils l'auraient soigné ?
- Parce qu'en temps de guerre, c'est cela. On doit soigner ceux que l'on a blessés, quand ils ne meurent pas tout de suite de leurs blessures.
- Alors pourquoi se faire du mal, si c'est pour se faire du bien après ?
- Evidemment c'est très compliqué pour une petite fille
Et je pense : « pour une grande personne aussi».
- Dis-moi, maman, l'ami X
qu'est-ce qu'il a fait quand il a été guéri ?
- Les ennemis l'ont gardé, il a été leur prisonnier.
- On peut donc vivre ensemble après s'être fait tant de mal ?
Mais ils l'ont pas gardé toujours puisqu'il est venu déjeuner.
- Bien sûr
ça, c'était il y a bien longtemps. Quand la guerre est finie, les prisonniers rentrent dans leur pays, chacun chez soi, comme avant la guerre
- Alors, à quoi ça sert de se tuer ? A quoi ça sert les guerres, dis ?
Je n'ai pas su lui répondre par un beau couplet cornélien ; elle ne sait pas encore « a quoi ça sert, les guerres ».
Comme, un peu plus tard, je disais à cette petite fille :
- Tu sais, tu m'as beaucoup troublée avec ton « A quoi sert la guerre ? »
Elle me répondit, les yeux tranquillement fixés sur moi :
- Oh ! moi, depuis qu'on m'a lu des histoires de la Bible j'ai compris qu'il y a des guerres parce que les premiers hommes étaient méchants
- Dès qu'il y a eu deux hommes sur la terre, ils se sont battus, n'est-ce pas ? Ça a été la première guerre.
Et j'admire qu'un enfant de cinq ans puisse dire avec tant d'innocence et de tranquillité des choses que des hommes graves mettent beaucoup de temps à expliquer.
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